Opposants écroués, Gouvernement, dialogue: Ce qu’Alpha Condé « doit faire », selon Bah Oury
CONAKRY-Favorable à un dialogue susceptible de favoriser une décrispation politique durable, l'opposant Bah Oury, interpelle le président Alpha Condé. Dans cet entretien, le président du parti Union des démocrates pour la renaissance de la Guinée (UDRG), diagnostique la situation politique en ce début d’année 2021. Bah Oury qui avait appelé le chef de l’État d’inaugurer l'an 2021 par la libération de tous les détenus politiques, prévient sur la fragilité du pays.
AFRICAGUINEE.COM : Selon vous quels les défis auxquels la Guinée fait face en ce début d'année 2021 ?
BAH OURY : Je commencerai par exprimer à tous nos compatriotes de l’intérieur et de l’extérieur nos vœux les meilleurs. Ceci dit, il faut que tout le monde soit conscient que la Guinée est d’une extrême fragilité suite à une accumulation de crises qui n’ont jamais été résorbées depuis l’indépendance de la Guinée. Ces trois dernières années ont été marquées par une volonté obstinée de remettre en cause le fondement constitutionnel de la Guinée pour obtenir un 3e mandat. Le prix a été excessivement lourd. La cohésion nationale en a été fortement ébranlée. Aujourd’hui, le pouvoir a obtenu, dans une certaine mesure, ce qu’il avait cherché tout en mettant en danger la stabilité de la Guinée et de la sous-région. En ce qui nous concerne, nous estimons qu’il n’est pas encore trop tard pour rectifier le tir en profondeur, remettre la Guinée sur les rails et permettre d’assurer une relative stabilité et de cohésion nationale. C’est en ce moment qu'on pourra régler les problèmes les plus criards, la pauvreté et l’insécurité globale.
Le pouvoir de M. Alpha Condé a, de ce point de vue, un challenge extrêmement important. Persister dans son obstination à se dire qu’ils ont le pouvoir en n’écoutant nulle personne qui a un avis différent, imbus d’une forme de légalité qu’ils se sont octroyés, c’est plonger de manière irrémédiable la Guinée dans le chaos. Il peut rectifier le tir et comprendre que ce qui est plus important, c’est de laisser la Guinée dans une évolution stable. A ce niveau, il peut trouver à notre niveau et au niveau des autres patriotes de la mouvance ou de l’opposition une oreille attentive et une attention particulière autour de la primauté de l’intérêt national pour arrimer la Guinée dans une évolution pacifique et démocratique.
Vous avez apporté votre soutien à la déclaration de Sidya Touré pour une concertation responsable avec l'ensemble des acteurs politiques. Or, le chef de l’État n’en a pas fait cas dans son discours de nouvel an. Est-ce rassurant ?
De toutes les façons, il a la responsabilité du devenir de la Guinée actuellement. Si ça tourne mal, ça sera sa responsabilité totale et entière. Si ça évolue bien quels que soient les initiateurs de la dynamique permettant de reprendre la voie de consensus, de concertation nationale responsable, il en tirera aussi les lauriers. A lui de savoir ce qu’il veut. S’il veut que la Guinée avance, il peut jouer sa partition. S’il refuse obstinément l’intérêt de la Guinée en mettant en avant son intérêt personnel c’est-à-dire l’ego en terme d’orgueil alors, il en assumera la totale responsabilité au regard de l’histoire et du monde.
On est à la veille d’une formation gouvernementale. Selon vous, une éventuelle ouverture à l’opposition devrait-elle concourir à cet idéal de concertation ?
Il y a deux variantes. La première consiste, avant de mettre en place un attelage gouvernemental, de privilégier dans un premier temps la constitution ou l’émergence d’un consensus national qui sera le fruit de la concertation de l’ensemble des forces vives y compris le pouvoir pour sortir de la crise par le haut. C’est ça notre préférence. Par contre, s’il veut montrer que c’est lui qui décide de tout, il va de soi qu’il choisirait une équipe gouvernementale qu’on jugera de par sa composition pour savoir est-ce que c’est une équipe dans l’ordre ancien des choses c’est-à-dire une vision répressive fermée, clanique, ethnocentrique, alors nous allons en tirer toutes les conséquences politiques pour le futur. Par contre, s’il choisit des hommes et des femmes reconnus pour leur intégrité et qui s’intéressent à ce que la Guinée soit arrimée à l’ordre international des choses c’est-à-dire renforcer les fondements de l’Etat de droit et aller dans le sens du droit, à ce moment-là, nous jugerons aussi sur pièce. Dans les prochains jours, nous saurons la nature de la gouvernance du 3e mandat d'Alpha Condé.
Vous aviez souhaité que le président inaugure l’an 2021 par la libération de tous les détenus politiques, ce qu’il n’a pas fait. Êtes-vous déçus ?
Je ne peux pas dire que je suis déçu. Je peux simplement dire qu’il a encore le choix et le temps de le faire. La question de la libération de l’ensemble des détenus politiques, la fermeture des frontières mettent notre économie totalement à terre avec tout ce que cela a de conséquences sur la vie sociale.
Cellou Dalein Diallo tout comme Sidya Touré et d'autres opposants ont été bloqués à l'aéroport. Comment l'expliquez-vous ?
Rappelez-vous que moi, j’ai pu voyager nettement avant les échéances électorales et le lendemain, j’ai eu la visite de bérets rouge à domicile. Je considère qu’il faut que la Guinée revienne sur les fondamentaux de l’Etat de droit. On ne peut gérer ce pays uniquement par des humeurs. Il faut que la réalité soit restaurée tant au niveau de la justice qu’au niveau des forces de défense et de sécurité. On sait ce qui s’est passé il y a quelques décennies et dont M. Alpha Condé lui a été condamné par contumace, empêché pendant des années de rentrer dans son pays, à lui de voir ce qu’il veut pour la Guinée : aller dans le passé ou dans le sens de la constitution d’un avenir meilleur pour les fils et filles de ce pays.
Abdoul Malk Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 3 janvier 2021 12:52Nous vous proposons aussi
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