Situation politique en Guinée: Ce qu’en pense l’opposant Fodé Mohamed Soumah…

soumah

CONAKRY-Le choix d'un nouvel opérateur chargé de réviser le fichier électoral va-t-il calmer la colère de l'opposition? Pas si sûr! Pour l'opposant Fodé Mohamed Soumah, le mal de la Guinée est ailleurs, au sein même de la constitution guinéenne. A un an de la présidentielle, le leader du parti Génération citoyenne plaide pour des réformes au sein de la constitution.S'il refuse toute proximité avec le parti au pouvoir, Fodé Mohamed Soumah expose ici ses "solutions" pour éviter un enlisement de la crise politique en Guinée.Exclusif!


 

Africaguinee.com : Un nouveau bras de fer s’annonce entre le pouvoir de Conakry et l’opposition guinéenne. Quelle est votre lecture de la situation sociopolitique qui prévaut actuellement dans votre pays ?

Fodé Mohamed Soumah : L’inquiétude et la désolation à la fois. Mais je voudrais démarrer mon intervention par une pensée pieuse aux disparus du drame de Taouyah, présenter mes condoléances aux familles éprouvées, prier pour les blessés et apporter mon soutien psychologique à cette jeunesse encore traumatisée.

J’ose espérer que la justice va situer les responsabilités du drame de Lambangni aussi, afin que plus jamais de tels événements tragiques ne se reproduisent. Je formule également les mêmes vœux pour tous ceux qui sont touchés par Ebola.

Pour en revenir à votre question, il aurait été plus judicieux pour la CENI d’associer la classe politique à sa volonté de lancer un appel d’offres, plutôt que d’annoncer le nom du consultant chargé de recruter le nouvel opérateur de façon unilatérale. Et ceci même si nos textes lui en donnent le droit. Quant au pouvoir, son jeu d’équilibriste par rapport à des accords issus d’une période tumultueuse a tout d’un agenda caché, comme à l’accoutumée. C'est-à-dire jeter un pavé dans la mare pour jauger et un forcing au forceps. Le reste à l’avenant. Et advienne que pourra.

Nous avons beaucoup critiqué le CNT, mais à ce jour mon constat est que la représentation nationale n’a pas encore apporté de valeur ajoutée réformatrice en ce qui concerne la mise en place des institutions manquantes, le contrôle du gouvernement et celui du PRG. D’ailleurs, tout ce que le pouvoir voulait faire avaliser est passé comme une lettre à la poste. 

La GéCi a dépassé le simple constat pour se projeter dans des questionnements comme ce que nous voulons faire de notre pays, à commencer par l’urgence de redresser notre économie qui est le meilleur vecteur de la cohésion nationale. J’espère que nous y reviendrons.

L’opposition accuse le pouvoir du président Alpha Condé de vouloir garder l’ancien opérateur technique Way Mark. Quelle est la position de votre parti sur cette question ?

Way-Mark n’aurait même pas été partie prenante aux Législatives si la voix de la GéCi avait pesé au sein de l’opposition. Mais on ne va pas refaire le monde. J’exhorte la CENI à mettre cet opérateur hors course afin d’apaiser le climat politique.

Selon vous que faut-il faire pour éviter un enlisement de la situation en Guinée ?

Les pistes sont nombreuses même si les mauvaises habitudes ont la peau dure chez nous.

Nous venons d’entamer la dernière année du mandat présidentiel à organiser des élections qui pouvaient être bouclées avant la fin de l’année 2011. Que faut-il faire ? Que faut-il attendre des échéances qui profilent à l’horizon ? Surtout au vu des problèmes posés comme la recomposition de la CENI qui devrait organiser plus de 340 élections lors des Communales, la méfiance quant au recensement général, la révision du fichier électoral, les vainqueurs autoproclamés avant le scrutin ou dès le 1er tour, la floraison des comités de soutien, les déclarations incendiaires, les contestations liées au choix de l’opérateur et à venir. J’en passe et des meilleurs. C’est pathétique. La confusion est totale.

