Situation sociopolitique guinéenne : Lansana Kouyaté se prononce ! (Interview)
CONAKRY- Longtemps resté sous silence, l’ancien premier ministre guinéen Lansana Kouyaté a finalement décidé de briser le silence ! Le leader du parti de l’espoir pour le développement national vient de se prononcer sur la situation sociopolitique de son pays qui est marquée par un nouveau bras de fer entre l’opposition et le pouvoir du président Alpha Condé. Dans cet entretien exclusif qu’il a eu avec notre rédaction, Lansana Kouyaté s’est exprimé également exprimé sur d’autres sujets liés notamment au sommet Etats-Unis Afrique qui s’est tenu récemment à Washington. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Kouyaté bonjour !
LANSANA KOUYATE : Bonjour Monsieur Souaré !
Vous avez assisté au sommet Etats-Unis Afrique. Selon vous que peut-on retenir de cette rencontre ?
Ce qu’il faut retenir c’est que, des décisions ont été prises et la réunion s’est surtout concentrée sur les relations dans le domaine de la sécurité, le développement et les relations entre le développement dans l’investissement des infrastructures. Je crois que tout va ensemble. Sans bonne gouvernance et sans sécurité, il n’y a pas de développement et sans les infrastructures de base, il n’y a pas non plus de développement. Je crois que les autorités américaines ont mis l’accent sur ça. Mais ce qu’il faut surtout retenir ce n’était pas un sommet classique comme les autres, mais un sommet éclaté, il y avait les hommes d’affaires, les femmes d’affaires, la société civile tout le monde y a été convié. Enfin ceux, qu’on pensent apporter quelques choses. Il y a eu des réunions sectorielles qui sont d’une très haute portée. Vous savez que l’Afrique a déjà eu à participer à plusieurs sommets dont le TICAD avec le japon, ou des sommets Europe-Afrique, sommet France-Afrique, sommet Amérique latine-Afrique. Tout cela existe déjà. Les américains ont cette fois -ci innové, c'est-à-dire impliquer, les acteurs pour que l’investissement se fasse. Pour vous dire la vérité je considère que tout cela est bien. Mais les pays qui sont sortis de la léthargie du sous-développement n’ont pas eu besoin de tant de réunions, pour pouvoir attirer les investisseurs. Les investissements qui se font, se font sans bruits. Quand vous avez créé les conditions, les meilleures pour que l’investissement soit garanti, non seulement du point de vue de la stabilité, mais du point de vue du retour sur l’investissement. Partout où les gens investissent ils s’attendent à un retour. Mais il faut reconnaitre que parfois même le temps d’investissement est lourd et long et parfois cela exige deux mois, trois mois et au-delà même.
Les citoyens guinéens s’interrogent sur les retombées de ce sommet. A quoi pourrait t-on s’attendre comme retombées pour la Guinée ?
Si la Guinée travaille à améliorer la gouvernance, c'est-à-dire, si ce qui est fait, l’est avec transparence, et que les marchés de gré à gré arrangés entre amis cessent ; Si les guinéens créent une atmosphère politique viable, si le gouvernement met fin à l’impunité, et à l’insécurité, soyez sûre qu’il y aura des retombées .Cela est arrivé dans des pays qui sont très lointains mais dès lors qu’ils l’on fait, le monde étant un village, les investissements sont venus. Vous savez bien que les américains ne mettront pas leur argent là où il y a une corruption poussée, là où il y a un système de non démocratie c’est le moins que je puisse dire. Donc cela dépend des guinéens, pour que la rencontre de Washington ait des retombées.
Au cours de ce premier sommet Etats-Unis Afrique, le président Barack Obama avait insisté sur la bonne gouvernance en demandant aux chefs d’Etat africains ne pas s’engager dans un processus de modification de leurs constitutions. Craignez-vous un tel scénario en Guinée ?
Oui bien sûr par ce que déjà on accorde trop peu de respect à notre constitution qui est la loi des lois .Vous avez vu combien de fois les législatives ont duré ; trois ans après alors que la constitution prescrit six mois et aujourd’hui les élections communales subissent le même sort. Alors comment voulez-vous que je puisse espérer autre chose ? Et ça va s’accumuler comme ça ; alors quiconque ne respecte pas les échéances électorales prévues par la constitution, n’hésiterait pas à amender cette constitution surtout que cela se fait dans une assemblée quasiment monocolore.
Le sujet sur l’épidémie de fièvre Ebola a dominé les débats lors de ce sommet. Quel est votre avis sur la gestion de la crise par le pouvoir de Conakry ?
