Traite des personnes et pratiques assimilées : Le Procureur Yaya Fatoumata Boiro se confie à Africaguinee.com

Yaya Fatoumata Boiro, Substitut du procureur

En Guinée, le gouvernement, à travers le ministère de la justice veut freiner la traite des personnes et pratiques assimilées. Plusieurs juridictions du pays ont désormais des magistrats chargés spécialement de s’attaquer aux citoyens ou entités qui se livrent à ces pratiques. Pour parler de ce sujet, votre quotidien en ligne Africaguinee.com a interrogé M. YAYA Fatoumata Boiro, substitut du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Coyah, chargé des questions de traite des personnes et pratiques assimilées.


 

AFRICAGUINEE.COM : Qu’entendons-nous par traite des personnes et pratiques assimilées ?

YAYA FATOUMATA BOIRO : La traite des personnes et pratiques assimilées sont des infractions méconnues par l’opinion publique ainsi que par d’autres professionnels du droit. Pourtant, ce sont des pratiques très courantes dans notre ressort judiciaire. 

Alors, la traite de personne, c’est lorsque la finalité est l’exploitation. Ça peut concourir à plusieurs éléments mais le tout, c’est lorsque la finalité est l’exploitation de la personne. On peut considérer ce fait comme une infraction de traite de personnes. Lorsqu’il y a par exemple, le recrutement, le transport, l’hébergement l’accueil d’un enfant et de toute autre personne à des fins d’exploitation dans l'une des circonstances –soit avec des menaces, contraintes, ou des violences, ou des par manœuvres dolosives, avec des échanges ou l’octroi des rémunérations ou parfois lorsque les conditions de travail ou d’hébergement– sont contraires à la dignité de la personne. Donc, toutes ces conditions-là peuvent se réunir et être considérées comme traite de personnes parce que la finalité c’est l’exploitation. 

 Il y a par exemple une pratique qui est répandue dans notre société qu'on appelle le confiage. Dans de nombreuses familles, nous avons souvent des enfants de nos frères, sœurs ou autres membres de notre famille qui nous ont été confiés pour nous aider à s'occuper des tâches ménagères à la maison. Au moment où nos propres enfants sont envoyés l'école tous les matins, les autres sont là pour veiller sur la maison et s'occuper des nourrissons. Ils ne sont ni à l'école ni dans un atelier pour apprendre du métier. Que deviendrons ces enfants à l'avenir ? Donc, toutes ces pratiques peuvent constituer de traite de personnes car c'est de l'exploitation purement et simplement.  

Quelles sont les pratiques qu’on peut qualifier d’infractions de traite de personne et des pratiques assimilées ? 

Les infractions assimilées à la traite de personnes, peuvent être, le proxénétisme, l'exploitation de la mendicité, le trafic illicite de migrants et autres…etc. Lorsque toutes ces pratiques ont pour finalité l'exploitation, on peut qualifier ça en infraction de traite de personnes.  A titre d'exemple, nous avons connu des cas ici, où des jeunes filles mineures faisaient l'objet de recrutement et de transport sur le territoire égyptien pour accomplir des travaux domestiques ou livrer à la prostitution. Et tenez-vous bien, la rémunération que ces filles devraient bénéficier ne leur parvenait pas directement, elle passait dans les mains du réseau de ces recruteurs et on ne leur donnait en retour qu'une petite partie du montant.

A date, une partie de ce réseau a été démantelée et certaines filles ont été retournées au pays, et les recruteurs ont été condamnés à des peines allant de trois (03) ans à cinq (05) d'emprisonnement. 

Quelles sont les dispositions de la loi qui sanctionnent ces pratiques ?

La traite des personnes et des pratiques assimilées sont des infractions qui sont prévues et réprimées par les dispositions du code pénal et des dispositions du code l’enfant. 

En ce qui concerne le code pénal, ce sont les articles de 323, 324, 325 et suivants qui répriment la traite des personnes. En ce qui concerne le code de l’enfant, ce sont les articles de 893, 894 et suivants qui répriment et punissent sévèrement la traite des personnes.

Quelle différence peut-on tirer entre l’escroquerie et la traite de personnes et pratiques assimilées ?

L’escroquerie peut ne pas constituer une infraction de traite tout comme elle peut l'être également. C’est la finalité qui compte. Une infraction d’escroquerie, si la finalité n’est pas l’exploitation, elle peut se limiter à l'infraction de l’escroquerie mais si la finalité c’est l’exploitation, ça rentre dans le champ d'application de la traite. Par des manœuvres frauduleuses ou par des fausses qualités, 

On peut tromper une personne ou un groupe de personnes en lui proposant du travail ou à des promesses de voyage à l'étranger. C'est ce qui se passe généralement à Coyah avec ces soi-disant sociétés qu’on appelle Qnet ou Infiniti Millenium. Qu’est-ce qu’elles font ? 

Ils (responsables de ces sociétés ndlr) recrutent des personnes partout dans le pays ou même à l'étranger en les promettant un travail décent ou une bourse d'étude à l'étranger moyennant un paiement d'une somme d'argent. Lorsque ces personnes arrivent à Coyah, ils sont accueillis et hébergés dans des maisons qu'ils louent uniquement pour les besoins de la cause. Ils les font dormir au sol, des chambres restreintes en groupe, comme s'ils étaient dans les violons ou des prisons pendant de plusieurs jours sous prétexte qu'ils vont faire des formations d'abord. Ces personnes sont contraintes aussi de recruter d'autres personnes pour pouvoir percevoir les sommes qu'on leur a promises. En plus de l'escroquerie dont ils sont victimes, ils sont hébergés dans des conditions qui sont contraires à leur dignité et on les contraint à commettre d'autres crimes ou délits. Il y a certaines filles mêmes qu'on drogue et qui sont abusées parfois dans leur lieu d'hébergement. Donc toutes ces pratiques aujourd'hui, qualifiées avant de l'escroquerie sont poursuivies de nos jours comme des infractions de traite de personnes.

