Ousmane Gaoual : « Pour affronter Alpha Condé il faut… » (Interview)

Ousmane Gaoual Diallo, Photo-Africaguinee.com

CONAKRY- Malgré les engagements pris par Alpha Condé, l’opposition guinéenne affiche une certaine méfiance. Alors que le nouveau code électoral doit être adopté au cours de cette session extraordinaire de l’Assemblée Nationale, le député Ousmane Gaoual Diallo exprime des inquiétudes. L’élu de Gaoual revient ici sur le bras de fer qui oppose sa mouvance politique à la majorité présidentielle après le départ de l’UDG de Mamadou Sylla du camp d’Alpha Condé. Exclusif !!!


 

AFRICAGUINEE.COM : Honorable Ousmane Gaoual Diallo bonjour ! Pourquoi l’opposition conteste le remplacement d’El hadj Dembo Sylla de son poste de secrétaire parlementaire, alors que son parti, l’UDG, n’est plus membre de la majorité présidentielle ?

Le règlement intérieur dit clairement que pour être membre du bureau de l’Assemblée Nationale, on doit être élu par l’ensemble des députés. C’est ce qui a été fait au moment de l’ouverture de la législature. Les membres du bureau au nombre de 13 ont été élus. A partir du moment où ils ont été élus, ces gens-là sont investis d’un mandat annuel. En dehors du président de l’Assemblée qui est investi d’un mandat de 5 ans, tous les autres membres du bureau sont élus pour un an renouvelable. Leur mandat arrive à échéance à l’ouverture de la session des Lois de chaque année. L’exécutif de la commission est élu également par les membres de chaque commission. Ceux-ci sont renouvelés chaque année à l’ouverture de la session budgétaire au mois d’octobre.

Mais ce que nous avons vu samedi dernier, c’est l’illustration absolue du fait que Monsieur Damaro a fait de Kory Kondiano une marionnette dont il use et abuse à sa volonté et oriente l’Assemblée Nationale au mépris des lois et du règlement intérieur. C’est  ce qui a expliqué le courroux de l’opposition quant à leur volonté, d’autant mieux que c’est au mois d’avril prochain que le renouvellement des membres du bureau doit être posé. La mouvance devait attendre cette occasion pour renouveler leur confiance à ses représentants. Mais ils étaient très pressés de sanctionner un député qui a osé prendre ses distances avec la magouille, le népotisme, la malversation, l’ethnocentrisme, pour rejoindre la vérité qui est aujourd’hui incarnée véritablement par l’UFDG.

Ne peut-on pas parler de récidive de la majorité quand on sait qu’il y a juste quelques mois Dr Ousmane Kaba a également subi les « représailles » de la mouvance lorsqu’il est rentré en dissidence avec le Président Alpha Condé ?

 Véritablement c’est cette absence de réaction qui les amène à croire qu’ils peuvent se permettre de tout faire. Mais à l’époque, on avait aussi protesté, mais les principaux intéressés, Dr Ousmane Kaba en tête n’avait pas voulu mener la bataille juridique en saisissant notamment la Cour Constitutionnelle ou la Cour Suprême. A l’époque nous n’avions aucun intérêt dans l’affaire. Vous ne pouvez saisir une juridiction que lors que vous êtes directement intéressés. J’avais appelé Dr Kaba pour le rappeler que son droit venait d’être violé et qu’il avait la possibilité de saisir l’instance juridique nécessaire pour qu’il soit rétabli. Il n’avait pas voulu le faire. Du coup, comme vous l’avez si bien souligné, lorsqu’on pose des actes malhonnêtes et qu’il n’y ait pas de réactions, le bourreau continue d’agir de la même manière jusqu’à instaurer cela dans les coutumes et dans les habitudes. Mais cela ne reste pas moins que c’est une violation flagrante du règlement intérieur du parlement. Je pense que Monsieur Dembo, comme il l’a dit, va continuer à siéger dans le bureau de l’Assemblée. Si la mouvance ne veut pas de lui au siège, cela veut dire que demain, il n’est pas exclu que l’UFDG aussi nomme des gens dans le bureau du parlement au mépris de la Loi. Comme ça ce sera une scène de pagaille comme le souhaite Kory Kondiano.

N’est-ce pas là un mauvais départ de cette session extraordinaire au cours de laquelle le code électoral amandé devrait être adopté ?

Je pense que « oui » c’est un mauvais début. Mais le mauvais début a été posé dès les discours à l’ouverture de cette session extraordinaire où on a entendu deux sons de cloche opposés. Le premier c’est celui tenu par le représentant du Chef de l’Etat, le ministre en relation avec le parlement qui a tenu un discours rappelant l’exigence de se conformer aux conclusions du dialogue politique. De l’autre côté, le discours tenu par Kory Kondiano qui est un discours ambigu qui remettait en cause cette volonté affichée du représentant du Chef de l’Etat pour respecter la légalité.

Maintenant nous savons implicitement que la mouvance a désigné 22 membres de leur groupe parlementaire pour voter contre cette disposition du code électoral rejetant ainsi l’accord politique et replonger la Guinée dans une autre crise. C’est ce que nous apprenons aujourd’hui. La mouvance ne souhaite pas le faire malgré que ce compromis soit issu de la mouvance elle-même. On veut replonger la Guinée dans un retard électoral, et dans la crise politique. C’est ce que nous allons observer à l’issue de cette session extraordinaire à laquelle on n’attend rien du tout.

