Révélations : « les autorités guinéennes savaient où était Toumba… » dixit Maître Paul Yomba
CONAKRY- Ce sont de nouvelles révélations que l’avocat du Commandant Aboubacar Diakité dit « Toumba » vient de faire. Maître Paul Yomba Kourouma qui s’est confié à notre rédaction, est revenu sur les circonstances de l’arrestation de son client à Dakar. L’avocat de Toumba Diakité fait également une demande au sujet de Dadis Camara, l’ex chef de la junte militaire en Guinée. Comment Toumba Diakité prépare t-il sa défense ? Son avocat Maître Paul Yomba Kourouma s’est prêté à nos questions…
AFRICAGUINEE.COM : Bonjour Maître Kourouma! Dans quelles conditions votre client monsieur Aboubacar Diakité dit Toumba a-t-il été extradé en Guinée ?
MAÎTRE PAUL YOMBA KOUROUMA : Aboubacar Toumba a été extradé en direction de notre pays en violation du décret pris par le Président Maky Sall du Sénégal. Cette violation a été dénoncée par notre confrère maître Baba Diop qui nous a précédés dans cette affaire. Le dossier est encore pendant devant les autorités judiciaires sénégalaises. Pendant ce temps il a été arraché, enlevé, transporté à Conakry. Ce qui suscite assez de supputations et d’indignation. C’est dans ces conditions qu’il a été admis à la maison d’arrêt de Conakry où les charges lui ont été notifiées tant par le procureur de la République que par le pool des juges d’instruction chargé d’instruire son dossier.
Vous parlez d’enlèvement de votre client. Ce n’est pas trop dire ?
Ce n’est pas trop dire puisque le recours de l’avocat suspendait toute procédure d’exécution du décret qui a été violé tant par les autorités sénégalaises que par les autorités guinéennes. Il fallait attendre le verdict des juridictions sénégalaises pour qu’en définitive Toumba puisse prendre la route du pays. Mais le prendre dans ces conditions alors que le recours est suspensif, c’est d’abord violer les droits de la défense, mais aussi violer les droits de monsieur Toumba. Alors cela s’apparente à un enlèvement.
Il y avait quand même un mandat d’arrêt émis contre Toumba…
Mais Toumba est à Dakar il y a des années. Il y a belles lurettes que cela n’était pas ignoré de nos autorités qui n’ont jamais émis le souhait de le voir extradé en direction de notre pays. Son séjour n’était pas un secret. Il parlait dans les medias, il n’était pas un homme caché. C’est vue les différentes sollicitations de la communauté internationale, de la ligue internationale des droits de l’homme que finalement le dossier a été réveillé. Toumba a été facilement retrouvé par la gendarmerie sénégalaise qui d’ailleurs l’a humainement traité.
Nous avons tout de même appris qu’il aurait subi des exactions lors de son transfèrement. Qu’en savez-vous ?
Il a été courtoisement, respectueusement remis aux autorités guinéennes. Mais à partir de l’aéroport la maltraitance a commencé. Les acerbités, les propos malencontreux à son encontre ont commencé à être débités par les officiers qui sont allés le cueillir. C’est ce qu’il faut dire puisqu’il a été enlevé. On lui a mis les menottes au dernier degré. Sa montre en a été arrachée. Il a été pratiquement torturé. Il n’a pas aisément voyagé. C’est dans ces conditions qu’il nous est parvenu à Conakry.
Où a-t-il été torturé ?
Il a été torturé dans l’avion. Puisqu’il était menotté sans aération et au dernier degré. Il est venu dans des douleurs. Les menottes n’ont pas été déplacées même d’un degré jusqu’à ce qu’il soit présenté au Procureur de la République. Il est venu dans ces conditions.
Vous dites que sa montre lui a été arrachée. Par qui ?
Oui elle lui a été arrachée de manière flagrante. Mais elle est aujourd’hui déposée à la maison centrale en même temps que sa bague. Ce sont les agents guinéens qui sont allés le chercher à partir de l’aéroport.
Après la notification des charges et la vérification de son identité, quelle va être l’étape suivante ?
Nous attendons l’invitation du pool des juges d’instruction pour que l’interrogatoire sur le fond soit engagé. En ce qui le concerne, il va pouvoir maintenant se défendre, balayer les charges articulées contre lui qui sont nombreuses. Je précise qu’elles sont au nombre de quatorze. C’est ce qui nous paraît même absurde parce que dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, une seule personne ne peut être en train d’assassiner et de l’autre côté violer, piller, d’incendier des édifices, faire outrage à personne en danger, refuser de prêter main forte à personne en danger. Tout cela est absurde. C’est vous dire toute la divagation dans ce dossier, tout l’amalgame qu’il y a et les difficultés qu’a le ministère public à assoir des charges sérieuses contre Toumba Diakité. C’est une sorte de tombola. Sinon ils sont affirmatifs que Toumba est présumé coupable de ces faits-là.
Dites-nous dans quelles conditions il est détenu à la maison centrale ?
Les conditions de détention de Toumba est à l’image de celles de tous les détenus. Il n’y a pas eu d’infrastructures spécialement préparées pour son accueil. Il est dans une cellule desséchée où il n’y a qu’un lit d’une place. Il n’y pas de chaise à l’intérieur puisqu’à chaque fois que j’y suis allé le voir, on est allé emprunter des chaises ailleurs. Par ailleurs monsieur le Procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn qui tient vraiment au confort, au respect des droits de Toumba a promis de lui assurer un certain nombre de commodités. C’est qui d’ailleurs a amené l’avocat général près la cour d’appel de Conakry Yaya Kairaba Kaba, à aller dans sa cellule pour faire la liste des besoins.
