Mohamed Tall : « Alpha Condé doit se ressaisir et se méfier… »
CONAKRY- Comment empêcher un tripatouillage de la Constitution en Guinée ? Les députés de l’alliance des républicains vont-ils siéger malgré la fin de leur mandat ? Mohamed Tall, ce proche collaborateur de Sidya Touré s’est prêté à nos questions. L’ancien Ministre de l’Elevage a dans cette interview lancé un message au Président Alpha Condé avant de lever un coin du voile sur les relations entre son parti et l’Union des Forces Démocratiques de Guinée dirigée par Cellou Dalein Diallo.
AFRICAGUINEE.COM : La « collaboration » entre l’UFR et le pouvoir d’Alpha Condé n’a pas été bénéfique pour votre formation politique selon certains observateurs. Qu’est-ce qui n’a pas marché selon vous ?
MOHAMED TALL :la décision prise par la direction de l’UFR au lendemain de l’élection présidentielle de 2015 de se rapprocher du Pouvoir n’était pas forcément motivée par un gain politique ou financier pour l’UFR. La motivation principale, c’était d’apporter l’expérience du président Sidya pour essayer d’améliorer la Gouvernance en général, en initiant des projets structurant dans le domaine de l’agriculture notamment, qui impacteront la vie de nos compatriotes. L’expérience a été tentée mais les conseils que le président Sidya avaient donnés dans ce sens n’ont malheureusement pas été suivis. C’est dans cette mesure qu’on peut dire que la collaboration n’a pas été à la hauteur des attentes.
Avec le recul, êtes-vous animé d’un sentiment de regret par rapport à cette « collaboration » ?
Non, il n’y a pas de regret. L’engagement politique n’est pas pour soi-même, c’est pour les guinéens dans leur ensemble. Donc, nous avons estimé à la fin du premier mandat du président Alpha Condé qu’il fallait contribuer à l’amélioration de la gouvernance, aider le pouvoir en place à améliorer la gouvernance dans l’intérêt des guinéens. En plus de cela, apaiser la situation, créer des conditions favorables au travail et à la mise en œuvre de certains projets.
L’UFR traverse une zone de turbulence depuis un certain temps alors qu’on est à quelques mois des législatives. On va lu par exemple un tweet de Sidya Touré qui dénonce une tentative de débauchage des cadres de son parti par Alpha Condé. Qu’est-ce qui se passe réellement ?
Je pense qu’on en fait un peu trop sur l’UFR. Ça prouve bien que le parti est bien assis. Il n’y a pas de zone de turbulence. Nous sommes sereins. Il y a des medias qui ont évoqué les cas d’un certain nombre de personnes qui seraient approchés par le Pouvoir. C’est de bonne guerre. Au sein de l’UFR il y a beaucoup de personnes de qualité. Dans le cadre du combat politique, il n’y a rien de surprenant que ces personnes soient approchées. Il faut observer le comportement des gens qu’on suspecte dans les médias. Je profite de l’occasion pour rappeler les médias à l’ordre. Il ne faut jeter l’opprobre facilement sur des gens, Il faut attendre d’avoir des éléments concrets. En ce qui concerne l’UFR, sur les questions essentielles, je crois qu’il n’y a pas de problème de fond. Tout le monde suit la ligne directrice du parti.
D’ailleurs la présidente des femmes qui avait été à tort suspectée aussi d’avoir des accointances avec le pouvoir est montée au créneau. Il faut qu’on arrête de monter artificiellement une affaire autour de l’UFR. Aujourd’hui toutes les structures du parti fonctionnent, les décisions sont approuvées par l’ensemble des structures, nous enregistrons des adhésions tous les jours. Avec ça on ne peut pas dire que nous traversons une zone de turbulence. Il n’en est rien du tout. Les jeunes qui se sont agités au siège la dernière fois, personnellement, je ne les connais pas comme étant membres des structures du parti. Au sein des structures, la discipline est observée. Cette agitation fait aussi partie du jeu politique. Ce n’est pas spécifique à l’UFR.
L’éviction de Baidy Aribot de son poste de Secrétaire exécutif passe mal chez certains militants. Que comptez-vous faire pour calmer les nerfs ?
Ce que vous dites est justement ce que la presse est en train de faire. Sinon honnêtement, il n’y a pas d’affaire Baidy qui était jusqu’à tout récemment le secrétaire exécutif du parti. Avant la prise de décision, des émissaires du parti dûment mandatés par le président du parti sont allés rencontrer Baidy, ils ont échangé. Apparemment Baidy a donné son accord d’être déchargé de sa responsabilité au sein du parti à ce niveau-là. Il a demandé à rester membre du bureau exécutif du parti. A partir de là, il n’y a vraiment pas d’affaires du tout. Et comme je l’ai tantôt dit, les structures de l’UFR ne contestent pas du tout cette décision du parti.
L’opinion se demande toujours quelle est la position de l’UFR au sujet du mandat des députés qui est arrivé à expiration. Vos députés vont-ils siéger ?
La première chose d’abord, il faut déplorer le fait que dans notre pays, on ne respecte pas le calendrier électoral. C’est regrettable parce que ça porte atteinte au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il faut qu’on s’habitue à respecter le calendrier électoral. Cela est très important pour la vie démocratique.
