« Mon corps, mon choix » : colère et mobilisation pour défendre le droit à l’avortement aux Etats-Unis

Des manifestants pour le droit à l'avortement se rendent à une manifestation devant la Cour suprême à la suite de sa décision d'annuler l'arrêt Roe v. Wade, qui protégeait jusqu'ici le droit à l'avortement par le gouvernement fédéral, à Washington, le vendredi 24 juin 2022. "AFP"

Des milliers de personnes ont manifesté à New York et à Boston, criant leur colère après l'enterrement du droit à l'avortement décidé par la Cour suprême des Etats-Unis. Cette décision marque un retour en arrière historique pour les droits des femmes. 


Arborant des foulards verts et brandissant des pancartes lors d'une marche entre deux places connues de Manhattan, une majorité de jeunes femmes ont exigé que leurs droits à pouvoir disposer de leurs corps soient rétablis et respectés.

"J'ai 50 ans, je suis tellement reconnaissante aux femmes plus âgées et je n'avais jamais imaginé devoir m'inquiéter de perdre un droit" fondamental, estime Wendy Erhardt, militante, trouvant la volte-face historique de la Cour suprême "scandaleuse". "C'est insensé ! On a reculé de 100 ans (…) C'est insensé qu'on doive continuer à se battre pour cela", s'insurge Brandy Michaud, une manifestante new-yorkaise.

Entre les banderoles improvisées et les slogans écrits à la hâte sur des cartons ou des feuilles de papier, la colère et l'impuissance de la jeune génération étaient nettement perceptibles entre Union Square et Washington Square, au cœur de Manhattan.

Andrew Reisman, lui aussi, est inquiet: "les droits des femmes sont des droits humains et cette décision est la première d'une longue liste qui va supprimer un à un chacun de nos droits", s'alarme-t-il en allusion aux craintes que la très conservatrice Cour suprême s'attaque aussi au mariage entre personnes de même sexe, voire à la contraception.

Cour suprême "la plus réactionnaire"

Présente à la manifestation, la gouverneure démocrate de l'Etat de New York Kathy Hochul, qui fut la première à dénoncer un "recul des droits de millions d'Américaines", a accusé la Cour suprême d'être la "plus réactionnaire, probablement, de l'histoire de notre nation".

"Nous allons contre-attaquer. Les droits sont garantis ici dans l'Etat de New York (…) C'est un sanctuaire" pour les femmes d'autres Etats conservateurs qui cherchent à se faire avorter, a martelé l'élue.

[Je convoque une session extraordinaire de la législature le jeudi 30 juin pour prendre des mesures en réponse à la décision de la Cour suprême sur le report dissimulé. Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la sécurité des New-Yorkais.]

Etat par état, le droit à l'avortement menacé

Les États dirigés par les démocrates comme New York, la Californie, l'Oregon et l'Etat de Washington se sont engagés à être des "sanctuaires" pour l'avortement. Kathy HocHul a annoncé le déblocage de 35 millions de dollars pour financer des soins de santé pour des IVG.

A Boston également, la grande ville historique de la Nouvelle-Angleterre, des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour défendre le droit à l'avortement.

Almadell Smith, 73 ans, a raconté sans ambages avoir "vécu l'époque où l'avortement était illégal, où les femmes devaient avorter illégalement et où les femmes mouraient d'avortements bâclés". "Soit elles tombaient enceintes et devaient abandonner leurs enfants dans un grand chagrin d'amour, soit leur petit ami était furieux et tentait de frapper à l'estomac et de tuer le bébé. C'était l'époque", témoigne la septuagénaire.

Des sanctuaires pour protéger les femmes

De New York à la Californie, dirigeants, médecins ou citoyennes promettent de se "battre" pour que leurs Etats démocrates soient des "sanctuaires" garantissant à des centaines de milliers de femmes chaque année le droit à un avortement légal et sûr.

Dans l'Etat de New York, quatrième du pays (20 millions d'habitants), classé à gauche en raison du poids de sa mégapole, politiques et professionnels de santé se préparaient depuis des semaines à l'enterrement du droit à l'interruption volontaire de grossesse. On s'attend maintenant à un afflux de patientes venant d'Etats conservateurs du sud et du centre du pays, dont certains ont immédiatement interdit l'avortement sur leur sol.

"Nous savons que les besoins vont grimper en flèche", déclare Sarah Moeller, professionnelle de santé de l'association Brigid Alliance, qui paie voyage, gîte et couvert et soutient financièrement des femmes de condition modeste devant pratiquer une IVG. Son association aide une centaine de femmes chaque mois. Selon elle, "des centaines de milliers de personnes supplémentaires vont devoir voyager hors de leurs Etats pour des soins de santé liés à un avortement".

Alice Mark, médecin et conseillère de la Fédération nationale pour l'avortement dans le Massachusetts se demande aussi "ce qui va arriver à tous ces gens des 26 Etats où l'avortement va être partiellement ou totalement interdit". Il y a à ce jour, selon elle, 300.000 IVG par an dans tous ces Etats conservateurs tels que la Louisiane, le Missouri ou l'Oklahoma. Comme au Massachusetts, même si son gouverneur est républicain et que l'avortement y coûte cher, la militante espère que "des Etats tels que l'Illinois" faciliteront l'accès à leurs cliniques en recrutant davantage de personnel et ouvriront la nuit et le week-end.

A l'autre bout de l'Amérique, les gouverneurs de trois Etats "progressistes" de la côte Ouest -Gavin Newsom en Californie, Kate Brown en Oregon et Jay Inslee pour l'Etat de Washington – se sont "engagés" dans un communiqué à "défendre l'accès aux soins de santé de contraception, y compris à l'avortement". Ils ont regretté que "dans plus de la moitié du pays — soit 33,6 millions de femmes (10% de la population américaine, ndlr) — l'avortement (soit) dorénavant illégal ou inaccessible".

Le 24 juin au soir, au moins sept Etats républicains et conservateurs avaient déjà interdit l'avortement: l'Alabama, l'Arkansas, le Kentucky, la Louisiane, le Missouri, l'Oklahoma et le Dakota du Sud.

AFP

Créé le 25 juin 2022 11:50

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