Aujourd'hui des actions courageuses sont menées par notre parquet avec le concours de nos officiers de police judiciaire pour éradiquer définitivement ces genres de pratiques dans notre ressort judiciaire. A date, tous les bureaux connus et identifiés par nous ont fait l'objet de fermeture et leur matériel confisqué, ainsi que les maisons servant lieu d'hébergement. 

Dans le cadre de nos opérations de ratissage par dénonciation ou parfois par plainte des victimes, bon nombre de ce groupe a été arrêté. Certains sont devant les cabinets d'instruction, d'autres en cours de Jugement, et d'autres jugés et condamnés. 

Quelles sont les sanctions prévues contre ces pratiques ?

Les dispositions du code pénal, en ce qui concerne l’article 323 et 324, sont très claires : Pour le cas des mineurs, les circonstances sont aggravantes. Quand vous prenez l’article 894 du code de l’enfant qui dispose : est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 50 à 100 millions de francs guinéens tous auteurs ou complice de traite à l’égard d’un enfant. L’interdiction de séjour de 03 à 5 ans peut être contre le ou le complice de cet auteur.

 L’article 895 poursuit de 07 à 10 ans. Ça peut rentrer même dans le cadre criminel en ce qui concerne la traite des personnes. Le sursis est même interdit en matière de punition contre un auteur de traite à l’égard d’un enfant. La répression est vraiment importante.   

Dans la zone de Coyah, ressort de votre tribunal est-ce qu’il y a eu des condamnations pour ces pratiques ?

On a réussi à gérer au moins cinq condamnations. Des gens sont condamnés à des peines allant de 03 à 5 ans d'emprisonnement. 

Dans le cadre de la lutte contre cette pratique, jusqu’où vous comptez la mener ?

Vous savez le 26 octobre 2022, le ministre de la Justice, garde des sceaux a pris une note de service désignant auprès de chaque juridiction un magistrat référant chargé du suivi et du traitement des questions de traite de personnes. C'est pour vous dire combien de fois Le gouvernement guinéen à travers monsieur le Garde des sceaux accorde de l'intérêt à ces genres de pratiques en ce qui concerne la répression de ces infractions.  

Ce qui fait d'ailleurs que des formations continues se déroulent régulièrement pour le renforcement des capacités des magistrats et des autres acteurs impliqués dans ce domaine. Donc notre parquet est résolu à travailler conformément aux instructions que nous avons reçues dans le cadre de la politique pénale du gouvernement dans ce domaine. C'est le lieu d'ailleurs de remercier monsieur le ministre de la justice et des droits de l'homme, garde des sceaux pour ses nombreuses réformes dans le domaine dans ce laps temps. 

Quel est le constat à Coyah ? 

Comparé aux autres préfectures, Coyah a une particularité, c’est la porte d’entrée dans la zone de Conakry. Les infractions, en ce qui concerne la criminalité sont récurrentes. Il y a tous types de vol (simple, aggravé en main armée), il y a également le viol qui est répandu. Mais il y a également le stellionat, l'occupation illégale, les faits de destruction d'édifices privés et autres infractions concernant le foncier.

Pour ce qui est du stellionat, il y a des dispositions très claires qui répriment ces infractions, ce sont les articles 406 et 407 du code pénal. Quand vous prenez l'alinéa 4 de l'article 407 qui dispose, quiconque, en connaissance de cause cède un immeuble alors que la propriété de cet immeuble a été préalablement cédée un tiers ou qu'il n'en est pas le propriétaire exclusif. 

Est-ce qu’il arrive des condamnations dans ces cas ?

Effectivement, il a y a les audiences criminelles qui se tiennent tous les lundis, les audiences correctionnelles tous les mardis, mercredis et vendredis. En ce qui concerne les cas de viol, des mineures qui sont aussi pendant devant la juridiction et chaque fois qu’il y a jugement dans ce cadre il y a des condamnations.  La politique pénale du gouvernement actuel est aujourd'hui zéro impunité. Sous la responsabilité du Procureur de la République chez nous ici également c'est la même chose. 

Vous êtes également substitut des enfants au niveau ce tribunal, qu’est-ce qui est en train d’être fait dans le cadre de la lutte contre les infractions pour enfants ?

Dans ce cadre nous avons des outils de travail, c’est notamment le code de l’enfant. Nous veillons donc à l’application des dispositions de ce code ainsi que le code de procédure pénale et nous collaborons avec les travailleurs sociaux qui connaissent l’état psychologique et sociologique des enfants et d’autres organismes qui œuvrent dans le cadre de la protection de l’enfance dans la préfecture de Coyah. Les enfants en conflit avec la loi, en matière de minorité, c’est lorsque l’infraction est grave et que sa détention soit nécessaire qu’on peut envoyer un enfant en prison sinon il y a beaucoup de mesures alternatives à l'emprisonnement

Quel est votre mot de la fin pour finir cette interview ?

 Je ne pourrai terminer sans remercier monsieur le Procureur de la République de m'avoir donné l'autorisation de passer cette interview et c'est grâce à son leadership et sous sa coordination que nous arrivons à mener toutes ces actions. Merci à votre média.

 

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 664 72 76 28

Créé le 6 février 2023 12:11

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