Thierno Monenembo : « L’invitation d’Alpha Condé en France est une forme de reconnaissance du 3ème mandat… »

Thierno Monenembo

CONAKRY- Opposé au régime du Président Alpha Condé, l’écrivain guinéen Thierno Monenembo vient de revisiter une page du régime du feu Général Lansana Conté. Le lauréat du prix Renaudot revient ici sur un « cadeau spécial » qu’il avait fait à Alpha Condé lors que ce dernier était en prison.


Dans une interview exclusive qu’il a accordée à notre rédaction, Thierno Monenembo est revenu sur la lutte que doivent mener ses compatriotes pour selon lui libérer leur pays de la dictature du régime en place. Dans cette lutte, rien n’est à exclure selon l’auteur du livre « Les coqs cubains chantent à minuit ». Thierno Monenembo parle ici aussi de la mort brutale d’Idriss Deby.

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez lancé une pétition pour la libération des détenus politiques. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Il y a déjà 6 mois que ces gens croupissent en prison de manière arbitraire. Ils ont besoin de solidarité, de messages de fraternité. C’est d’abord à leur égard que j’ai écrit cette pétition pour alerter et la presse et l’opinion sur la situation dramatique de nos compatriotes.

Le chef de l’État a déclaré qu’il n’y a pas de détenus politiques en Guinée. Qu’en pensez-vous ?

C’est le comble du cynisme. Cet homme a été un prisonnier politique. Lansana Conté n’a jamais dit qu’il n’était pas un prisonnier politique. Je me souviens lui avoir envoyé un poste par la poste. J’avais écrit sur l’enveloppe ‘‘pour Alpha Condé, prisonnier politique’’. C’est lui-même qui m’a dit qu’il avait reçu le livre. Vous voyez aujourd’hui, lui, il interdit aux détenus le titre de prisonniers politiques.  C’est le comble du cynisme. 

Plusieurs ONG et le Département d’État américain ont dénoncé la violation des droits humains en Guinée. Vous vous attendez à des sanctions ciblées contre certains dignitaires du régime ?

Malheureusement, ce n’est pas moi qui décide des sanctions. Je souhaite vivement que la communauté internationale sanctionne cet État répressif, brutal, arbitraire, violent et corrompu. Il est grand temps qu’Alpha Condé et ses sbires subissent des sanctions.

Alpha Condé est attendu à Paris le 18 mai prochain sur invitation du président français. Selon vous est-ce une reconnaissance tacite du 3e mandat en Guinée par la France ?

La politique africaine de la France est très ambigüe. On ne sait jamais sur quel pied danser avec ces gens-là.  Je pense que l’invitation d’Alpha Condé tout comme celle d’Alassane Ouattara à Paris est une forme plus ou moins déguisée de la reconnaissance par l’Élysée du 3e mandat. Encore une fois, c’est un message fort adressé aux africains. Nous devons compter sur nous-mêmes pour régler nos problèmes. Ce n’est pas à l’Élysée, ni aux États-Unis, ou les Nations-Unies de résoudre nos problèmes. C’est à nous-mêmes, par notre conscience et par notre engagement.  

La diaspora guinéenne, notamment des membres du FNDC France, de l’ANAD et du CTG appellE à une mobilisation contre l’arrivée d’Alpha Condé à Paris. Qu’en pensez-vous ?

Je les soutiens et si j’étais à Paris, j’aurais évidemment manifesté avec eux. Nos compatriotes de France sont très organisés, dynamiques. Ils ont toujours manifesté dans ces cas-là. Quand Sékou Touré est venu en France en 1982, ils sont massivement sortis dénoncer la dictature sanguinaire de Sékou Touré. 

Vous pensez que ces manifestations à l’extérieur seront suffisantes ?

