Vers l’élimination politique de Kassory? Maître Dinah Sampil accuse la CRIEF…
CONAKRY-Les avocats de la défense de l’ancien Premier ministre Dr Ibrahima Kassory Fofana redoutent une condamnation par défaut de leur client, poursuivi devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), pour des faits de « corruption présumée, enrichissement illicite, détournement de deniers publics ». Le dossier de l’ex chef du Gouvernement d’Alpha Condé a connu une accélération spectaculaire ce lundi 17 juillet 2023. Le président de la Chambre de jugement de la CRIEF a décidé d’ouvrir les réquisitions et plaidoiries alors que le prévenu malade n’a jamais comparu à la barre.
Comment la défense du président du comité exécutif provisoire du RPG arc-en-ciel perçoit-elle ce nouveau rebondissement ? Que comptent faire les avocats face à cette nouvelle donne ? A quel niveau se situe la procédure qu’ils ont engagée devant la Cour de Justice de la Cedeao ? Africaguinee.com a interrogé l’ancien bâtonnier maître Dinah Sampil. Dans cet entretien, cet avocat de la défense soutient que la Cour est en collusion avec le parquet pour prononcer coûte que coûte une condamnation contre Dr Kassory en vue de l’éliminer politiquement. Il apporte aussi d’autres détails sur la maladie dont souffre son client. Entretien exclusif.
AFRICAGUINEE.COM : Le dossier de votre client Dr Ibrahima Kassory Fofana vient de connaître un nouveau rebondissement. La Cour a ordonné ce lundi 17 juillet 2023 le début des plaidoiries et réquisitions. Comment expliquez-vous ce revirement ?
MAÎTRE DINAH SAMPIL : C’est une mascarade dans la mesure où M. le Président de la Chambre de jugement a obéi la tête baissée, les yeux fermés, les oreilles bouchées à M. le procureur spécial qui, à peine voilé, lui a dicté la conduite à suivre comme lui-même l’a répété. Cette question m’a ahuri lorsque je faisais mon entrée dans la salle (d’audience, lundi 17 juillet), je l’ai entendu dire au procureur : oui M. le Procureur quelle est la conduite à suivre ? Comment un Président qui doit décider de façon objective et conformément à la loi peut demander à un procureur quelle est la conduire à suivre ? Évidemment celui-ci lui a dicté la conduite et il a obéi.
Quant au procureur, à part ce qu’il a affirmé, il ne peut donner la preuve de rien du tout. La tribune dont il parle, il aurait fallu pour lui de lire le passage dans lequel Kassory dit qu’il refuse de comparaître. Ce qu’il dit n’est pas exact. Deuxièmement dire que Kassory n’est pas malade mais c’est un refus de comparaître, il a quelle qualification pour parler de l’état de santé d’une personne ? Il est juriste, mais il n’est pas médecin.
Le plus ahurissant a été l’avis du président de la Cour qui lui-même dit que le monsieur est lucide et audible. Est-ce que cela suffi pour dire que Kassory n’est pas malade ? La maladie, c’est d’abord le physique. Elle atteint le physique d’un être humain avant d’atteindre le mental. Si les malades qu’on évacue ne parlaient pas comment les médecins auraient posé leur diagnostic ? Parce que c’est au malade de décrire le mal dont il souffre pour que le médecin pose le diagnostic et puisse déterminer le mal en question. S’il faut se fier à la parole du malade pour dire qu’il n’est pas malade…voyez-vous combien de fois c’est léger ? Or la loi pour décrire quelqu’un qui est malade parle de celui qui est en possession de ses facultés mentales et physiques.
Le médecin a répété que le monsieur ne peut pas se tenir débout seul et que même pour aller dans les toilettes il faut le supporter sinon il fait ses besoins sur place. Qu’est-ce qu’on veut de plus ? Il y a plusieurs façons pour humilier quelqu’un. Malheureusement en Guinée on prend l’habitude d’humilier les personnalités qui ont occupé des postes dans ce pays et auxquelles on doit de l’égard et de la considération.
Nous nous étions élevés contre l’incarcération du capitaine Moussa Dadis Camara. Laquelle incarcération n’était pas nécessaire pour sa comparution. Malheureusement, les gens en font des trophées de guerre comme quoi ils ont réussi un exploit. C’est dommage que la Guinée soit la mère de famille qui mange ses propres enfants.
Que comptez-vous faire ?
Le juge est souverain. Ce ne sont que des demandes qu’on peut lui adresser en tant que juge du siège et éventuellement faire des recours devant ses décisions qu’il rendra. Nous sommes dans une république quand-même où les choses organisées ont des appellations chez nous quand bien même elles ne remplissent pas les conditions d’activités ou d’exercice de ces institutions-là. Sinon une juridiction aussi respectable que devait l’être la Crief, c’est dommage qu’on examine des questions aussi importantes autant de légèreté. Tout le monde sait aujourd’hui que les propos du procureur expriment son empressement d’avoir une condamnation de Kassory. Une condamnation en répression de quelles infractions ? Il est incapable de la démontrer. Donc, c’est une course vers l’élimination politique de ce monsieur en qui on sent des ambitions politiques qu’on ne veut pas qui soient exprimées. C’est tout.
