Ousmane Gaoual Diallo : « pourquoi nous voulons destituer Alpha Condé… »
CONAKRY-La Guinée risque-t-elle de replonger dans une période d’incertitude ? Pourquoi certains députés de l’opposition veulent-t-il destituer le Président Alpha Condé ? De quels disposent-ils pour arriver à cette fin ? Faut-il craindre un basculement général ? L’honorable Ousmane Gaoual Diallo, député de l’union des forces démocratiques de Guinée justifie leur démarche. Dans cet entretien accordé à notre rédaction, le conseiller politique de Cellou Dalein dit tout ou presque. Lisez…
Africaguinee.com : Honorable Ousmane Gaoual Diallo bonjour ! Plusieurs députés du groupe parlementaire Libéral-démocrate ont introduit au Parlement une demande de mise en accusation du Chef de l’Etat aux fins d’aboutir à sa destitution. Pourquoi une telle démarche dans le contexte actuel ?
OUSMANE GAOUAL DIALLO : Parce que nous estimons qu’il en fait de trop ! Il n’arrive toujours à incarner le statut qui est le sien, c’est-à-dire le statut de Président de la République, Chef de l’Etat, il n’arrive pas à se mettre au-dessus. Manifestement le costume était trop gros pour Alpha Condé pour incarner le statut d’un Chef d’Etat. Il y a tellement de violation de la Constitution à son actif aujourd’hui qu’il n’y a pas d’autres moyens sinon qu’il soit traduit pour haute trahison parce qu’il trahi son serment et ses engagements qu’il a pris devant le peuple de Guinée. A savoir respecter et de faire respecter la Constitution.
Par quels moyens comptez-vous y arriver d’autant plus la demande n’aurait pas encore été acceptée au bureau de l’Assemblée Nationale, et mieux la Haute Cour de Justice censée jugée le Chef de l’Etat en cas de « parjures » n’existe pas ?
Pour l’instant disons qu’il y a plusieurs possibilités qui s’offrent aux parlementaires. La plus importante est la procédure légale que nous confère l’article 20 de la Constitution. Cette disposition donne la possibilité de le mettre en accusation par 1/10è des députés. C’est ce que nous avons fait. Cette accusation doit faire l’objet d’un débat puis d’un vote. Si le vote requiert les 2/3 des parlementaires, alors le Chef est convoqué et trainé devant la haute Cour de Justice. En ce moment-là, son mandat est suspendu jusqu’à la fin de son procès. L’intérim est assuré par un tiers. Nous estimons que l’Assemblée nationale n’a pas voulu jusqu’à présent convoquer ce texte, mais n’est pas rejeté.
Il y a d’autres manières d’obstruer ce processus qui est en cours. C’est celui du refus par le bureau de l’Assemblée et de la mouvance d’installer la haute Cour de Justice. Ces cas suffisent pour créer le doute sur la volonté du pouvoir de rendre justice au peuple de Guinée. Donc, aujourd’hui si cette procédure échouait, il n’y aura pas d’autres moyens que la rue. Et celle-ci, on ne peut malheureusement pas la censurer parce que la défiance qu’il y a en ce moment dans les rues de la Guinée ne le permettra pas. Et puis les populations auront été suffisamment sensibilisées pour comprendre qu’avec Alpha Condé c’est l’impunité qui est garantie à tous les étages et que ce n’est sous son règne que la Justice prendra pied dans la cité.
Donc, il faudrait que les populations guinéennes réalisent cela. Je pense qu’il n’y a pas une autre manière, c’est celle de l’insurrection, de la mobilisation populaire qui va définir en ce moment l’ordre institutionnel. Ce n’est pas la meilleure façon pour valoir la démocratie (…) il faut que les gardiens des Lois fassent en sorte que chacun puisse être justiciable devant les institutions judicaires.
