CONAKRY- ‘’Le projet de loi 2014 n’est qu’une conspiration contre le peuple de Guinée !’’ Fidèle à ses critiques acerbes contre la gouvernance du Pr Alpha Condé, l’opposant Faya Lansana Milimono, dans un ton incisif décortique le discours du nouvel an prononcé par le chef de l’Etat.Il analyse aussi largement la loi des finances qui vient d’être adoptée par le conseil nationale de transition (CNT). Entretien exclusif, lisez !!!!!
Africaguinee.com : Bonjour M. Millimono !
Dr Faya Milimono : Bonjour monsieur Aliou.
Africaguinee.com : Quelle analyse faites-vous du discours de nouvel an prononcé par le Président de la République ?
Dr Faya Milimono : Dans l’adresse du Président que je suis en train de parcourir très attentivement, je note qu’il fait une évaluation plus élogieuse de l’année 2013 que les autres guinéens. Il dit que c’est dans l’entente et l’unité nationale, ce sont des rêves aujourd’hui pour notre pays. L’entente et l’unité nationale n’existent plus. Le pays est balkanisé.
Il est en fait une évaluation très rose des dernières élections comme pour dire qu’il y a eu une avancée alors qu’il y a eu un recul. Il considère que la Guinée a renoué avec la communauté internationale et que désormais les partenaires ont pleinement confiance en la Guinée, ce qui ne se traduit pas assez net. Il parle de six milliards de dollars qu’il aurait pu récolter à l’occasion de la rencontre d’Abu Dhabi. Ça a couté très cher à la Guinée, mais les guinéens se rendent très vite compte que les retombées de cette rencontre ne seront pas meilleures que le PPTE dont on a fait croire aux guinéens que ça permettrait à chacun d’avoir un arbre devant sa cour qui allait produire de l’argent.[IMG2]
Si nous pouvons noter quelques légers changements, à notre observation, nous disons que globalement, sur les grandes ambitions du peuple de Guinée d’avoir une démocratie dans l’unité, d’avoir un Etat de droit, nous sommes très loin du compte et il se trouve être la mauvaise personne pour nous assurer cela, parce que pour lui aujourd’hui, il y a deux Guinée : une Guinée où certains ont tous les droits et une Guinée dont d’autres ne disposent que des devoirs. Je trouve donc qu’il y a assez de contrevérités, assez d’optimisme dans l’évaluation qu’il fait des choses.
Africaguinee.com : Comment expliquer vous que le chef de l’Etat parle du respect de calendrier pour les échéances électorales de 2015 sans pour autant évoquer les communales de 2014 ?
Dr Faya Milimono : C’est une fuite en avant pour le Président. Ça prouve qu’il n’a jamais accepté d’obéir et de respecter les engagements qu’il prend. A la signature des accords politiques intervenus le 03 juillet dernier au Palais du peuple, que chacun continue d’évaluer le désordre, il était prévu qu’en cette année 2014, que les élections communales et communautaires aient lieu. S’il n’en parle pas, c’est une fuite en avant et qu’il ne va pas les faire.
AFRICAGUINEE.COM : Le CNT a adopté ce 31 décembre 2013 le projet de loi portant loi de finances 2014. Quelle lecture faites-vous de ce projet de loi ?
Dr Faya Milimono : Merci de l’opportunité que vous nous offrez de revenir sur ce document important qui est celui qui est au conseil national de transition (CNT). Vous me permettrez de commencer par m’acquitter d’un devoir, celui de dire mes vœux les meilleurs à tous les compatriotes pour l’année 2014. Cela dit, nous avons, avec l’aide de nos amis qui sont au CNT eu la possibilité d’accéder au document que nous avons lu et analysé. Dans ce document, nous avons fait plusieurs constats.[IMG3]
Le premier, c’est qu’en partant de la loi de finances 2013, le gouvernement a fini l’année avec une contreperformance qui s’est globalement chiffré à plus 89 milliards de francs guinéens. A un moment donné, le parti Bloc Libéral (BL) avait fait une déclaration dans laquelle il a dénoncé le fait de multiplier par 10, par 20 le taux d’imposition sur les entreprises dans notre pays. Nous avons dénoncé du fait que, pour renflouer les caisses de l’Etat, ce n’est pas en mettant un poids trop lourd sur les entreprises privées que nous allons y arriver. C’est en travaillant pour étendre l’aspect fiscal. La conséquence de tout cela a amené la fuite même de nos investisseurs internes vers les pays voisins. Il y a eu des commerçants qui ont choisi de détourner leurs marchandises vers d’autres pays de la sous région. Cela a accentué le manque à gagner. Donc, c’est une contre performance que nous avons vécue en 2013 et on pourrait bien vivre la même contreperformance en 2014, parce que les mêmes missions qui ont conduit à cela sont encore présentes et continuent à se renforcer.