Voulez-vous dire que le code électoral ne sera  pas adopté cette-fois encore ?

Je suis formel, le code électoral ne sera pas adopté parce que simplement la mouvance ne souhaite pas qu’il soit adopté. Comme il ne le souhaite pas, elle va instrumentaliser un petit groupe de partis qui vont demander à ce que le vote soit secret. Dans le vote confidentiel, les députés désignés de la mouvance, 22 en l’occurrence, vont se joindre aux députés de l’UFR et à certains indépendants. Ils ont décidé de désigner le nombre de voix nécessaires pour empêcher l’adoption du code électoral. C’est ce qui va se passer. Actuellement la mouvance ne cherche qu’un échappatoire juste pour justifier le fait que l’exécutif ne s’est pas opposé, mais ce sont les parlementaires qui ont rejeté le code électoral. C’est un stratagème qui est en train d’être mis en œuvre. Nous savons pertinemment que la loi électorale telle qu’elle est présentée, telle qu’elle est voulue par le dialogue politique ne sera pas adoptée.

Comment comprenez-vous ce « revirement » du camp présidentiel ?

La mouvance était persuadée qu’en nous demandant de faire un compromis au dialogue en dehors du processus électoral qui est édicté dans la loi actuelle qu’on allait s’opposer à cela. Ils ont misé sur ça, ils ont perdu. Ils ont vu que l’opposition était prête à faire des compromis. Cela a déséquilibré leurs ambitions. C’est ainsi qu’ils ont définitivement décidé d’empêcher l’adoption du code. Ils utilisent donc, tous les subterfuges pour arriver à cette conclusion.

L’opinion semble un peu perdu d’autant plus qu’avant l’ouverture de cette session extraordinaire on disait qu’il y a eu des compromis, les positions ont bougé (…). Qu’est-ce qui a bien pu se passer entretemps pour arriver à ce statuquo?

Il n’y a pas eu de compromis, ni de négociations depuis la clôture de la session budgétaire. Il n’était pas possible d’avoir un autre compromis en dehors des conclusions du dialogue. Nous nous en tenons strictement aux conclusions du dialogue. On a vu à la fin, Damaro souhaiter le bouleversement du mode électoral guinéen en introduisant ce qu’il a appelé le système majoritaire. Nous avions rejeté cela. Cette position n’a pas varié. S’il y a une autre modification dans le code électoral en dehors des points cités par le dialogue politique, bien entendu, l’UFDG voterait contre.

Maintenant comme eux ils sont dans l’idée d’empêcher la Guinée d’en finir avec le cycle électoral, ils font toutes les manœuvres possibles pour retarder l’élection dans notre pays. Ce qui est clair, en dehors de l’adoption de ce code (consensuel), l’ancien code s’applique parfaitement. Dans ce code, il est dit que les chefs de quartiers doivent être élus. C’est ce qui est aussi intéressant pour l’opposition. Nous ne voulons pas le statuquo, nous avons cédé à ces compromis parce que nous voulons sortir de ces statuquos. Mais si le compromis n’aboutit à rien, les anciennes lois sont tout à fait en mesure de conduire la Guinée à des élections apaisées.

Le Gouvernement avait indiqué au cours du dialogue qu’il n’y a pas d’argent pour organiser l’élection dans les quartiers. Dans ces conditions ne risque-t-on pas de replonger encore dans les tristes mouvements de manifestations politiques ?

Alpha Condé que nous connaissons n’est pas un homme de compromis ou de dialogue. C’est un homme de rapport de force. Je pense que tous les guinéens ont fini par admettre cette idée. Il va falloir que l’opposition soit armée de courage pour pouvoir affronter la volonté d’Alpha Condé de se doter d’institutions démocratiques de base dans les quartiers, les communes etc. Il faut que le combat soit déterminent. Je suis persuadé que c’est dans la confrontation qu’on pourrait obtenir quelque chose d’Alpha Condé, ce n’est pas dans le compromis.

Depuis des années maintenant on va de report en report de ces élections locales. Les élections législatives sont prévues en 2018, deux ans après c’est la présidentielle. A l’allure où vont les choses, ne peut-on pas envisager un scenario à la Congolaise en Guinée où on arriverait à un moment où toutes les institutions seraient « illégales » ?

Il faut imaginer que c’est un souhait que certains expriment, au bas mot qu’Alpha Condé essaie d’amener les guinéens dans un système où toutes les institutions vont être illégitimes dans le pays pour pouvoir proroger sa présence à la tête de la Guinée. Mais je crois que c’est méconnaitre la détermination du peuple de Guinée et notre volonté en tant qu’opposant d’en finir avec ce système qu’il veut installer dans notre pays. A ce moment-là, il va falloir qu’il affronte notre détermination. C’est vrai que c’est une ambition que certains autour de lui nourrissent et lui-même d’ailleurs pour perdurer contrairement à la volonté du peuple de Guinée.

 

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel. : (00224) 655 311 112

Créé le 14 février 2017 13:38

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