Transition : « il n’y a aucune cohérence entre les axes et les actions… », alerte Aliou Barry
CONAKRY-Ce sont de nouvelles inquiétudes que vient d’exprimer le directeur du Centre d’analyse et d’études stratégiques (CAES) par rapport à la conduite de la transition par la junte dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya.
Interrogé par Africaguinee.com, Aliou Barry a abordé la feuille de route de la transition qu’il juge incohérente. Dans cet entretien, cet acteur de la société civile parle également du procès du massacre du 28 septembre 2009, annoncé en mars 2022.
AFRICAGUINEE.COM : Que pensez-vous de la feuille de route de la transition présentée par le Gouvernement qui occulte sa durée ?
ALIOU BARRY : La feuille de route devait être plus explicite avec un chronogramme. Pour une question de cohérence, elle aurait dû être sortie après la mise en place du CNT qui fixe la durée de la transition. L’incohérence de la feuille de route ce qu’elle n’indique aucune durée. En plus, il n’y a aucune cohérence entre les axes et les actions. C’est pourquoi beaucoup de Guinéens sont restés très réservés parce que tout le monde attend la question cruciale de la durée de la transition.
Êtes-vous inquiet par rapport à l’évolution de la transition ?
Dès le départ, les nouvelles autorités ont indiqué que c’est le CNT qui va déterminer la durée de la transition alors qu’ils auraient, eux-mêmes pu l’indiquer parce que c’est eux qui ont pris le pouvoir. Une feuille de route c’est très simple. Par exemple, le fichier électoral. Est-ce qu’il faut recenser les électeurs ou nettoyer le fichier qui existe ? Ça prendra combien de temps ? Ils ne peuvent l’indiquer que s’ils connaissent la durée de la transition. Les actions ne peuvent être cohérente tant qu’ils n’indiquent pas la durée de la transition. C’est la remarque faite par beaucoup de Guinéens.
Le Premier ministre parle du premier et second tour de l’élection présidentielle. D’aucuns estiment qu’en faisant, il anticipe sur la prochaine Constitution ?
Je trouve qu’il aurait dû attendre la mise en place du CNT. Il n’a pas la Constitution sous les yeux, il n’a pas la durée de la transition. En plus, il parle de rectification institutionnelle, ils veulent le faire en combien de temps ? Je trouve qu’il y a une forme de précipitation qui ne dit pas son nom. Le fait que les nouvelles autorités restent floues sur la transition suscite beaucoup d’interrogations. Et les acteurs politiques et la société civile s’interrogent sur ce que veut réellement le Cnrd (comité national du rassemblement pour le développement).
Après plus d’une décennie d’exil, les deux anciens présidents ont regagné la Guinée. Ont-ils un rôle a joué dans la nouvelle transition ?
Aliou Barry : Je pense que leur retour est une bonne chose d’autant plus que Dadis a toujours exprimé le désir d’être à la disposition de la justice. Konaté qui est aussi cité dans le dossier du 28 septembre étant aussi là. Le Cnrd a annoncé l’ouverture du procès en mars prochain, je pense qu’aujourd’hui tout est réuni pour faire le procès du 28 septembre.
Croyez-vous que le procès va s’ouvrir dans 3 mois ?
Je pense que la volonté politique existe. Maintenant l’organisation matérielle, je reste sur mes réserves parce que ce n’est pas un procès facile à organiser en terme des matériels. Si vous vous souvenez, le procès Hissen Habré à Dakar, il a fallu que le Sénégal obtienne un accompagnement de la communauté internationale à travers une cour africaine. Est-ce que les magistrats guinéens sont outillés pour mener ce procès ou bien il faudra faire en sorte qu’il y ait une cour pénale spéciale ? Moi, je pencherai plutôt à une association hybride des magistrats africains et guinéens qu'uniquement guinéens. Ce n’est pas que je doute des magistrats guinéens, mais on est dans un contexte où les plaignants et les accusés sont sur place. Est-ce que quelque chose est prévu pour protéger ceux qui vont venir témoigner contre ceux qui sont cités ? C’est pour tous ces facteurs là qu’il faudra que les autorités soient très regardant parce qu’on sait que c’est un procès qui va prendre du temps.
Dadis et Konaté ont été reçus en pompe par colonel Mamadi Doumbouya. Cela ne risque-t-il pas d’influencer le procès ?
Je ne pense que c’est une prise de position. C’est normal qu’il reçoive ces deux anciens présidents. Ce qui m’a interrogé c’est l’attitude même des deux. Konaté est cité dans le rapport de la communauté internationale même s’il n’est pas inculpé. Je pense qu’à leur retour, ils auraient dû avoir une attitude plus réservée ne serait-ce que pour la mémoire des victimes. Ils auraient pu avoir un peu plus d’humilité.
Interview réalisée par Abdoul Malick Diallo
Pour Africaguinee.com
Tél : (00224) 669 91 93 06
Créé le 3 janvier 2022 08:27Nous vous proposons aussi
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