Quels sont ces besoins ?
Lui offrir un climatiseur, un poste téléviseur et des divers.
La version de Toumba Diakité est très attendue dans cette affaire. Beaucoup craignent d’ailleurs pour sa sécurité à la maison centrale. Partagez-vous ces inquiétudes ?
Nous n’avons pas été consultés pour qu’il soit admis à la maison d’arrêt mais nous nous opposons déjà face à cette mesure. Parce qu’il y a d’abord discrimination dans ce dossier. Il y a quatorze inculpations dans ce dossier. Mais lui seul se trouve dans les milieux carcéraux. Deuxièmement, vue sa qualité dans cette affaire, il semble être une pièce très attendue qui compte faire des déballages très importants qui pourraient toucher même des personnes perchés au Palais ou dans les grandes sphères de l’administration publiques. C’est pourquoi, Toumba plutôt que d’être à la maison centrale fusse admis dans une nos chancellerie durant le temps de sa détention provisoire. Quittes à déférer à toute convocation que le pool des juges d’instruction voudra bien lui adresser pour la suite de l’information.
Quelque soit la bonne foi de monsieur le procureur de la République, la bonne foi de l’administration pénitentiaire qui en dehors de sa garde ordinaire, lui a affecté une garde spéciale, il y a aussi l’autorité supérieure qui peut à tout moment, lors qu’elle se sent concernée, demander à cette garde de baisser la garde. C’est ce qui fragilisera notre client. Vous avez vu le dossier Mathias ici, quand le général Kalil a menacé de dénoncer des barons du régime du Général Lansana Conté, lors du procès, il y a eu un massacre au niveau de la maison centrale. Aucune information n’a été ouverte autour de cette affaire. Le dossier a été carrément clôturé.
Donc, Toumba est venu pour se blanchir, pour dire sa part de vérité dans cette affaire, édifier l’opinion nationale et internationale, dire à la ligue internationale de défense des droits de l’Homme, qui a œuvré à son arrestation et à son transfèrement que la montagne n’aura accouché que d’une souris. Car il n’a été associé ni de près ni de loin à l’escalade. Il est un témoin sans être un acteur. Toumba dira ce qu’il a vu, ce qu’il a palpé et ce qu’il a entendu.
Dans quel état de moral est-il après son inculpation ?
Son moral est au beau fixe. Toumba entendait regagner le pays depuis longtemps, parce qu’il entendait sur les ondes trop de supputations, de fausses accusations à son encontre. Son honneur ainsi que l’honorabilité de sa famille ont été beaucoup souillés durant ces années. Il est venu très ragaillardi, nanti d’une très grande documentation. Il est en train de travailler à sa défense. Il nous facilite d’ailleurs beaucoup la tâche, nous travaillons d’affilée parfois pendant quatre heures avec lui.
Pensez-vous que les conditions sont suffisamment réunies pour tenir le procès ?
Le ministre de la justice est animé d’une foi ardente et d’une ferme volonté de faire juger ce dossier. C’est vrai. Nous l’apprécions beaucoup dans ce domaine. Seulement, il est certain qu’il se heurtera à certaines difficultés d’ordre logistique, infrastructurelles, et financière. Le tribunal de première instance de Dixinn territorialement compétent ne peut abriter cette solennité quant on sait même qu’il s’agit d’une demeure familiale. Encore moins la cour d’appel de Conakry. Il nous faudra un édifice plus spacieux. J’aurai même souhaité que les assises se tiennent au Palais du Peuple dans l’une de ses grandes salles. Les parties civiles doivent être confortablement assises. Notre client doit occuper une place de choix au même rang que ceux qui sont encore absents et qu’on doit faire venir.
Vous faites allusions à monsieur Dadis Camara ?
Oui et tant d’autres qui sont en dehors de ce pays.
Ce n’est pas le dossier du 28 septembre qui est à l’origine de la fuite de Toumba Diakité. C’est sa tentative d’assassinat sur l’ancien chef de la junte Moussa Dadis Camara. Là aussi il devrait fournir des explications. A-t-il reçu à ce jour une plainte dans ce dossier là aussi ?
Oui ce que vous dites est évident. Ce n’est pas le dossier du 28 septembre qui l’a fait sortir du pays. C’est son altercation avec Dadis. Mais Toumba ne craint rien. La garde de Dadis est venue assiéger Toumba Diakité. A ce niveau heureusement qu’on n’aborde pas ce sujet dans les inculpations. Mais il dira sa part de vérité. Je crois qu’il dira qu’il était état de légitime défense dès lors que les hommes venus étaient déjà armés de leurs fusils et prêt à tirer. Le patron lui-même avait commencé les acerbités et avait posé un acte matériel sur son corps.
Avez-vous reçu une plainte à ce jour ?
Non pas du tout ! Cette affaire n’est pas à l’ordre du jour.
Votre dernier message ?
Nous demandons au peuple de Guinée qui a longtemps observé la patience dans cette affaire de renouveler cette patience. L’heure de la vérité a sonné, l’heure des grands déballages a sonné, les auteurs de cette escalade, Toumba donnera la part de responsabilité individuelle dans cette affaire. Le droit triomphera. Cette ardoise qu’on lui a fait porter depuis longtemps, il la déposera à la place publique. Et d’autres la revêtiront à sa place. Toumba sortira réhabilité sinon dédommagé dans ce dossier.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tél. : (00224) 655 311 112
Créé le 20 mars 2017 10:34Nous vous proposons aussi
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