Ousmane Gaoual Diallo : « On hérite d’un système compliqué… »
CONAKRY- Dans la perspective de la célébration de l’an un du CNRD (comité national du rassemblement pour le développement), le Premier ministre par intérim, Bernard Gomou a invité, fin juillet, chaque ministre de préparer un bilan synthétique de son département.
Pour ce qui est du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire que peut-on retenir ? Quel était l’état des lieux à l’arrivée de Ousmane Gaoual Diallo à sa tête ? Quelles sont les actions menées jusque-là et celles en cours ?
Dans la troisième et dernière partie de l’interview que le Porte-parole du Gouvernement a bien voulu nous accorder, nous avons survolé avec lui toutes ces questions. Nous avons aussi abordé la coopération guinéo-malienne avec la perspective de construction d’un chemin de fer.
AFRICAGUINEE.COM : Le Premier ministre par intérim a demandé aux membres du Gouvernement de préparer leur bilan en prélude à la célébration de l’an un du CNRD. Que peut-on retenir en ce qui concerne le vôtre ?
OUSMANE GAOUAL DIALLO : Comme tous les départements, on hérite d'un système compliqué où on fait très peu référence à la loi. La loi dans le domaine du foncier était source de complication. L’écrasante majorité des terrains en Guinée, étaient presque vendue illégalement. Or, la loi dit que vous n'avez pas le droit d'acheter un terrain qui n'a pas de titre foncier. La loi va plus loin pour dire que cela est puni de 5 à 10 ans d'emprisonnement. C’est-à-dire, le fait d'acheter un terrain qui n'est pas titré. La même peine est valable aussi bien pour le vendeur que pour l'acheteur. Dans tout le pays, il n'y a que 100.000 titres fonciers dont 6000 à Conakry, 3000 à Labé, à peu près 15.000 à Kindia. Or, rien qu'à Conakry, il y a 700.000 parcelles. Ça veut dire que toutes ces parcelles sont vendues et achetées illégalement.
Vulgarisation des textes
Une des dispositions que nous avons prises, c'est de vulgariser les textes. Pourquoi le législateur a dit qu'il faut acheter un terrain titré ? C'est pour éviter les contentieux. Aujourd'hui, c'est très courant que vous achetez un terrain, et 5 ans voire 10 ans après, on vient vous dire que ce n'est pas pour vous, c'est pour l'Etat ou c'est pour X ou Y personne. C'est courant au point que 60% des contentieux dans les tribunaux sont du domaine foncier et domanial. Donc, on est en train de rappeler la loi et puis simplifier les procédures d’acquisition du titre foncier et les rendre plus transparentes, plus sécurisées. En plus, c’est mobilisateur de recettes pour l'Etat. D'où la digitalisation.
Patrimoine Bâti Public
Ensuite, l’autre question, c'est le patrimoine bâti public. Qu'est-ce qu'il faut en faire ? J'ai rappelé un jour qu'il y avait plus de 3000 bâtiments dans le patrimoine public rien qu'à Conakry. Aujourd'hui, on ne peut pas dénombrer plus de 300. Il s'agit de numériser là aussi. Nous avons commencé par reprendre l'historique de l'ensemble des baux existant. On n’a même pas 400. Ils sont éparpillés un peu partout. Personne n'a aucune référence, il n'y a pas de base de données, il n'y a pas d'archives. Il faut aller chercher au cas par cas, courir dans les tous les ministères pour rechercher les documents. Donc, on a créé une base des données digitalisée qui permet de sécuriser, de garder dans un même environnement pour connaître l'exhaustivité et pouvoir tracer les ressources que cela génère pour le compte du trésor public. Ce sont deux opérations qui sont passées.
Permis de construire
Ensuite, il y a les permis de construire. Aujourd’hui, on construit de façon très anarchique, n'importe où. Vous allez voir dans un quartier résidentiel, si vous prenez Lambanyi qui en est un, mais quelqu'un peut ériger un R+10 sans aucune norme. Souvent même sans aucun permis de construire. Les gens construisent des Tours sans aller chercher un permis de construire. Donc, il faut rappeler la pratique et les textes de loi. C'est un des chantiers les plus importants que nous sommes en train de faire. L'autre aspect, bien-sûr il faut continuer à accroître l'offre de logement par la mise à disposition des logements sociaux. En fin d'année, on devrait être autour de 600 à 700 logements ici. Et au mois d'avril-mai autour de 2500 logements qui vont être disponibles sur le marché par l'AGUIFIL. Et à côté, il faut rendre plus transparent les procédures de mise à disposition des terres pour répondre aux besoins des promoteurs immobiliers et aux besoins de la population. C'est ce que nous sommes en train de faire.