Un moratoire ne pourrait-il pas s’inviter au débat avec des modalités pratiques à définir ? Cette disposition ne pourrait-elle pas aboutir à la mise en place d’un gouvernement d’ouverture qui mettrait les Guinéens ensemble et au travail ? Il y a un temps pour tout. C’est l’heure de l’union sacrée. C’est aussi bien l’opposant que le citoyen qui le dit.

La GéCi pose aussi la question de la refonte de la durée du mandat présidentiel en un septennat non reconductible. Soit 3 ans de moins que 2 mandats de 5 ans et l’économie d’une élection onéreuse qui est toujours financée par l’étranger.

Ceci permettrait d’éviter au nouvel élu de préparer sa réélection dès l’entame de son mandat, sachant qu’il ne pourrait se représenter que 7 ans après avoir quitté ses fonctions.

Cette disposition aurait plusieurs avantages. D’abord, l’obliger à poser des actes selon le programme pour lequel il a été élu. Ensuite, mettre un terme à l’impunité et à l’incurie car son bilan serait audité au lendemain de son mandat. Enfin, combattre la transhumance politique qui relève souvent de la projection du poids du nouveau venu pour la prochaine élection.

Sans compter le renouvellement permanent du chef de l’Etat. Ce serait un signal fort et un modèle à imiter sur le continent africain où les Présidents aiment s’installer à demeure.

Il y a aussi le décalage de 3 ans entre les élections présidentielles et législatives qui nous éloignent des standards souvent inférieurs à 2 mois. Aussi, nous risquons de tomber dans les travers des blocages institutionnels, des dissolutions, etc.

Notre présidentialisme exacerbé fait de nos chefs de l’Etat plus qu’une clef de voute des institutions, un despote.

C’est lui qui détermine la politique de la nation. Il est le chef suprême des armées et ministre de la Défense de surcroit. Il dispose du pouvoir de légiférer. Il nomme aux emplois civils et militaires et il n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. C’est un boulevard sur les routes de l’impunité.

Ce mimétisme avec la Constitution française est en déphasage avec nos réalités sociales, culturelles et le niveau de la démocratie balbutiante chez nous.

De tout ce qui précède, il y a la nécessité de refondre et de réinventer la société guinéenne et ses institutions. Une démarche fractale devrait réinitialiser les enjeux du système politique et la gouvernance autour de nos aspirations profondes et des valeurs séculaires.

Nombreux sont ceux qui vous accusent d’appartenir désormais au camp présidentiel. Confirmez-vous cette information ?

La GéCi est membre de l’opposition depuis sa défaite à la Présidentielle de 2010. Elle avait quitté l’opposition républicaine en son temps et il vous souviendra qu’elle a été le 1er parti à se réclamer de l’opposition extraparlementaire dans les médias privés après sa défaite dans la circonscription de Kaloum.

Mais il y a eu un empressement de la part de certains leaders pour créer la COEP et l’accoler à l’opposition parlementaire, alors que nous devrions avoir un rôle de vigie au sein de la classe politique.

Aujourd’hui, la GéCi œuvre pour une autre voie afin de vendre son projet de réparation sociale d’une part et amener le pouvoir et l’opposition parlementaire à une obligation de résultat d’autre part.

Mais face à la culture politique antagoniste bien ancrée chez nous de « celui qui n’est pas avec moi est contre moi » la marge de manœuvre d’une telle posture crée la confusion.

Mais à ce jour, la GéCi revendique son droit de ne pas appartenir aux 2 branches qui portent la même dénomination qu’elle. Cela ne souffre aucune contradiction.

Ces derniers temps vous n’avez été trop tendre envers les leaders de l’opposition. Que reprochez-vous à ces acteurs politiques ?

Sincèrement, j’ai toujours eu de bonnes relations avec mes pairs de l’opposition. Mais face aux atermoiements et à un manque de stratégie élaborée et consensuelle pour servir de contrepouvoir surtout, nos chemins se sont peu à peu séparés.

Les erreurs de l’opposition républicaine sont nombreuses. Dès l’arrivée de l’ADP, nous avions proposé son ralliement sous le label Collectif. Mais au final, nous avons hérité de l’appellation Collectif-ADP-CDR-FDP.

La propension de certains à fédérer tous ceux qui n’étaient pas avec la mouvance, nous a fait jouer la parabole du crapaud et de son fondement bien connu de tous. Du coup on a accepté tout et n’importe quoi.