On fait ce qu’on peut parce que nous sommes dans des conditions assez compliquées. La répression est sauvage dans ce pays. En plus, il y a le coronavirus qui fait que, pour l’instant, les manifestations sont mises en veilleuse au niveau des partis politiques et du FNDC. En France, il est encore permis de manifeste. Il faut profiter de toute opportunité qui se présente. Nous sommes des pays sous-développés, vivant dans des conditions très difficiles avec des régimes cyniques, inhumains. On utilise l’arme qui est à notre disposition. Dans la situation dans laquelle nous vivons aujourd’hui, n’importe quelle initiative est bienvenue. Que ça soit des pétitions, des manifestations de rue, des articles de presse, tout est bon pour dénoncer le système malfaisant qui est en train de ruiner le pays. 

Comment réagissez-vous à l’annonce de la fermeture du cimetière de Bambéto où sont enterrés des victimes de manifestations politiques ?

Ils ont démoli les maisons, tiré sur un cortège funèbre, maintenant ils vont fermer les cimetières. C’est des diables ces gens-là. Ils n’ont aucun sens de l’humain, de la religion, de la morale et du civisme. Fermer des cimetières c’est incroyable ! Et ces gens osent se regarder le matin dans le miroir sans vomir. (…) Vous avez vu ce qu’ils ont fait au Camp Boiro c’est devenu une petite cité, ils ont tout rayé. La raison pour laquelle, ils ferment ce cimetière c’est pour ne pas qu’il y ait des traces de leurs crimes. 

Qu’est-ce qui doit être fait selon vous ?

On fait ce qu’on peut déjà. Manifester, écrire c’est possible. Vous savez les armes de la lutte ce n’est pas les individus qui les choisissent, mais les circonstances de la lutte elles-mêmes qui les imposent. Pour l’instant, on est au stade des pétitions, des tracts et des articles. Plus tard, on verra bien. Toutes les luttes de libération en Afrique ont commencé par des tracts, des articles. Quand ils se sont rendus compte qu’il était impossible d’obtenir quelque chose par ces moyens-là, ils ont été obligés de prendre les armes.

Faudrait-il s’attendre à cela ?

Pourquoi pas. On ne va pas mourir pour les beaux yeux de ce monsieur-là. 

Après 30 ans de règne, le président tchadien Idriss Déby est mort de façon brutale. Qu’est-ce que cela vous inspire ?  

J’ai toute la pitié des régimes africains. Ils peuvent durer 150 ans, mais ils peuvent tomber en une minute. Ils sont faibles et n’ont aucune base populaire. Ils n’ont pas de moyens de protection. C’est les grandes puissances essentiellement la France qui les protègent. Idriss Deby c’est le meilleur ami d’Alpha Condé. Évidemment, dès qu’il est mort c’est son fils qui l’a remplacé parce qu’en Afrique le pouvoir est une affaire de famille. Les pays appartiennent aux dirigeants, pas au peuple.

Alpha Condé a décrété une journée de deuil. C’était nécessaire selon vous ? 

Cela ne nous concerne pas. La Guinée n’a pas à faire un deuil national pour un dictateur. Le peuple de Guinée n’est pas en deuil. Alpha Condé est en deuil, tant pis pour lui. Idriss Deby n’a jamais été l’ami des Guinéens. Nous avons d’autres morts à pleurer. Je ne souhaite la mort de personne, je ne pleurerai jamais la mort d’un dictateur. 

Comment jugez-vous l’attitude de l’Union africaine et de la CEDEAO ?

L’Union africaine, la CEDEAO n’existent pas. C’est de la foutaise. Elles ont toujours été du côté des pouvoirs. On a vu le comportement de la CEDEAO sur la question du 3e mandat en Guinée. Ils ont soutenu Alpha Condé ostensiblement. Ils ont sanctionné le coup d’État au Mali. Ils passent sous silence le coup d’État du Tchad.

 

Abdoul Malick Diallo

Africaguinee.com

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Créé le 29 avril 2021 14:47

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