Tati-Tati : de la vie de disciple coranique à celle de musicien…
LABE- Tati-Tati est un jeune au parcours singulier. A 25 ans, cet ancien disciple dans une école coranique, natif de Labé, a choisi de faire carrière dans la musique. Il a l’art de mélanger presque les genres musicaux dont lui seul détient le secret et le talent. Ses tubes sont consommées partout à travers la ville de Labé et ailleurs. Dans une interview exclusive accordée à Africaguinee.com, le jeune artiste a fait certaines confidences…
AFRICAGUINEE.COM : Vous êtes artiste connu sous le sobriquet de Tati-Tati, c’est quoi votre prénom à l’état civil ?
TATI-TATI :Mon prénom et nom à l’état civil c’est Thierno Mamadou Bhoye Diallo, je suis né en 1993 dans la commune urbaine de Labé, à Kouroula, quartier qui abrite le centre administratif de Labé. Je suis l’aîné d’un couple qui n’a que deux garçons, donc mon jeune-frère et moi seulement. Mon père et ma mère sont tous restaurateurs. Notre famille vit de ça. Mon père est décédé, mais ma mère continue d’exercer la restauration pour faire vivre la famille tant bien que mal. Ma famille réside au secteur Dianyabhè, quartier Madina. Nous vivons tous ensemble.
Pourquoi vous avez choisi le sobriquet Tati-Tati ?
Le choix ne vient pas de loin. C’est juste une inspiration de la vie. Dans beaucoup de choses, c’est la règle de 3 qui s’applique, d’où Tati-Tati. Avant de prier vous faites l’ablution vous lavez certaines parties du corps trois fois. Là où maman prépare à la cuisine, elle pose la marmite sur trois pierres pour la cuisson, donc trois par ici aussi. Si on vous fait du mal vous pardonnez trois fois avant de réagir ou avertir. Chez les blancs ils disent ABC j’ironise avec pour dire ABC signifie (Africain Bien Connu). C’est là que Tati-Tati est sorti.
Tati Tati, aujourd’hui la musique a dominé votre vie. Parlez-nous un peu ton parcours…
Ma mère m’avait envoyé à l’école, je la remercie. C’est le piler de ma réussite, mon parcours scolaire n’est pas si élevé puisque je me suis limité en 7èmeannée au collège Hoggo Mbouro de Labé. Mon esprit était déjà surchargé, je faisais cumulativement la soudure. Notre atelier se trouvait là où se trouve l’école Bhoundou Gandal, avant il n’y avait que des garages et des ateliers de soudure avant qu’on ne construise l’école. Entretemps, la passion de la musique m’est venue en tête aussi, après l’école et l’atelier, je cherchais un temps pour chanter, je partais la nuit en brousse chanter et crier fort pour forger ma voix. Avec l’école et la soudure je n’avais que la nuit pour répéter.
Avez-vous commencé en solo ou en groupe ?
Depuis le début de ma carrière musicale, j’ai évolué en solo, mais j’ai rencontré beaucoup d’artistes avec lesquels je suis devenu ami. J’ai toujours composé seul mes chansons, on ne m’apporte rien dans ce que je fais. Dans la vie tu peux suivre un métier dans l’espoir de gagner dignement ta vie dedans mais le destin t’oriente toujours vers le travail qui t’est destiné. Le destin est toujours plus malin que nous, tu ne peux pas échapper. Il fut un moment, la famille n’aimait pas mon choix d’être artiste. Mais j’ai déjà l’amour pour la musique, même si je me fâche il suffit que je chante, automatiquement je retrouve la joie.
Tati-Tati ressemble aussi à un garçon qui a fait la rue avant de choisir le chemin de la musique. Est-ce le cas ?
Je vais raccourcir pour vous. Vous voulez parler des délinquants aux coins des marchés ? J’ai longtemps vécu avec eux, c’est la vérité. Je suis heureux d’une chose, dans ce monde de la rue je n’ai pas eu le courage de faire du mal à quelqu’un, Dieu m’a sauvé de ce côté. J’ai vraiment vécu avec eux. Ceux qui sont à la Sassé (partie qui abrite le marché des étalagistes, Ndlr) le savent tous. Il y avait souvent des descentes musclées des services de sécurité pour arrêter des jeunes, mais jamais je n’ai été victime d’arrestation. Pourtant, ils viennent pourchasser les gens, interpeller certains, mais jamais un agent n’a porté main sur moi à plus forte raison m’arrêter. Ils trouvent des groupes qui font certaines choses, les gens courent de partout, certains sont rattrapés, mais je reste assis dans mon coin je répète, je chante on me dépasse sans me dire mot. Je ne connais pas les raisons, mais je pense que c’est ma mère qui a cherché la bénédiction pour moi.