Face aux difficultés de l’apprentissage de l’exercice du pouvoir et la volonté de la communauté internationale d’en finir avec la transition politique, nous disposions de la pression nécessaire pour faire respecter la constitution et les délais impartis. Mais le manque de culture politique a été suicidaire.

Enfin, les divisions et les frustrations ont fait voler en éclats l’unité de façade.

En dépit du combat mené par votre parti, la GECI n’a eu de représentant au sein du parlement guinéen. Peut-on savoir comment comptez-vous aborder les prochaines consultations électorales ?

Cet échec est de ma faute et je l’assume. Comme j’ai eu à le dire par le passé, en politique rien ne se donne si vous ne vous imposez pas. Le parti continue à me faire confiance malgré tout, mais il n’était pas question que je sois l’agneau du sacrifice en utilisant des raccourcis.

En prévision des échéances prochaines, nous avons mis en place une feuille de route pour densifier/massifier notre électorat. Et Kaloum figure en bonne place dans mon agenda.

Nous avons programmé une caravane citoyenne à l’écoute de la Guinée profonde une fois que nous aurions vaincu l’épidémie d’Ebola. C’est un périple qui va nous conduire dans les 4 régions naturelles du pays pour vendre notre rêve aux Guinéens. .

Nous discutons avec d’autres partis, des mouvements de jeunes, des groupements féminins et des personnalités de la société civile pour grandir et affiner notre stratégie.

Faut t-il s’attendre à un ralliement de la GECI dans l’un ou l’autre des camps ?

Il faut s’inspirer des leçons du passé et avoir une ligne de conduite cohérente. Mais rien ne dit qu’il n’y aura pas un rapprochement possible avec l’opposition extraparlementaire, du moment qu’elle se sera définie comme une entité à part avec son mot à dire à l’un ou l’autre des 2 camps.

Un mot sur l’épidémie de la fièvre Ebola qui sévit en Guinée depuis le début de cette année

Je voudrais féliciter le personnel médical malgré les pertes dans ses rangs, l’OMS qui a autorisé l’emploi des traitements non homologués, l’ONU qui s’est impliquée à fond, les USA et le Canada qui ont offert plus d’un millier de doses, les autorités des 3 pays concernés qui prennent des mesures analogues depuis peu, dont la dernière relative au couvre-feu au Libéria.

Dès le départ, il fallait cloisonner ceux qui se trouvaient en zone épidémique à y rester, et interdire à ceux qui ne s’y trouvaient pas de s’y rendre jusqu’à l’extinction de l’épidémie.

A présent, il faut établir des normes sanitaires et sécuritaires, renforcer les soins médicaux et la surveillance épidémiologique, améliorer les moyens de diagnostic car les symptômes d’Ebola ressemblent à ceux du paludisme, de la typhoïde et la fièvre de Lassa, rechercher des sujets contacts, éduquer les populations, etc.

L'ampleur de l'épidémie a été sous-évaluée car c’est la première fois qu’elle touche des zones urbaines. Mais la psychose ne doit pas céder le pas à la panique.

Les firmes pharmaceutiques auraient certainement trouvé un vaccin pour ce virus apparu depuis 1976 sur le continent s’il y avait un marché rentable. Mais comme il est dit qu’Ebola est une maladie des pauvres dans des pays pauvres, ceci explique cela.

Aussi, je ne saurais terminer sans appeler nos dirigeants à mutualiser leurs capacités pour investir dans la recherche car le meilleur partenaire du continent africain reste le continent africain lui-même. Qu’on se le dise !

Le mot de la fin !

La question principielle est comment mettre en place une équipe alternative au pouvoir actuel?

Les jeux sont faits semble-t-il ! Mais une analyse factuelle indique une 3ème voie vers l’émergence citoyenne et économique. C’est celle de la GéCi qui s’appuie sur son projet politique et son programme économique pour obtenir la confiance du peuple.

L’avenir du pays, ce n’est pas ce qui va arriver. Mais ce que nous allons faire maintenant, avec la GéCi et tous ensemble. Demain se prépare aujourd’hui. Je vous remercie.

 

Entretien réalisé par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

Créé le 22 août 2014 10:14

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