Réhabilitation des bâtiments administratifs…
A côté, il faut réhabiliter les bâtiments administratifs. Nous pensons aussi construire deux cités administratives pour pouvoir délocaliser les départements ministériels. Une dans la commune de Matoto et l'autre dans la commune de Ratoma et puis une partie des départements restera à Kaloum. Ça permettra de répartir mieux la circulation. Comme vous le savez, dans mon département, il y a encore de la voirie. C'est aussi l'autre segment que nous faisons. Actuellement, nous avons un contrat d'aménagement à Conakry et de bitumage. Je le dis parce que, quand on fait l'aménagement, on crée des rues. Ces rues-là relèvent du département de l'aménagement du territoire. C'est nous qui nous occupons dans les quartiers de faire des bitumages. C'est l'autre volet du département de l'Habitat. A côté de l'embellissement, vous voyez les éclairages publics, l'embellissement de la voirie. Nous allons aussi vulgariser le Code de la construction pour que quand on dit : dans cet endroit-là on ne doit pas aller à plus d'un R+2, que cela soit respecté pour qu'il y ait des normes. En plus de cela, il faut aussi mieux identifier les réserves foncières de l'Etat. Lorsqu'il y a une réserve de l'Etat, qu'on puisse matériellement l'identifier pour éviter les constructions et les répartitions anarchiques qui vont entrainer des déguerpissements. Il y a beaucoup de chantiers qui sont ouverts. Nous essayons aussi de profiter de la technologie en introduisant les cartes interactives qui permettront de localiser les chemins de la haute tension, les autoroutes projetées.
Disposez-vous des ressources humaines qualifiées pour relever tous ces défis ?
On a déjà nommé tous les inspecteurs régionaux qui sont sur place. Leurs adjoints vont suivre. On a nommé tous les directeurs préfectoraux. J'ai ici l'arrêté concernant les chefs de sections qui va suivre bientôt. Après suivront les préposés dans les communes rurales où on va avoir deux représentants au lieu de cinq. Mais on aura quand-même des gens qui vont être dans les commissions foncières pour permettre une meilleure organisation du foncier. Les directeurs préfectoraux ont pour principale mission de créer un plan d'aménagement dans leurs localités, dans les préfectures avec un plan d'aménagement digitalisé qui permettra de le rendre dans le plan foncier national.
On est en train de mettre en place un cadre de digitalisation du plan foncier avec tout le référencement. Toutes les parcelles qui sont disponibles seront associées à des identités. Aujourd'hui, vous avez les parcelles à Conakry vous ne savez pas c'est pour qui ? Même si elles n'ont pas de titres fonciers, il faut qu'on associe un domaine à son propriétaire dans une base de référencement. Ça permettra aussi de déployer des stations géodésiques pour pouvoir inclure dans un même plan national le cadastre. Comme ça, si vous attribuez une parcelle même à Panziazou, on sera capable de la mettre dans un plan d'aménagement. Demain quand il y a un problème, que les paramètres puissent être utilisés pour trouver le propriétaire. C'est un projet qui va commencer en début d'année prochaine et sur lequel il y a déjà des avancées assez importantes sur le financement.
Une forte délégation malienne a pris part au Conseil des Ministres le 04 août dernier où il a été question d’enrichir davantage les relations économiques entre les deux pays. On parle notamment de la construction d'un chemin de fer entre Conakry-Bamako. Comment ce gigantesque projet devrait-il se réaliser ?
Disons ce n'était pas l'objet de la visite de cette délégation malienne. Elle est venue ici pour remercier le peuple de Guinée, remercier le CNRD, le président de la transition pour le soutien que nous avons apporté au peuple malien pendant son bras de fer avec la CEDEAO. Ils ont rappelé que la Guinée n'a pas fermé ses frontières. Ce qui a permis aux Maliens de voyager, de recevoir aussi des marchandises et à tenir les effets de la crise dans quelle la CEDEAO voulait plonger le peuple malien. Ils sont venus pour nous remercier. En marge de ces remerciements, nous les avons invités à prendre part au conseil des ministres par la volonté du président de la transition. Et au cours de ces échanges-là, des projets qui sont déjà en cours d'examen depuis de très nombreux mois ont été renforcés. Il s'agit de faire un chemin de fer qui relie Conakry à Bamako. Au-delà de relier deux capitales, il permet de renforcer une certaine intégration économique des deux pays.
Comme vous le savez, le Mali est un pays enclavé, donc ça permet de renforcer ça et par ricochet de permettre aussi un bénéfice non négligeable quand on sait aujourd'hui le coût du transit malien par rapport à l'économie sénégalaise et ivoirienne. Si on arrivait à drainer ne serait-ce que 50% de cette marge là, ça serait quelque chose de conséquent pour l'économie guinéenne. Donc c'était un échange commercial et une volonté qui n'est pas que politique mais qui est très nettement économique aussi bien pour les Guinéens que pour les Maliens.
Accessoirement on a suivi ce projet nourri par la star malienne Salif Keita qui demande à ce que le projet de fédération des États soit matérialisé. Qu'est-ce que vous pensez d'une telle initiative ?
C'est une bonne initiative. Pour l'instant on n’est pas à ce niveau de discussions mais des citoyens sont libres aussi d'avoir des initiatives citoyennes. C'est bien.
C'est faisable à votre avis ?
La fédération des États n'est pas une volonté politique seulement. C'est d'abord une volonté des peuples et donc des populations. Quand la fédération du Mali a éclaté, c'est parce que c'était un choix des acteurs politiques et non celui des peuples. Ce qui a fait que ça a échoué. La CEDEAO aujourd'hui dans les faits, c'est une pratique des pays mais qui a du mal à s'institutionnaliser. Parce que, les pratiques traditionnelles dépassent de loin nos formalismes institutionnels qui encadrent la CEDEAO.
Fin !
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 18 août 2022 14:43Nous vous proposons aussi
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