Au début de l’entretien, vous avez dit que la famille n’aimait pas que vous chantiez. Aujourd’hui avec votre succès, est-ce que les choses ont changé ?
Aujourd’hui ça va, ma mère est contente de ce que je fais. Tu sais avant les gens lui disaient que la musique n’est pas bonne. Elle disait son souhait est que je devienne quelqu’un de bien, avant pour elle on ne pouvait pas être bien en musique. Vous savez que je suis un disciple coranique, maintenant, je sens une fierté en elle, même si elle ne le dit pas ouvertement.
Quel foyer islamique du Foutah avez-vous fréquenté ?
J’ai fréquenté un foyer islamique. Les lecteurs veulent savoir, ils le sauront, je n’ai rien à cacher. C’est en 2004 qu’on m’a envoyé à l’école coranique dans la sous-préfecture de Kankalabé, district Kolea (Dalaba). Je passais du temps avec mon maitre coranique (El hadj Abdoulaye, grand érudit du foutah). Je prenais la permission parfois pour venir faire quelques jours à Labé aussi dans la famille. C’est entretemps que quelqu’un m’a acheté une guitare. Je suis allé avec la guitare à Kankalabé, je l’ai confié au centre, je ne pouvais pas aller avec elle à l’école coranique. Les samedis je profitais pour me rendre au centre, je chantais avec ma guitare, on me donnait de l’argent, puis je retournais à l’école coranique.
Quelle a été la réaction de votre maitre coranique en apprenant que vous chantiez ?
Quand mon maitre a compris que la musique me tenait de plus en plus à cœur, pour détourner mon esprit et me ramener sur le coran, il m’a donné le livre du nom Mouyibi (un livre coranique qui contient des cantiques et des poèmes). Je rendais parfaitement bien les poèmes et les cantiques, son souhait, c’était que j’abandonne la musique au profit des cantiques religieux et de la poésie arabe. Mais comme je vous ai dit au début, ton destin ne trahit pas, ton destin reste ton destin, il te guide.
Tati Tati, n’a pas de particularité dans la musique, vous faites de la zik urbaine, du reggae, du danse-hall, du Rap, vous faites aussi de la mamaya même du podha. Comment avez-vous réussi tout ça avec beaucoup d’ingéniosité et de talent ?
C’est un secret. Avec beaucoup de résignation, de courage, de travail, parce que j’ai traversé assez de difficultés dans la musique. Je veux que les gens imaginent comment j’étais à mes débuts en fréquentant les gens, je suis né et j’ai grandi à Labé, mais beaucoup ne savaient pas que j’existais. Pourtant, je faisais la musique avec les défauts d’être très sûr de moi. Je n’aimais pas qu’on me manque de respect. Je me rappelle, j’allais dans beaucoup de concerts dans l’espoir de monter sur scène et jouer, des organisateurs ont cassé mes CD, d’autres les jetaient. Je venais avant d’autres, on les prenait sous mes yeux alors que je suis venu pour la même chose. Je pouvais pleurer quand on me sous-estimait de cette façon. J’ai un amour particulier pour la musique. Aujourd’hui quand je vois un changement, je rends grâce à Dieu tout simplement et ma mère. C’est le moment et le lieu de remercier toutes les personnes qui m’ont soutenu et qui veulent que j’évolue. Je remercie particulièrement Saliou Kouyaté et sa mère tante Ciré Ndiaye qui ont décidé de changer ma vie avec un encadrement qui vaut son pesant d’Or. Beaucoup de choses se sont passées avant aujourd’hui, je remercie ceux qui les ont encouragés à me soutenir aussi. Mon souhait aujourd’hui est que tout artiste soit soutenu dans son élan et son talent. Si vous écoutez mes chansons aussi, j’ai exprimé ma reconnaissance à l’endroit d’une femme Neene Founè Kaalan, cette femme a un cœur en or, elle n’est pas riche mais elle tient à moi. Sous les grands arbres à Sassè, sa maison se trouve juste là. Quand je répète là, je crie fort, du coup j’ai as envie de boire de l’eau, sans que je n’en demande, Neene Founè donne une grande quantité d’eau à un enfant qui me l’apporte. J’éteins ma soif avec, je continue mon travail, la nuit aussi quand je suis là elle me donne à manger, dans la vie il faut être reconnaissant, c’est pourquoi je pense à cette femme.