Quel sort a-t-on accordé à la demande d’évacuation que votre client avait formulée le 11 juillet dernier lors du transport judiciaire ?
La demande a été rejetée non seulement, mais vous savez lui-même (le procureur, ndlr) en filigrane, a parlé d’une contre-expertise. Pourquoi on refuse cette contre-expertise-là ? Est-ce que deux avis sur un même état de santé, ne sont pas mieux qu’un seul avis ? Pourquoi on ne veut pas que la contre-expertise ait lieu ? C’est parce que simplement on redoute la confirmation de la première expertise. Chose qui mettrait mal à l’aise, le procureur dans sa course pour l’obtention d’une condamnation. Il estime que c’est une perte de temps, ça va retarder. Ça doit retarder quoi si c’est pour conforter l’idée du juge et l’opinion plus loin sur l’état de santé qu’on fait prévaloir jusque-là ? L’état de santé est un droit de l’homme. Tout être humain a droit à la santé. Pourquoi on refuse à ce monsieur (Kassory), le droit de se faire soigner ?
Les médecins ont dit ici que le mal dont il souffre n’a pas d’équipements adéquats en Guinée. Et mieux, n’a pas de spécialistes. Depuis qu’il est à l’hôpital, on ne lui administre que des calmants. On n’est pas en train de le soigner. On calme ses douleurs pour qu’il les supporte mieux d’ici que le traitement véritable ne commence. C’est pour cela que le médecin a dit que son état est stationnaire. Donc on ferme les yeux sur le mot stationnaire qui est le contraire d’évolution. Un état qui a évolué et un état qui stationne. Depuis qu’il est là, il ne reçoit aucun soin de traitement. Il n’est que sous calmant.
Alors dire à partir de là qu’il n’est pas malade, mais il y a au moins les bulletins de santé qui ont été établis avant son arrestation lorsqu’il était en fonction par l’hôpital américain de Paris. Ces bulletins-là sont et ils sont très éloquents. Qu’on dénie aux médecins guinéens la qualité de diagnostiquer le mal, mais pas à ces américains de Paris, qui sans contraintes ni rien, sans prévisions ni rien, ont constaté que le monsieur développe des boules qu’ils ont appelé des kystes dont une au cours de son développement était devenu déjà cancérigène. On veut tuer ce monsieur à petit feu en se barricadant derrière la justice pour qu’on dise finalement que c’est une mort naturelle.
Mais de toute façon Kassory est rentré (en prison) lorsque son mal existait déjà et diagnostiqué auparavant. Et c’est pendant qu’il est en prison que le rendez-vous que son médecin traitant lui avait donné est arrivé. Et cela n’est pas passé sous silence parce que nous avions adressé à l’époque des demandes d’évacuation ou de liberté provisoire pour aller se soigner et revenir. Aujourd’hui, le procureur crie à la double nationalité. Nous n’avons pas eu le choix de lui répondre parce que, à l’absence de notre client, on n’avait pas droit à la parole, je l’accepte, c’est pour cela qu’il s’est permis des énormités de ce genre parce qu’il sait qu’il n’a personne en face pour le contredire.
Avez-vous perdu confiance en la Cour de juger votre client de manière neutre et indépendance ?
Si jusqu’à ce matin, on avait encore un semblant de confiance à cette juridiction, aujourd’hui, les preuves nous ont été données que cette juridiction est en mission et que coûte que coûte elle veut accomplir cette mission-là de façon comme elle l’a manifestée. Donc, nous ne serons pas surpris que Kassory soit condamné par défaut alors qu’on a refusé à ce monsieur la possibilité de comparaître et de débattre contradictoirement ce dont on l’accuse, en le laissant se traiter pour venir en bonne forme et se défendre à la barre. Vous voyez, tout ce qui pouvait amener pour contredire les prétentions du parquet à les mettre à nu, on a refusé ça. On veut aller facilement parce que à le faire, c’est raté ce qu’on s’est fixé c’est-à-dire la condamnation. Maintenant qu’ils ont décidé de faire ça sans lui, bon advienne que pourra, nous allons voir.
Concomitamment vous avez saisi la cour de justice de la CEDEAO, autour de la même affaire. Où est-ce que vous en êtes dans cette procédure ?
La cour a prorogé le délibéré en raison de l’absence d’un de ses membres, il y a une semaine de cela et malheureusement elle doit aller en congé. Elle n’a pas pu renvoyer ça à huitaine. Donc, c’est renvoyé à la fin des congés annuels à Abuja. De toutes les façons, là-bas nous sommes certains à 90% que la décision qui tombera nous sera favorable, en raison bien sûr des éléments contenus dans le dossier.
A suivre…
Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
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