Recrues de Kaléah : « Toumba avait son quota… », selon l’interprète du régiment bravo

CONAKRY-Alors que le procès sur le massacre du 28 septembre 2009 se poursuit à Conakry, un ancien interprète du camp Kaléah a décidé de briser le silence. Des hommes armés venus de ce camp militaire sont accusés d’avoir joué un rôle déterminent dans la commission du massacre qui avait fait au moins 157 morts, une centaine de femmes violées, des milliers de blessés et des dizaines de portés disparus, selon l’ONU.


Pendant que ce jugement historique est en entré dans son septième mois, T.F qui a livré son témoignage à Africaguinee.com, révèle que 1000 hommes étaient en formation dans ce camp militaire. Selon lui, les soldats étaient formés par des instructeurs israéliens, américains et sud-africains, pour assurer la sécurité du capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte à l’époque. Parmi eux, certains rendaient compte au commandant Toumba Diakité, selon T.F.

Comment a-t-il été approché ? Comment se faisait la formation ? Est-ce vrai que parmi les élèves soldats, des gens originaires de la région forestière étaient plus nombreux ? A la vieille du massacre un contingent avait-il quitter Kaléah pour se rendre à Conakry ? Cet ancien interprète du régiment bravo fait des révélations.

AFRICAGUINEE.COM : Comment avez-vous été recruté en tant qu’interprète pour rejoindre le camp Kaléah ?

T.F : C’est Alseiny, un camarade de promotion qui m’a informé de ce recrutement quand il a été contacté. Celui-ci m’a filé le numéro d’un certain Tounkara qui était le chef du projet et qui a eu le contrat de recruter des interprètes. Il était avec un certain Saliou Diallo. Ils étaient les tous premiers à aller à Kaléah. Mais il y avait un premier groupe d’interprètes là-bas. Selon ce qu’on nous a appris, il y aurait eu des incidents suite auxquels, on les a chassés du camp. C’est par la suite qu’on a été appelé. Quand on nous a appelé pour le recrutement, le premier jour, il y avait des israéliens.  Ils nous ont entretenu pour connaitre le niveau de chacun d’entre nous en anglais. C’est comme ça qu’ils ont retenu provisoirement un groupe.

Quand nous sommes arrivés à Forécariah, on est descendu à l’hôtel Bafila. Là, certains de mes amis interprètes ont dit qu’ils ont été soumis à un test de mensonge auquel moi je n’ai jamais été soumis. Il paraît qu’il y avait une machine que les instructeurs avaient envoyé qui détectait le mensonge. Je précise que dans le groupe qui a quitté Conakry, il y en a beaucoup qui n’ont pas été sur terrain (à Kaléah). Ils ont été retournés à partir de là. En ce qui nous concerne, arrivés au camp, chacun d’entre nous a été confié à un instructeur.  Il y avait trois groupes d’instructeurs. Des américains, des sud-africains et des israéliens. Lors de ce test, un autre groupe a été élimé dès le premier jour au camp de Kaléah. On ne nous avait pas dit qu’on était face à un test, mais moi je l’ai compris comme ça.

Chacun devait veiller sur son instructeur pour ne pas qu’il se perde dans le camp qui est un endroit très vaste. Et il faillait encore bien interpréter. Pour moi, c’était le vrai test. Donc, pour reconstituer, quand on a quitté Conakry, on a débarqué à l’hôtel Bafila dans la ville de Forécariah, il y a eu une première décantation. Certains ont été éliminés là. Le groupe qui a été admis a été dirigé au camp, là également il y a eu un test et un autre groupe a été éliminé.

Quel type de formation dispensait-on aux apprenants ?

C’était une formation militaire. Il y avait beaucoup de soldats qui avaient été recrutés à travers le pays, mais à Kaléah, il y avait un lot de 1000 hommes. Les autres étaient dispatchés dans les autres camps. Les 1000 se trouvant à Kaléyah étaient formés pour la sécurité présidentielle. Parmi ces 1000 soldats, il y avait un groupe qui suivait la formation pour la sécurité du président et un autre groupe qui suivait la formation pour sécuriser les périmètres quand le président se déplaçait. Dès au début, on avait choisi un groupe pour la garde présidentielle. Eux, ils suivaient une formation à cet effet et les autres qui devaient travailler avec la garde présidentielle. C’est-à-dire ceux qui seront chargés de la sécurité du périmètre. Eux tous devaient être choisis sur la base du mérite.