Nous avons constaté que le gouvernement pléthorique du Pr Alpha Condé coûte très cher au peuple de Guinée. Nous sommes des libéraux, nous pensons que le gouvernement devait être maintenu au strict minimum, et on devrait plutôt mettre l’accent sur son efficacité que sur sa grandeur. Le Professeur, comme il l’a dit lui-même, c’était un gouvernement de récompense qui est là depuis trois ans, il ne réserve que deux ans pour nous mettre en place dit-il, un gouvernement de mission qui va désormais penser au bien être des guinéens. Nous le souhaitons !
Un autre constat que nous avons fait, c’est que nous sommes en train de nous préparer à demander un autre PPTE, parce que le projet de loi qui sera adopté aujourd’hui est déficitaire de plus de 1071 milliards GNF. Ça veut dire que nous allons manger 1071 milliards de plus que nous prévoyions avoir sans garantie que ce que nous prévoyions avoir sera effectivement obtenu. Donc, on pourrait bien terminer l’année dans une situation de déficit très monstre.
En plus, nous avons remarqué qu’il y a des zones d’ombre dans la loi de finances 2014 qui nous cachent la vérité. Nous avons découvert, qu’il y a en plus des imprévus, prévus par chaque département ministériel qui reçoit une allocation budgétaire, il y a 2644 milliards GNF enregistrés sous le nom de dépenses communes. En tant que dépenses communes, rien de précis n’est dit par rapport à ça, sauf des mots ‘’ autres salaires, autres fonctionnements, autres ceci, autres cela’’. Ça veut dire que le budget crée toutes les conditions pour les cadres véreux de continuer à se servir des caisses de l’Etat ou alors au Président de la République, comme il sait d’ailleurs le faire depuis trois ans qu’il est au pouvoir, de continuer à financer des groupes criminels comme les Donzos, l’ULIMO, et autres, avec des fonds publics, légalement. Si c’est voté, ça sera légal. Ces fonds, il les utilisera de façon légale et contre le peuple de Guinée.
Nous avons également constaté que tel que conçu, le budget global de notre pays ne consacre que moins de 40% pour l’investissement. Et lorsque vous allez en détail, vous constaterez la part des ressources propres dans l’investissement, ça tombe à 17% seulement à nos ressources propres. Parce que la part de l’investissement relève de ce que nous attendons l’extérieur en dons, en dettes. Donc, ce qui n’est pas garantie est plus élevé de ce que nous prévoyions de nos ressources propres pour investir.
Une autre chose que nous avons relevé, c’est que les ministères comme l’éducation nationale, la santé, les affaires sociales ne constituent pas une priorité du gouvernement. En Afrique de l’ouest, lorsque vous prenez le Sénégal, à peu près 30% ou plus du budget sont consacrés à l’éducation nationale. Pour le budget que nous avons aujourd’hui devant nous, seulement 11, 67% sont consacrés à l’éducation nationale. C’est trop peu pour un pays dont le taux d’analphabétisme reste encore élevé et dans une Guinée qui vit aujourd’hui dans une économie reposant non pas sur les matières premières, mais reposant sur le savoir faire et le savoir être. On devait aujourd’hui, investir véritablement dans l’éducation pour doter nos enfants de compétences nécessaires à leur compétitivité par rapport aux autres enfants à travers le monde.Cela n’est pas le cas !