Si votre démarche échoue à l’Assemblée Nationale vous affirmez que ce sera à la mobilisation populaire de définir l’ordre institutionnel. Ne craignez-vous des conséquences qui pourraient en résulter ?
On va assumer les conséquences quelles qu’elles soient. On va assumer les positions que nous allons prendre. Ce qui est clair aujourd’hui, il y a deux manières pour faire échouer la mise en accusation. La première est que l’accusation soit débattue en suivant la procédure normale, et que soit les parlementaires qui rejettent cette mise en accusation. Ce serait dans les formes quelque chose d’acceptable. Maintenant il y a une autre manière qu’ils envisagent. C’est celles de traiter par un mépris cette demande de mise en accusation et de ne pas accepter que la procédure parlementaire soit respectée. Si c’était le cas, en ce moment-là, le mépris serait non pas contre l’opposition, mais ce serait en direction des institutions. A partir de là, c’est eux qui seront à l’origine du fait qu’on va court-circuiter le processus légal pour utiliser d’autres voies admises par la Constitution que sont les manifestations pour faire aboutir à la destitution du Chef de l’Etat. C’est ça la réalité. S’ils veulent que le débat se fasse au Parlement, que le débat soit ouvert, s’ils veulent que ça se passe dans la rue, alors qu’ils nous empêchent de passer par le parlement. En ce moment-là on n’aura pas d’autres choix.
Ne craignez-vous pas un basculement général du pays ?
C’est quelque chose qui est à craindre aujourd’hui, mais encore une fois, ils ont tous les éléments, c’est à eux de choisir le type de compétitions qu’ils veulent. C’est soit une compétition légale qui passe par les institutions, soit c’est quelque chose de complètement imprévisible. En ce moment-là, c’est la rue qui décide. Ils ont les éléments, ils peuvent décider.
A cette allure, on a comme l’impression que vous suivez plusieurs lièvres à la fois. Est-ce qu’à la fin vous ne risqueriez pas de vous retrouver sans rien du tout ?
Il n’y a pas deux lièvres ni plusieurs fronts. Il y a un seul front celui de l’impossibilité pour Alpha Condé de respecter la Constitution et les Lois de la République. L’accord politique est un consensus impliquant tout le monde, la manifestation prochaine prévue à la fin du ramadan vise à contraindre le pouvoir à respecter ses engagements, la loi. Rappelez-vous que le refus d’organiser les élections à date fait partie des causes pour lesquelles on traduit le Chef de l’Etat pour haute trahison parce que la Constitution exige l’organisation des élections à date. Il faut que le Président s’astreigne à cela. Mais son refus d’appliquer les accords politiques constitue des éléments de preuve de cette haute trahison dont nous l’accusons.
Votre démarche n’est-elle pas en contradiction avec certaines de vos actions politiques quand on sait que Cellou Dalein Diallo s’est rapproché d’Alpha Condé qu’il conseille quelquefois ?
Rapprochement c’est trop dire ! Ce n’est pas parce que des gens dialoguent qu’ils se rapprochent. Rappelez-vous que depuis 60 ans, l’Israël et la Palestine dialoguent, mais ils ne se rapprochent pas. Donc, « oui » nous dialoguons avec Alpha mais on n’est pas du tout proche parce que la seule proximité possible entre nous, c’est dans le respect de la Loi et des Institutions de la République.
Comme nous voyons qu’il ne respecte ni les lois, ni les institutions, il n’y a pas de rapprochement possible entre nous. Cependant cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dialogue parce que les ennemis les plus irréductibles dialoguent toujours. Il faut que les gens comprennent cela. Nous ne mettons pas en cause quelque chose, nous voulons exiger que la loi soit respectée et que les institutions jouent leur rôle. C’est comme ça que marche une démocratie. Cette exigence-là ne remet rien en cause, au contraire, elle peut aboutir au renforcement de notre tissu démocratique.
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 5 juin 2017 16:28Nous vous proposons aussi
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