Est-ce qu’il est vrai la majorité de ces recrues était originaire de la région forestière ?

Tout à fait. Je le confirme. Mais tous ceux qui gravitaient autour de Dadis avaient aussi un quota là-bas parmi ces 1000 soldats qui étaient en formation au camp Kaléah.  Dadis avait sa part, Sékouba Konaté en avait, Toumba en avait également. Mais il faut le reconnaitre, la majorité, c’était des forestiers et ils étaient des hommes de Dadis. Mais les autres aussi avaient quand même quelques poignées d’éléments qui leur rendaient des comptes. Je ne dis pas que ces recrues étaient fidèles à ces officiers, mais ce sont eux qui les ont recrutés pour Kaléyah.

Le jour où on a tiré sur Dadis, c’était mon tour d’interpréter la nuit, la garde présidentielle apprenait les tirs nocturnes. C’est de là qu’on a entendu des cris dans l’autre camp. Quand on a cherché à savoir les raisons de ces cris, on nous a dit qu’on avait tiré sur le président Dadis. Depuis ce jour, c’était maintenant une chasse pour savoir qui est impliqué et qui ne l’est pas.

Et il y avait deux recrues qui étaient des protégés de Toumba qui étaient avec nous et il paraitrait qu’après le coup, ces deux jeunes -l’un se nommait Soumaoro et l’autre dont j’ai oublié le nom- ont été ligotés au Camp Kaléah cette nuit avant d’être transférés à Conakry. Après le coup d’Etat contre Dadis, certains interprètes sont rentrés à Conakry, mais moi j’étais resté là-bas parce qu’il y avait un militaire Guerzé qui me filait. Il m’appelait souvent pour me demander où j’étais alors qu’il n’avait pas l’habitude de m’appeler. Donc, à cause de ça j’ai décidé de rester à Forécariah pour ma sécurité.

Comment avez-vous pu comprendre que ces soldats rendaient des comptes à des proches du Chef de l’Etat ?

Vous savez, les gens parlent. Par exemple Soumaoro, je n’allais savoir que c’est Toumba qui l’avait envoyé là-bas, c’est les gens qui parlaient et même l’autre jeune avec qui il a été arrêté. Il n’était même pas de mon régiment, il était de la garde présidentielle et Soumaoro lui était du régiment bravo.

A quel mois exactement avez-vous quitté Forécariah ?

J’ai quitté Forécariah au mois de janvier 2010 c’est-à-dire un mois après qu’on ait tiré sur le président Dadis.

Parlant de Soumaoro qui, pour vous était un élément de Toumba, est-ce que dans vos échanges il vous a fait des confidences sur les informations qu’il remontait ?

Non ! il ne me l’a jamais dit. Et même ça, ce sont ces camarades du camp qui ont dit que c’est un protégé de Toumba. C’est quand je suis revenu à Conakry, un jour il est venu chez moi quand il a été libéré, il m’a dit que Toumba devait sortir du pays.

Il s’était passé combien de temps après les événements du camp Koundara ?

C’était environ une à deux semaines. Et, effectivement quand il (Toumba) est sorti, les ondes en ont parlé.

Il ne vous a pas dit où il était caché ?

Non ! lui-même ne savait.

Est-ce qu’il était en contact avec Toumba après sa libération ?

Peut être ! Sinon il n’allait pas me dire que Toumba devait sortir.

Jusqu’à quel moment le Colonel Bienvenue a-t-il dirigé le Camp de Kaléah ?

Moi je l’ai laissé au camp. Jusqu’au moment où le colonel Thiégboro et quelques militaires sont allés chercher les armes pour les réorienter dans un autre camp, colonel Bienvenue Lamah était là-bas.

On dit qu’il y a un groupe qui a quitté de Kaléyah pour se rendre au stade lors des événements du 28 septembre 2009. Qu’avez-vous constaté ce jour ?

Le camp était vaste ! Donc je ne pouvais pas savoir si certains éléments étaient absents. Mais quand même, dans le régiment bravo où j’étais, je n’avais pas remarqué des absents. Il n’y avait rien d’anormal. Ce régiment regroupait environ une trentaine d’hommes.

Comment se faisait la rémunération ?

On était payé à 100 dollars le mois.

Vous êtes restés combien temps au camp de Kaléyah en tant qu’interprète ?

On est resté là-bas pendant trois mois. La suite de l’interview à regarder sur la vidéo ci-dessous.

Créé le 1 mai 2023 20:11

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