Transition : Quel modèle de Constitution pour la Guinée ?

Colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition guinéenne

CONAKRY-La Guinée s’apprête à se doter d’une nouvelle Constitution qui sera adoptée par un référendum. La rédaction de l’avant-projet du texte a déjà commencé, a annoncé le ministre Mory Condé.


Dès lors une question taraude. Quel modèle de Constitution faut-il pour la Guinée ? Quel type de régime ? Africaguinee.com a interrogé des analystes juridiques et politiques sur cette question cruciale de la transition.

L’universitaire Dr Alhassane Makanera Kaké par exemple, rappelle que si l’on interroge l’histoire de la Guinée, l’on se rendra compte que depuis l’indépendance, le pays, sur le plan constitutionnel et institutionnel, continue de se chercher la solution constitutionnelle.

La raison ? 

« On a eu une première constitution en 1958 de modèle américain qui a échoué. On a pris en 1982, un modèle qui répondait à la pratique d’alors, d’inspiration socialiste, une constitution révolutionnaire qui jusqu’aujourd’hui, est pratiquée sous d’autres noms. A l’arrivée des militaires au pouvoir, le 3 avril 1984, on rentre dans une période d’exception qui en réalité a pris neuf ans.

Parce que de 1984 à 1990, la Guinée s’est dotée d’une nouvelle constitution qui était la troisième. Mais de 1990 à 1993, c’est la même équipe qui continue. C’est en 1993 qu’il y a eu les premières élections. Donc on a fait une transition de neuf ans. On s’est doté d’une troisième constitution qui a été modifiée en 2001.

Ensuite, avec les nouvelles crises, transition dans la transition, nous nous sommes retrouvés avec une constitution de 2010. Si vous regardez la constitution de 1990, c’est une suite logique de la constitution de 2010. On a fait que renforcer davantage le pouvoir du président de la République : Sékou Touré, puisant ; Lansana Conté puissant ; Dadis Camara puissant, Sékouba Konaté puissant ; Alpha Condé puissant ; Mamadi Doumbouya puissant…

Finalement en 2020, avec tout ce qu’on a fait comme dispositif, les autorités ont estimé que cette constitution également n’était pas la bonne. On s’est doté de la constitution de 2020. Les autorités actuelles ont estimé que celle de 2020 n’est pas bonne et elle a été suspendue. On parle de REFONDATION de l’Etat », a pointé l’universitaire Dr Makanera Kaké. 

Dire, quelle constitution pour la Guinée actuelle, il y a une première question qu’il faut répondre, a dit l‘universitaire. En réalité, la Guinée a-t-elle un problème de constitution ? Si oui, à quel niveau ? Ensuite, si la Guinée n’a pas seulement de problème de constitution, il faut identifier ce mal. 

« Pour moi il faut étudier l’évolution constitutionnelle. Grosso modo, on n’a pas seulement un problème de constitution. Le problème de la Guinée sur le plan constitutionnel est mineur pour la simple raison, ce sont les mêmes institutions qui ont été consacrées. Les institutions fonctionnent de la même façon, et quand vous comparez, c’est le même système, le même modèle. Pour moi, la nouvelle constitution qu’on va adopter ne serait pas capable de répondre à la question, l’équilibre politique que la Guinée cherche. On va se doter d’une constitution qui sera la suite logique des autres constitutions et qui ne sera pas mieux que les précédentes.

On va copier le modèle français pour la Guinée. C’est comme si nous pensons comme les français, on a les mêmes problèmes sociaux comme les français, on a la même culture comme les français, on a la même conception politique comme les français… ça ne peut pas marcher. Après plus de soixante ans d’indépendance, les grandes questions doivent être posées après la nouvelle constitution pour qu’on puisse aller vers une constitution qui est adaptée aux réalités guinéennes.

Mais on ne pourra pas résoudre celle-là à court termes. Ce n’est pas possible. Parce que refonder une société veut dire beaucoup de choses. Ce n’est pas un jour…C’est comme faire une plantation de Karité qui ne commencera à donner que 75 ans après… », a expliqué Dr Makanéra. 

Il souligne qu’il est impossible que pendant cette transition, qu’on puisse adopter une constitution qui va répondre aux réalités sociopolitiques de la Guinée. Pour la simple raison que cela amènerait à abandonner le modèle qu’on importe. La Guinée a besoin d’une refondation qui prendra dix ou quinze ans…, pour qu’en réalité, l’on finisse de comprendre que le modèle ne doit pas être importé.