Nous avons même essayé de comparer notre budget à celui du Burkina Faso. Pour les guinéens qui savent c’est quoi le potentiel du Burkina Faso par rapport aux potentiels guinéens, ils se sentent insultés que nous comparions la Guinée à ce pays. Mais qu’est-ce que nous avons trouvé ? En 2013, le Burkina Faso déjà, consacrait environs 17% de son budget à l’éducation nationale et 13% de son budget national à la santé. Et quelle est la prévision de 2014 pour la Guinée ? 2,74% seulement du budget guinéen sont consacrés à la santé. Ça c’est un crime. Il faut qu’on le combatte. On ne peut plus continuer à écouter Alpha Condé dire qu’il va donner la gratuité par-ci, par là. Ce discours populiste n’a pas amené le bonheur aux guinéens, et il faut que les guinéens en soient conscients. Nous avons même déploré que certains crédits alloués l’année dernière pour la construction des écoles primaires et secondaires pour détendre la capacité d’accueil de nos écoles aient été coupés d’un pourcentage très élevé.
Nous avons trouvé qu’il y avait 8 milliards 971 millions 513 mille qui étaient alloués en 2013 à la construction, réhabilitation et équipement des salles de classes pour l’élémentaire. Ce chiffre descend cette année à 5 milliards 460 millions GNF soit une réduction de 39,25%. Pour la rénovation des inspections régionales et des directions préfectorales de l’éducation, le crédit alloué de 2013 était de 10 milliards 548 millions 976 mille GNF. Cette année c’est 6 milliards 544 millions GNF soit une réduction de 37,97%. Ça c’est un crime qu’on est en train de commettre sous nos yeux. Et on comprend pourquoi nos enfants ne seront jamais compétitifs même par rapport aux enfants Burkinabé, Ivoiriens ou Sénégalais.
A Conakry aujourd’hui, n’eût été l'entrepreneuriat privé dans l’éducation, un enfant sur deux serait en dehors de la classe. Les efforts que les parents sont en train de fournir, c’est ce qui permet de voir un grand nombre d’enfants aller à l’école dans la ville de Conakry.
En termes de comparaison, nous nous sommes arrêtés entre ce que nous prend la Présidence de notre pays et ce que nous prend l’Assemblée Nationale, le département de la justice, la Cour Suprême, parce que nous nous inscrivons depuis quelques temps à avoir un système dans lequel il y a un équilibre entre les trois pouvoirs. Qu’est-ce que nous avons constaté ? C’est que le budget de la présidence de notre pays est onze fois celui de l’Assemblée nationale. Ça veut dire que si le budget de la Présidence de la République est au dessus de 360 milliards GNF, même si on attend une révision, l’année dernière c’est dans cette proportion qu’on a évolué. Mais avant la fin de l’année, ce budget a été porté grâce à la révision qui a été faite au milieu de l’année à 408 milliards GNF. Et ce que nous prévoyons pour nous députés c’est quoi ? C’est 32 milliards GNF. Ça veut dire que le budget de la présidence est onze fois celui de l’Assemblée Nationale, et trente une fois celui de la Cour Suprême et quatre fois et demi celui du ministère de la justice. Alors tout cela nous dit que quand on parle d’égalité entre les pouvoirs en Guinée, c’est un vœu pieux. Il est vrai que partout ailleurs, la présidence de la République dépense plus que les autres institutions. Mais voyons un peu la différence avec le Sénégal. En 2013, le budget de la Présidence était seulement deux fois celui de l’Assemblée Nationale et cette année, la différence a baissé et se chiffre seulement à une fois 34 centièmes du budget de la Présidence. En faisant la gymnastique des chiffres, nous avons trouvé le Sénégal qui a un budget converti en francs guinéens trois fois presque le budget de la Guinée, sa Présidence a coûté moins chère l’année dernière que la nôtre. Si la Présidence de Macky Sall a coûté l’année dernière aux sénégalais 405 milliards environs de francs guinéens, pour notre Président Alpha Condé et ses ministres conseillers et autres, ils nous ont coûté aux bas mots, 408 milliards de francs guinéens. Ça ce sont des choses que les guinéens ont besoin de comprendre. Quand on nous présente une brique comme ça, et qu’est-ce que cela veut dire concrètement pour les députés, même ceux que nous sommes en train d’espérer aujourd’hui, qu’il les convoque de toutes les façons.