Alerte trop tard, et trop peu au moment où on devait alerter, le gouvernement s’est amusé à ne pas reconnaitre. Je crois qu’il y a des ministères qui ont dit que ce n’est pas vrai. Pendant ce temps les organisations les plus spécialisées avaient déjà détecté la maladie, ce qui est déjà le cas de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé, Ndlr) et de Médecins sans Frontières. Mais pourquoi avoir tant retardé ? Vous savez bien que le président de la république dans une adresse à la nation avait dit, qu’il ne déclarera jamais l’état d’urgence. En moins de 72 heures après, le président déclarait l’état d’urgence. Voilà des atermoiements qui me font dire que c’était mal géré.
Avez-vous eu à rencontrer le président Alpha Condé lors de son séjour aux Etats-Unis ?
Non ! Je ne l’ai pas rencontré du tout ,donc je n’ai pas eu à échanger avec lui.
Cela fait pratiquement plusieurs mois depuis que vous êtes en séjour à l’étranger. Quelle est votre appréciation de la situation sociopolitique du pays ?
La situation sociale est mauvaise, la situation politique est mauvaise.
Un nouveau bras de fer semble s’annoncer entre l’opposition et le pouvoir du président Alpha Condé sur le sujet de l’opérateur technique Way Mark. Que vous inspire cette nouvelle crise qui s’annonce en Guinée ?
Il fallait s’attendre à cela. Qu’est-ce qu’ils disent dans leur revendications, c’est la bonne foi, et la volonté. Même pas seulement la volonté politique, si cela n’y est pas, il n’y aura pas de résultat.
On a beau dire qu’on va descendre dans la rue (…). Est-ce que ceux, qui gouvernent cela leur dit quelque chose? Absolument pas. Dès lors qu’ils n’ont pas la volonté d’appliquer les accords, sinon l’accord de juillet 2013 devrait être appliqué à ce jour. Mais cela ne l’a pas été. Mais qu’on ne soit pas étonné que tout ce qui a été signé soit jeté aux calendres grecques.
A vous entendre, on a plutôt l’impression que vous ne partagé pas la démarche de vos paires de l’opposition…
Non je n’ai pas à juger. Je sais moi-même, j’ai participé à des négociations avec le même espoir que ça allait être appliqué mais comme je le dis, une fois que cela est, vous tirez les leçons, mais il y a une très faible probabilité que la seconde tentative aussi échoue. C’est mon cas, peut-être c’est la différence que j’ai avec les autres, je ne les blâme pas.
Que proposeriez-vous pour éviter que la situation ne s’enlise d’avantage ?
Que les guinéens s’unissent sur l’essentiel, qu’on laisse l’ethnocentrisme de côté et qu’on ne réfléchisse que sur le bonheur des guinéens. Il faut reconnaitre que les guinéens sont divisés aujourd’hui au sein même des ethnies, ce n’est pas dans cette situation que le pays va se développer même si d’ailleurs il y avait une bonne politique, à plus forte raison quand la politique est douteuse. Les guinéens doivent s’unir ; savoir quel enjeu ils ont face au développement du pays, l’enjeu de la promotion de la jeunesse, l’enjeu de la vie et de la survie. Celui des efforts de la prospérité sectorielle afin de pouvoir arriver au résultat escompté.
Que dites-vous du drame survenu à Rogbané le mois dernier ?
Mais on a eu des drames comme ça en cascade, et le drame de rogbané n’est pas le premier. Cela s’est passé une première fois, les leçons n’ont pas été tirées. Comme on le dit gouverner c’est prévoir et surtout quand on a eu déjà des exemples, on n’a pas pu prévoir c’est dommage. Des gens qui viennent pour se recréer finissent au cimetière c’est vraiment regrettable. Il faut que l’Etat soit plus responsable et que la police fasse la police, c'est-à-dire faire observer le minimum de règles pour pouvoir éviter de tels drames dans le futur.
L’élection présidentielle de 2015 c’est pratiquement dans moins d’un an, comment comptez-vous aborder ce nouveau rendez-vous électoral avec votre formation politique le PEDN ?
Attendons d’abord que les dates soient fixées. Ce que je n’aurais pas souhaité du tout c’est de coupler les élections municipales et présidentielles. Pourtant on tend vers cela pour que les maires qui sont là au nom d’un groupe politique, le RPG, que ces maires là ne soient pas remplacés avant. Et donc en couplant on fait d’une pierre deux coups et je souhaite que cette fois ça ne se passe pas dans l’opacité. Auquel cas si le PEDN m’investit de sa confiance je serais sur le starting bock et je serais candidat.
Faut –il s’attendre à ce que vous souteniez le président Alpha Condé comme ce fut le cas en 2010?
Comment pouvez-vous me poser cette question quand vous savez que j’appartiens désormais à l’opposition.
Merci Monsieur Kouyaté !
C’est à moi de vous remercier Monsieur Souaré.
Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 655 31 11 11
Créé le 19 août 2014 19:35
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