En ce qui concerne le cas des députés à l’assemblée, nous sommes en concertation avec d’autres groupes présents à l’Assemblée, notamment l’UFDG, pour dégager une position commune. C’est une question délicate qui nécessité une concertation qui est en cours. Sous peu de temps, la décision va être rendue publique. Ce n’est pas une question simple. J’espère qu’il y aura une position consensuelle là-dessus.
Comment l’UFR prépare les prochaines consultations électorales ?
Depuis quelques mois, nous avons engagé un processus de restructuration du parti qui vise à rendre plus opérationnelles nos structures, à rapprocher les responsables avec les militants à la base. La finalité, c’est de nous permettre de mieux cerner le processus électoral en partant de la connaissance de nos électeurs. Leur inscription sur le fichier électoral, le retrait des cartes électeurs, etc. Cette restructuration vise à mieux contrôler l’ensemble du processus. Nous sommes assez avancés. Ensuite il se posera la question liée au dispositif à mettre en place. La CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) qui doit être opérationnelle, un chronogramme doit être fait, le fichier doit être révisé. Voilà autant de choses qu’il va falloir préparer en dehors même de l’UFR avant d’aller aux élections. Mais par rapport à ces questions, on a l’impression que le pouvoir traine les pas.
Après deux échecs aux présidentielles, qu'est-ce que Sidya Touré va proposer aux guinéens pour assurer sa victoire en 2020 ?
Je ne sais si c’est le terme approprié. Peut-être que si les élections se déroulaient en Guinée dans la transparence, on aurait eu une toute autre situation. Aujourd’hui plus que jamais, les problèmes auxquels les guinéens sont confrontés sont les mêmes. Ils se sont aggravés à certains niveaux. Il s’agit de la sécurité, d’emplois, l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau, les moyens de communication à travers les infrastructures, le renforcement du tissu social.
Pour toutes ces raisons, je pense que les guinéens sont de plus en plus conscients que l’homme de la situation, celui qui peut résoudre tout ça, c’est le président Sidya Touré. Je le dis non pas parce que c’est mon patron. Quand vous voyez son parcours professionnel, vous vous rendrez compte qu’il a évolué dans tous les secteurs clefs d’un pays en développement. Pour toutes ces raisons, je pense que c’est l’homme de la situation. Cette confiance s’installe chez nos compatriotes. C’est pour cela je pense qu’en 2020, après avoir tiré les leçons des deux dernières élections, les guinéens ne se tromperont pas de choix.
Selon vous comment les forces vives devraient-elles s'organiser pour éviter le tripatouillage de la Constitution ?
Honnêtement, cette question concerne tous les guinéens. C’est une question de survie pour le pays. Je pensais qu’on avait dépassé ce stade. Je pensais que notre évolution démocratique avait atteint un seuil où on ne pouvait plus parler de certaines choses. Aujourd’hui il y a des velléités qui s’affirment de plus en plus. Je tiens à mettre en garde ceux qui alimentent cela, Ils prennent des risques majeurs pour le pays. Ils travaillent à ce que la Guinée connaisse une crise majeure. Je les invite à se ressaisir.
Personnellement, je pense qu’ils ne sont pas en train de rendre service au Président Alpha Condé. C’est quelqu’un qui se bat depuis plusieurs décennies. Par la grâce de Dieu, ça été couronné de succès en 2010, il a été élu. Il aura 83 ans en 2020. Je pense qu’il doit se méfier de ceux qui veulent l’entrainer sur ce terrain. Il n’a qu’à penser à comment sortir avec les honneurs, avec le respect. Je le dis en toute sincérité. Si aujourd’hui j’étais son fils biologique, je n’allais pas lui dire autre chose. Il faut qu’il se ressaisisse, qu’il fasse attention aux thuriféraires qui l’entourent, qui lui font croire tous les jours qu’on va applaudir ce projet-là. NON, ils sont en train de l’induire en erreur. Il faut vraiment qu’il en prenne conscience.
Quels sont vos rapports avec Cellou Dalein Diallo que vous avez mis à l’écart dans la création de la Coalition de l’Opposition Démocratique ?
On a été très clair dans notre charte. On a dit que lorsqu’on appartient à la Convergence de l’opposition démocratique, ça veut dire qu’on ne peut plus appartenir à une autre coalition. La COD trace une nouvelle voie, on se démarque à la fois de la mouvance et de l’opposition républicaine. Nous avons décidé de tracer un autre chemin qui permettra de fédérer les guinéens. Tant qu’on aura pas réglé ce problème-là, il sera vain de parler de quoique ce soit.
L'opposition évolue de manière disparate. Ne pensez-vous pas que cette division est à l'avantage du pouvoir ?
Ce n’est pas parce que tout le monde se trouve pas dans la même coalition que les groupes sont opposés. Nous sommes de l’opposition. Sur les questions essentielles qui engagent l’avenir du pays, il n’est pas exclu du tout qu’on se retrouve et qu’on se donne la main dans l’intérêt supérieur de la Nation. C’est de ça qu’il s’agit.
Interview réalisée par Boubacar 1 Diallo
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 655 31 11 12
Créé le 1 mars 2019 17:15Nous vous proposons aussi
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