Massacre de 2009 : Les révélations de Elise Keppler sur la disparition des corps…
CONAKRY-Les résultats des travaux d’enquête menés par Human Rights Watch ajoutés à ceux des nations-unies ont permis de jeter la lumière sur l’ampleur du massacre du 28 septembre 2009. Alors qu’une seconde étape du procès des auteurs présumés de ces atrocités vient de s’ouvrir au tribunal criminel de Dixinn, avec l’audition des parties civiles, votre quotidien en ligne a interrogé madame, Elise Keppler, Directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch.
Dans cette interview, elle lève un coin du voile sur la façon dont des membres de la garde présidentielle au moment des faits ont agi pour dissimuler volontairement les crimes commis. Elle parle également de ses attentes sur ce procès. Human Rights Watch est-elle prête à témoigner si elle est sollicitée pour la manifestation de la vérité ? La Directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch répond sans ambages.
AFRICAGUINEE.COM : Human Rights Watch a beaucoup travaillé sur le massacre du 28 septembre 2009. 13 ans après les atrocités, un procès s’est ouvert à Conakry. Comment observez-vous le déroulement de ces audiences criminelles ouvertes le 28 septembre 2022 ?
ÉLISE KEPPLER : La tenue de ce procès est une étape décisive pour faire avancer la justice. Les victimes attendent depuis plus de dix ans que les responsables du massacre du stade commis en Guinée en 2009 soient amenés à rendre des comptes. Pour être un succès, le procès devra se dérouler et se conclure dans le respect des droits des accusés, de la participation des victimes, de la sécurité des victimes, des témoins, des juges et des avocats, et de l’indépendance de la procédure envers toute ingérence.
Les résultats des travaux d’enquête menés par Human Rights Watch est souvent sont souvent cités par certaines parties au procès. Seriez-vous prêts à témoigner si jamais on vous sollicite pour la manifestation de la vérité ?
Nous nous efforçons, dans la mesure du possible, de soutenir des enquêtes et poursuites pénales équitables et efficaces sur les atrocités commises, afin que les auteurs soient tenus responsables et que les victimes aient accès à des réparations. Les efforts que nous déployons pour contribuer à la résolution des affaires criminelles doivent également se faire de manière à préserver notre capacité à mener notre travail de fond, qui consiste à documenter les violations des droits humains. Ce qui inclut la question de la sécurité de notre personnel. Nous traitons toute demande de coopération dans le cadre de procédures judiciaires en fonction de ces critères.
Il semble que HRW dispose des informations sur l’enfouissement des corps de nombreuses victimes (environs une centaine) dans des charniers. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Nos conclusions relatives aux tombes associées au massacre du stade de 2009 sont présentées aux pages 74-81 de notre rapport : Un lundi sanglant : Le massacre et les viols commis par les forces de sécurité en Guinée le 28 septembre | HRW (chapitre VI. Dissimulation du massacre par le gouvernement). En résumé, Human Rights Watch a recueilli des preuves solides, notamment de témoins oculaires provenant de sources militaires confidentielles et de membres du personnel médical, selon lesquelles les forces armées ont systématiquement tenté de dissimuler les preuves de leurs crimes et de donner une fausse idée du nombre de personnes tuées lors des événements du 28 septembre. Immédiatement après le massacre, des membres de la Garde présidentielle ont interdit l’accès au stade au personnel médical et, au cours des heures suivantes, ont sorti des corps du périmètre du stade dans des camions militaires.
Dans les 24 heures qui ont suivi les violences dans le stade, la Garde présidentielle a également pris le contrôle des deux principales morgues de Conakry, celles des hôpitaux Donka et Ignace Deen, et a emmené les corps pour les enterrer dans différents lieux, certains connus et d’autres inconnus. Human Rights Watch s’est entretenu avec les familles de plus de 50 personnes dont on sait qu’elles sont mortes lors du massacre du 28 septembre. Dans plus de la moitié des cas, le corps de la personne décédée n’avait jamais été retrouvé, et était supposé avoir été enlevé par les soldats directement du stade ou des morgues des hôpitaux. Human Rights Watch s’est entretenu avec une source qui a vu 65 corps au camp militaire Almamy Samory Touré de Conakry. Des corps qui ont ensuite été emmenés au milieu de la nuit, prétendument pour être enterrés dans une fosse commune. Une autre source a décrit avoir vu des soldats de la Garde présidentielle enlever des corps de l’hôpital Donka aux premières heures du matin le 29 septembre et les enterrer dans deux fosses communes dans et autour de Conakry.
Quelle lecture faites-vous du rythme auquel ce procès avance ?
Nous constatons que le procès s’est déroulé par sessions régulières, avec généralement trois séances par semaine. Il est encourageant de voir que le procès avance à un bon rythme, que les accusés ont été interrogés et que ce sont les victimes qui se présentent désormais à la barre.
Par ailleurs, les accusés qui ont comparu ont tous adopté une logique de déni manifeste vis-à-vis des crimes commis. Selon vous, qu’est-ce qui pourrait aider la justice guinéenne à révéler la vérité et à faire en sorte que les coupables soient punis ?
Le procès est une occasion pour les juges d’examiner les preuves et de déterminer si la culpabilité des accusés, quels qu’ils soient, est établie. Cela implique d’examiner les éléments fournis par l’accusé, et ceux fournis par les victimes, les témoins, ainsi que d’autres preuves qui pourraient exister, comme des photos, des vidéos ou des charniers.
A suivre…
Interview réalisée par Dansa Camara DC
Pour Africaguinee.com
Créé le 20 février 2023 02:46Nous vous proposons aussi
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