Avec 32 milliards de francs guinéens, les députés que nous aurons au Palais du Peuple n’aurons que leur tête, leurs yeux, leur nez et leur bouche pour aller, à travers tous ces documents truqués des fautes, etc. se formuler une opinion et la défendre au nom du peuple. Dans tous les pays du monde où on respect la souveraineté du peuple, on respecte les représentants du peuple, on les dote les moyens leurs permettant de fonctionner et de défendre les intérêts de la population. Ce n’est pas le cas dans notre pays. Aucun député chez nous n’a même la possibilité d’avoir un assistant, un secrétaire. Or ailleurs, on n’est pas député parce qu’on est géographe, minier, financier et autre. Il faut avoir des techniciens, des spécialistes dans les différents domaines pour vous aider à éplucher les différents dossiers et à avoir une formulation claire de vos opinions.
Nous avons trouvé que le projet de loi 2014 n’est qu’une conspiration contre le peuple de Guinée et on voulait le faire savoir.
AFRICAGUINEE.COM : A l’ouverture de la session budgétaire, le ministre en charge de l’économie et des finances Kerfalla Yansané a déploré le faible taux d’absorption du budget en 2013, regrettant la multiplicité des manifestations de rue. Comment expliquer cette situation ?
Dr Faya Milimono : J’ai déjà brièvement expliqué le manque à gagner qu’eux-mêmes ont tenté de justifier en mettant le tout au compte des manifestations que nous avons connues. Ils sont mêmes allés très loin pour dire que si les sociétés minières qu’ils ont trouvé en place sont parties, c’est parce qu’il y avait l’instabilité politique. Pour eux, si Fria a fermé, les grands moulins ont fermé, si Guicopress a fait faillite, et toutes les autres entreprises qui sont en train de disparaître, et que les autres guinéens sont en train de fuir leur propre pays pour aller investir au Sénégal, en côte d’Ivoire ou ailleurs, c’est parce qu’il y a une instabilité politique. C’est comme ça qu’ils ont voulu justifier cela.
Mais non, il y a combien de mois que nous n’organisons plus de manifestations politiques et les guinéens continuent de mourir, partout d’ailleurs et la décente aux enfers continue.
Quand le ministre nous dit jusqu’en octobre il n’avait exécuté qu’un pourcentage réduit du budget prévu en 2013, ça se comprend. C’est parce que, ce gouvernement ne semble pas avoir les compétences nécessaires de travailler à étendre non seulement l’assiette fiscale, mais également de doter des capacités de mobilisation et lutter les détournements de fonds, la corruption, pour sécuriser les fonds qui sont collectés dans l’intérêt du peuple. C’est que ce gouvernement n’arrive pas à faire. C’est ce qui explique en fait tout cela.
AFRICAGUINEE.COM : Vous êtes le leader du parti du Bloc Libéral (BL). Dites-nous aujourd’hui comment se porte votre formation politique ?
Dr Faya Milimono : Le BL se porte bien. Quand nous sommes venus à la politique, nous avons juré de ne jamais nous prêter à des compromis opportunistes. Nous avons fait le compromis pendant 54 ans, ça ne nous a amené nulle part. Aussi longtemps que nous allons nous mettre à négocier, (…) mais il y a des choses qui ne se négocient pas dans la vie. L’égalité entre vous et moi, elle ne se négocie pas, la justice, elle ne se négocie pas, la liberté ne se négocie pas. Pour le BL, nous avons choisi, non pas de négocier les droits des guinéens, mais de les protéger au prix de nos vie s’il le faut. Et c’est pour cette raison que nous ne sommes pas prêts à endosser toute démarche allant dans le sens de perpétuer le compromis dans notre pays. C’est ce qui fait qu’à un moment donné, nous avons pris un peu de distance. Il y a des choses que nous partageons avec nos amis de l’opposition républicaine et il y a des choses que nous ne partageons pas et nous nous réservons le droit de continuer à défendre la ligne que nous nous sommes définie et je crois que le peuple de Guinée semble bien comprendre ce que nous voulons pour lui.
AFRICAGUINEE.COM : Qu’est-ce qui vous différencie alors de vos pairs de l’opposition ?
