Un acteur dans la lutte contre le COVID-19 en Guinée se déchaîne : « Sincèrement ça ne va pas… »

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CONAKRY- La Guinée est au bord du précipice avec la maladie du COVID-19. L’Agence nationale de sécurité sanitaire peine à stopper la chaîne de contamination. Avec parfois plus de 100 cas confirmés par jour, la Guinée avoisine aujourd’hui les 2 000 personnes contaminées au COVID-19.


Comment la Guinée qui a commencé avec seulement des cas importés a pu se retrouver avec plus de 1 500 personnes infectées ? Qu’est-ce qui n’a pas marché dans la lutte contre cette maladie qui a fait des ravages ailleurs avant d’être déclarée dans le pays d’Alpha Condé ? 

Un acteur dans la lutte contre cette maladie en Guinée s’est confié à Africaguinee.com. Il a fallu du temps, beaucoup de temps pour que celui que nous allons appeler M. X accepte de témoigner. Il craint de perdre son poste si jamais son identité était révélée au grand public. 

« Pour commencer, j’aimerais d’abord vous dire que la Guinée n’était pas prête. Contrairement à ce que le Dr Sakoba Keita (Directeur Général de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, Ndlr) avait eu à dire, le pays n’était pas prêt. La plus grosse erreur a été de penser qu’on pouvait gérer cette maladie comme la fièvre hémorragique à virus Ebola. Au moment où on déclarait le premier cas, c’est seulement le CTE (Centre de traitement des épidémies, Ndlr) de Nongo qui été prévu. Et même ce CTE n’était pas prêt à recevoir un grand nombre de patients. Il y avait quasiment une vingtaine de lits. Mais actuellement, ça ne va pas. Sincèrement ça ne va pas. Et on est loin de sortir de cette situation », a témoigné notre interlocuteur. 

La problématique de prise en charge des malades et des personnes contacts…

En Guinée, le virus se propage à un rythme effroyable. Les statistiques officielles font état de près de 2 000 personnes contaminées. Le nombre de contacts n’est pas fourni par l’Agence nationale de sécurité sanitaire. A en croire plusieurs sources, ces statistiques sont sous évaluées.

« Aujourd’hui il faut compter au moins 5 000 personnes infectées par le virus. Des personnes malades continuent de se promener et propager le virus à Conakry. Certains viennent faire leur test, quelques jours après on leur notifie un résultat positif, mais ils refusent de venir au CTE de Donka. Ils préfèrent se faire soigner à domicile avec tout ce que cela représente pour eux et pour leurs familles. C’est comme ça que le virus est entrain de se propager », nous renseigne notre source. 

Les personnes qui ont la double nationalité sont souvent pointées du doigt pour cette pratique. Il s’agit notamment de certains libanais qui ont la nationalité française. Nombreux parmi eux ont refusé d’aller dans les CTE. La première victime du COVID-19 en Guinée est d’ailleurs un libanais. Le communiqué de l’association des ressortissants libanais en Guinée avait d’ailleurs indirectement fait mention de cette réticence. Dans la note adressée à tous les libanais en Guinée, le Président de leur association avait recommandé le suivi des recommandations des services de santé pour notamment la prise en charge au CTE de Donka.

Plusieurs hauts cadres de l’administration ont préféré recevoir des soins à domicile. Ce qui a fait croître de façon exponentielle la courbe de la chaine de contamination. 

Pour ce qui est du suivi des contacts, la situation est beaucoup plus dramatique. A tel point qu’on a l’impression parfois que l’ANSS est à sa première expérience dans la gestion d’une épidémie. 

« Moi j’ai été testé positif. J’ai accepté d’aller me faire soigner à Donka. Dès le premier jour, j’ai demandé à ce que les membres de ma famille soient testés. Les médecins m’ont dit qu’ils vont être suivis à la maison. Mais croyez-moi, depuis que j’ai été admis ici (Donka, Ndlr), personne n’est allé voir ma famille. Ma femme travaille. Heureusement qu’elle a été responsable. Elle s’est auto confinée avec tous les enfants. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut avoir un tel niveau de prise de conscience », a confié un malade du COVID-19 à Donka.

La stigmatisation, un facteur de réticence…

Si certains refusent d’aller à Donka à cause des conditions de vie jugées précaires, d’autres craignent plutôt la stigmatisation. Une fois qu’une personne est déclarée positive, c’est tout son entourage qui commence à prendre ses distances vis-à-vis de sa famille. 

« Je suis à Donka ici, mais je vous jure que même pour aller acheter du pain dans une boutique, ma femme n’ose pas. Elle n’ose plus sortir de la maison. Et notre concessionnaire menace de nous faire sortir de la maison. Alors que je suis le seul pour l’instant à être testé positif », témoigne M. Bah, malade du COVID-19. 

Certains vivent cette stigmatisation même après leur guérison. À leur retour à la maison, ils retrouvent un nouvel environnement, un monde nouveau. Plus rien n’est comme avant. Même leurs fidèles amis ne les fréquentent. 

Cette stigmatisation fait penser à beaucoup que le COVID-19 est une maladie de la honte. Et pourtant, personne n’est à l’abri du virus qui est parfois mortel.

A tous ces problèmes se rajoute la rivalité qui a toujours existée entre le Ministère de la Santé et l’Agence nationale de sécurité sanitaire. C’est d’ailleurs un secret de polichinelle. Dr Sakoba Keita et le Médecin Colonel Remy Lamah se disputent souvent le leadership de la lutte contre le Coronavirus. 

La bonne nouvelle dans cet élan de lutte contre la maladie du COVID-19 en Guinée, c’est que le Gouvernement veut désormais changer de stratégie. De nouveaux centres de traitements des épidémies sont en construction à Gbessia et à Nongo. Un nouveau bâtiment acheté par le Président Alpha Condé et mis dans le portefeuille de l’Etat sera également opérationnel pour recevoir au moins 300 personnes à Matam. Cette augmentation de la capacité de prise en charge va permettre de maîtriser la chaine de contamination. 

 

Ahmed Tounkara

Pour Africaguinee.com

Créé le 6 mai 2020 19:32

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