Est-ce que parmi ces promoteurs qui vous renvoyaient hier, il y en a qui reviennent vers vous aujourd’hui pour vous inviter officiellement à des spectacles ?
Oui ça ne finit pas cette histoire mon frère. Ils sont nombreux à revenir, mais je suis sans rancune moi. Je ne reproche personne, je ne condamne personne, chaque chose vient avec son temps. Pourquoi je ne fais pas de ça un problème (…), hier quand on me traitait de tout, il y avait d’autres personnes que les gens applaudissaient, c’était leur temps de gloire, mais aujourd’hui c’est le tour d’autres personnes, demain pour une autre catégorie de personnes, la vie tourne pour tout le monde à tour de rôle. C’est pourquoi je dis toujours ‘’Ko FiiGnandè go’’ (Pour un jour, Ndlr), on fait pour un autre jour, pas pour aujourd’hui seulement.
Nous vous avons découvert réellement à la dernière édition de la foire artisanale où le public avait réclamé un second passage alors que même les vedettes n’avaient eu droit à qu’à un seul concert. Est-ce que vous avez mesuré le poids de cet amour à votre endroit ?
J’ai été touché au plus haut point par ce geste. Je sais que ce n’est pas facile surtout en voyant des artistes qui sont décriés par le public. Si je suis réclamé, je peux dire que ça vient de Dieu, parce que je ne peux pas chanter ou tenir le public plus que tout le monde. En toute chose aussi, la discipline compte beaucoup, il faut être humble loin de toute arrogance, c’est des actes qui attirent les gens aussi vers une personne. Il y a des artistes talentueux qui font de la très bonne musique, ils n’ont pas le savoir-vivre. Moi je ne tire pas ma main pour une chose que je ne peux atteindre, je regarde toujours près de moi. Aujourd’hui, je ne vise que la réussite dans la musique, je ne veux rien faire d’autres que la musique, souffrir avec ou pour une chose crée de l’amour pour la chose. Je compte aller jusqu’au bout.
Comment vous composez réellement vos chansons sachant que certains disent que vous chantez directement sans des notes écrites ?
C’est vrai ça se passe ainsi, c’est un don de Dieu peut-être. Je prépare les idées dans la tête, j’écris dans ma tête. Je répète souvent, j’ordonne, il suffit que je sois en studio, mettez l’instrumental pour une ou deux écoutes, je chante au rythme de l’instrumental avec peu de temps. Quand j’ai les idées en répétant j’améliore tout, je peux coller à n’importe quel instrumental dans un studio. Tout mon temps c’est la musique, parfois je me retrouve seul quelque part à minuit, je travaille profondément. Certains me qualifient de fou mais ils ne comprennent rien, ton succès ne se fera pas sans toi.
Comment cela est-il possible Tati Tati ? Avez-vous reçu un secret chez votre maitre coranique ?
Je n’ai aucun secret, c’est un don de Dieu. Je n’ai pas envie de dire tout. Certains me voient assis dans un coin, ils s’interrogent sur les raisons de ma position à certains endroits. On ne m’a rien donné, je me mémorise juste. Et personne ne m’a orienté, je me lance tout seul, je vous dis entre la musique et moi c’est une longue histoire. Depuis que j’étais à l’école primaire je chantais, il n’y avait pas un artiste que je ne pouvais pas imiter. Donc j’attends juste une mélodie et que je colle quelques choses à ça. Je sais que ce n’est pas donné à tout le monde.
Un dernier mot ?
Dans ma vie j’aime le respect et la confiance, j’aime partager aussi le peu que je dispose. Ce que je déteste dans ma vie, c’est une personne qui n’est pas directe, une personne qui manque de franchise. Je suis heureux d’annoncer à travers votre micro que mon premier Album sur le marché sortira Le 27 Avril 2019 à Labé. L’album intitulé ‘’ Ko Fiignandè go’’ (c’est pour un jour, ndlr). Je pense que c’est un rêve qui se réalise pour moi et pour tous mes fans. Je ferai les choses comme attendu. Je sais que nous avons fait un travail sérieux sur l’Album, en tout cas je compte marquer l’histoire musicale de Labé à travers la dédicace au stade régionale Elhadj Saifoulaye Diallo de Labé.
Interview Entretien réalisée par
Alpha Ousmane Bah(AOB)
Tél. : (00224) 664 93 45 45
Créé le 10 avril 2019 10:59Nous vous proposons aussi
TAGS
étiquettes: Culture, Interviews