Dr Faya Milimono : Nous avions partagé jusqu’à un moment donné le fait que les élections, nous les avons connues, nous étions habitués à ça pendant des décennies. Mais on devait en mettre fin. La démocratie, le respect des droits, ce n’est pas simplement une vue de l’esprit, ça doit être une réalité. Mais pour que cela soit une réalité dans notre pays, nous devons arrêter une chose, c’est d’arrêter de faire des compromis sur compromis. Lorsque nous nous sommes retrouvés au palais du peuple vous savez comment le divorce est intervenu. D’abord nous passons le temps à nous battre pour que Way Mark parte, pour que nous ayons un médiateur international,… finalement, c’est Loucény Fall qui a dirigé les débats au palais du peuple qui mange à la paume du Président Alpha Condé. Et nous avons tout cédé là-bas, au nom de la paix, au nom de l’unité nationale. Au nom de quoi ? C’est-à-dire, unissons-nous, je vais vous tuer !
Aujourd’hui dans notre pays, il ya deux catégories des citoyens. Il y a des citoyens qui ont des droits pleins et entiers et des citoyens qui n’ont pas de droits. Il y en a d’autres qui sont persécutés et d’autres qui sont protégés. Nous avons salué que l’on ait relevé de leurs fonctions les gens qui ont tué à Kankan, mais, qu’est-ce qu’on a fait de ceux qui sont en train de mourir à Conakry ? Ceux qui ont tué à Conakry ? Ceux qui ont tué à Zogota ? A Saoro, à Guéckédou, etc. voilà la Guinée que nous vivons aujourd’hui. On ne peut pas compromettre sur ça ! Pour nous, il doit y avoir une tolérance zéro par rapport au respect, à la protection des droits et à la préservation de la dignité du guinéen.
Sur ça, je crois aussi longtemps que nous allons évoluer dans le même sens, nous serons ensemble avec les autres amis de l’opposition, mais lorsque nous voyons une distance, nous n’allons pas nous accommoder à cela. Nous aurons le courage et la détermination de ce qui nous ait cher. Après tout, dernièrement, ça nous a valu le qualificatif des radicaux. Mais je me souviens bien que Mandela et son ANC avaient été considérés comme des terroristes à un moment donné, au plus fort de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il faut que nous sachions que la même lutte menée par Mandela et l’ANC, c’est la lutte que nous sommes en train de mener ici. La même lutte menée par Martin Lutter King pour l’égalité des chances, les droits civiques aux Etats Unis, c’est la même chose que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. On est fatigué de voir les guinéens à cause de leur appartenance ethnique, à cause de leur appartenance régionale. Apprécier cela à sa juste valeur et ne pas combattre c’est faire preuve d’hypocrisie sur le plan politique. Nous ne sommes pas là pour le faire. C’est pour cette raison que de temps en temps, nous sommes obligés de voler de nos propres ailes, même si ça nous vaut un seul contre tous.
AFRICAGUINEE.COM : Justement, il y a aujourd’hui vos pairs de l’opposition qui seront bientôt au parlement, et puis après, ce sont les élections communales qui vont arriver. Votre parti ne se sent-il pas être à la touche, ou comment vous comptez entamer ces consultations là ?
Dr Faya Milimono : D’abord il faut espérer qu’ils soient convoqués par le Président Alpha Condé. D’autant, Alpha a confié au CNT le plus accommodant l’examen du projet de loi 2014. Il est en train de filer au CNT toutes les conventions qu’il veut ratifier, etc. c’est pour ne plus avoir besoin de cette Assemblée. A quoi ça va les servir, peut être qu’il va les appeler en avril prochain, mais avec aucun agenda. Et les propositions de loi que les opposants eux vont amener sur la table, la mouvance sera là pour dire niet et niet. Donc, ça ne servira à rien. Ce que vous dites, c’est un espoir. On avait espérer au sortir des élections de 2010, que les élections législatives allaient avoir lieu dans les six mois, et on dit maintenant que dans trois mois, il y aura les communautaires. C’est ce que les guinéens souhaitent, mais je ne suis pas certain qu’on va y arriver. Et je crois que c’est à ce niveau qu’il faut situer le débat pour le respect du calendrier pour les élections présidentielles de 2015. Parce que là, si Alpha traine les pas, il faut que le peuple de Guinée lui montre la porte. Il aura besoin de ses jambes. En tout cas, les jambes à l’âge de 50 ans ne sont plus les jambes à l’âge de 80 ans.