Quitter le régime présidentiel pour un régime parlementaire…

Face à l’échec du régime présidentiel, le président du parti ARENA préconise un régime parlementaire.

« De la première République à nos jours, nous avons eu des pouvoirs présidentiels très forts. Il faut que les Africains, en tout cas les Guinéens, fassent l’effort de mettre ce débat en valeur. Il faut un régime parlementaire adopté qui ramène le pouvoir exécutif au niveau du premier ministre. Et que ce soit le parlement, à l’issue des élections, véritablement qui désignera le premier ministre. Mais le président de la république sera désigné par un collège de grands électeurs qui se réunit une fois pour un mandat. Les conditions de modalité seront définies dans la constitution pour dire, si vous êtes membres du collège qui va élire le prochain président, le lendemain de son élection, dès qu’il prête serment, c’est fini. Il y a des intellectuels dans ce pays. Ce débat est intéressant et promoteur.

J’ai posé le problème en 2010, toute la classe politique sans dissidence, a dit ‘’Non Koureissy, ça c’est trop compliqué et trop tôt. On va aller aux élections présidentielles, après celui qui viendra il verra’’ J’ai dit mais écoutez, vous lisez le nombre de coup d’Etat dans les pays africains. De l’indépendance à nos jours, 98 coups d’Etat. C’est parce que les Etats ne sont pas adaptés, ils ne sont pas stables. Regardez les divisions communautaires, inter-ethniques. Regardez l’avance des terroristes, des djihadistes dans les pays africains… C’est que les Etats n’arrivent pas à riposter, ils n’arrivent pas à protéger leurs populations. Donc la réflexion devrait porter sur l’autre solution », a martelé Dr Sékou Koureissy Condé qui plaide pour un régime parlementaire. 

Régime présidentiel avec limitation des Pouvoirs

 

Dr Faya Millimono, leader du Bloc Libéral se dit quant à lui favorable à un régime présidentiel dans lequel, les pouvoirs du président de la République et du gouvernement central seront largement limités. Par exemple, le président de la République ne doit pas avoir le Pouvoir de dissoudre le Parlement. Ceci pour obéir au principe qui dit que le pouvoir ne s’exerce pas par la coercition, mais par la négociation.

De même, les nominations par le Président de la République aux fonctions civiles et militaires doivent être confirmées par le Parlement qui devrait veiller au maintien des équilibres nécessaires au fonctionnement normal du pays.

« Les compétences du gouvernement central seront limitées », propose M. Milimouno. Avec ce système, le droit de véto devrait être conféré au président par rapport aux lois votées par le parlement. Toutefois, le droit de réaffirmation de toute loi faisant l’objet de véto par le Président, est donné au Parlement, sous réserve d’un vote approuvant la même loi, à la seconde lecture, par une majorité qualifiée (60% des parlementaires).

Pouvoir de destitution du Président

Le leader du Bloc Libéral propose aussi à ce que le droit doit être donné au Parlement de destituer le Président de la République, en cas de haute trahison de la part de ce dernier.

L'autre proposition phare faite par cette figure politique, c'est la création d'un poste de vice-président. La personne occupant ce poste remplacerait constitutionnellement le Président, en cas de vacance de pouvoir.

« Par souci d’équilibre de dynamiques sociale et politique, le Président et son vice-président ne seront ni de la même ethnie ni de la région ni de la même religion », suggère Dr Faya Millimono.

Modification constitutionnelle

Pour rendre la modification constitutionnelle difficile, la première période entre le premier vote référendaire sur la modification et sa rentrée en vigueur doit être fixée à cinq ans minimum. Aussi, toute modification de la constitution doit être inapplicable au Président de la République et aux parlementaires en fonction durant la période de modification.

La Constitution est le texte le plus attendu en 2023.  A quoi va-t-elle ressembler ? Le président du Conseil National de la Transition (CNT), l’organe législatif de la transition a levé un coin du voile en début janvier. Selon Dr Dansa Kourouma, la constitution reposera sur deux piliers, à savoir la l’intangibilité et la mutabilité.

« Oui, la Constitution se doit être intangible, parce qu’on ne doit pas la (constitution) toucher. La constitution n’est pas un jouet pour les dirigeants, ni un jouet pour le peuple, c’est un texte sacré. Mais elle doit aussi s’adapter à l’évolution de la société. Donc, elle est mutable en même temps. Alors, comment faire l’équilibre entre l’intangibilité et la mutabilité de la constitution ? Ce sont des secrets qui sont enfuis dans les annales de l’histoire »

Dansa Camara DC

Pour Africaguinee.com

Créé le 25 janvier 2023 08:19

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