Il faut que tous les responsables politiques et ceux de la société civile, ainsi qu’à tous ceux qui croient que ce pays doit connaître une rupture ; luttent pour qu’en 2015, elle le soit.
AFRICAGUINEE.COM : Ces derniers temps le pays a enregistré plusieurs incidents faisant parfois des morts, des blessés et des biens détruits. Quelles seraient selon vous les origines de tout cela ?
Dr Faya Milimono : Vous savez, en 2011, je m’étais inspiré de la chanson de l’artiste ivoirien Tiken Dja Fakolly pour chanter le pays va mal. C’était un cadeau que j’avais fait au président Condé. Un poème qui avait touché toutes les dimensions sociales, économiques, politiques et culturelles de notre pays. ce qu’on a décrit dans ce poème en 2011, était à la fois un constat et une prophétie. Je crois que ça se confirme presque tous les jours aujourd’hui.
L’insécurité bat pourquoi ? Parce que la situation économique est lamentable. Nous avons, dans le budget exercice 2014 prévu de voir le financement de la sécurité nationale pour 1 333 milliards GNF presque 10% du budget national guinéen. A la sécurité nationale, nous ne consacrons que 312 milliards GNF. Or, pour déterminer notre politique en matière de défense et de sécurité, il faut que nous commencions par faire une bonne évaluation des menaces dont nous faisons l’objet. Les menaces sont-elles aujourd’hui à nos frontières ? Il y a 55 ans que nous sommes indépendants, aucun pays aujourd’hui ne nous a déclaré la guerre. Les gens vont dire qu’il y a eu le 22 novembre, mais non ! le 22 nombre c’est le Président Alpha Condé et les portugais qui venaient libérer leurs prisonniers en Guinée. Ceux qui étaient à Kindia avaient été déplacés à Conakry pour leur faciliter la tâche. En contre partie, lui faire venir à Conakry ou faire venir à Conakry ceux qui étaient contre lui à l’extérieur. C’était ça le 22 novembre 1970.
Par contre, la menace, elle est dans nos familles aujourd’hui. Nous avons une jeunesse dont l’éducation n’est pas une priorité de notre pays. Nous avons des jeunes gens qui sortent par milliers par an, des écoles techniques, des écoles supérieures qui n’ont pas une lueur d’espoir. C’est à ce niveau que se trouve aujourd’hui la menace. Et qu’est-ce qu’on fait ? On met moins de ressources pour les gens qui sont en première ligne pour les gendarmes, les policiers. Je ne suis pas contre ce qu’on donne. On peut faire mieux que ce qu’on leur donne aujourd’hui si nous avons un gouvernement compétent en place et des gens visionnaires et audacieux, capables de mieux utiliser les potentiels dont dispose ce pays pour créer le bien être. Cette insécurité, on en a encore pour longtemps parce qu’il n’y a aucune réflexion qui est entamée pour y faire face.
Le pays est à l’abandon. Alpha est là pour faire des discours dans un français approximatif et il est écouté par un peuple dont la majorité ne comprend pas ce qu’il dit. Voilà le drame dans lequel nous sommes.
AFRICAGUINEE.COM : Votre mot de la fin ?
Dr Faya Milimono : Je le dédie à tous mes militants et sympathisants du Bloc Libéral qui ont commencé un rêve. Celui d’une Guinée unie, libre juste et prospère. Ils l’ont fait en se vaccinant de tout qualificatif qu’on peut leur attribuer en définissant clairement leur vision et en ayant des convictions très profondes. Je leur dis mes vœux les meilleurs. Pour cette année 2014, nous avons beaucoup de choses à faire aussi bien pour notre parti que pour notre peuple. Nous devons nous inspirer des grands hommes de ce monde, des luttes héroïques que d’autres avant nous ont mené parce que ça nous prendra, pas seulement de courage, mais aussi de l’audace, de la détermination pour y arriver.
AFRICAGUINEE.COM : Merci d’avoir répondu à nos questions.
Dr Faya Milimono : Merci, et nous vous encourageons.
Interview réalisée par Aliou BM Diallo
Pour Africaguinee.com
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Créé le 6 janvier 2014 13:19