Mariée à un imam, une guinéenne menacée d’expulsion en Belgique
Louabatou n’avait que 15 ans quand elle a dû fuir, s’exiler de la Guinée qui l’a vue naître. Son père, imam, venait de la marier de force à un autre imam âgé d’une soixantaine d’années. Mais grâce à l’aide de son frère, l’adolescente de l’époque a pu s’arracher à cette union marquée par la violence et les sévices et trouver refuge en Belgique.
Après quelques pérégrinations, elle est accueillie et soutenue par le CPAS de Frameries, et c’est aussi à Frameries, à l’Institut du Sacré-Cœur, qu’elle boucle ses études secondaires. Mais arrive alors la majorité et la nécessité d’obtenir le statut de réfugiée. Tout en entamant des études supérieures à la Faculté Warocqué d’économie et de gestion de l’UMons, elle introduit une demande de reconnaissance, qui est refusée à deux reprises. Elle est donc accueillie au sein d’une famille montoise, chez Pierre Gillis, un professeur de l’UMons à la retraite, et Myriam Van Sinoy. « Son statut de réfugiée lui ayant été refusé, le CPAS de Frameries ne touchait plus d’indemnités de Fedasil. Louabatou s’est donc rendue au service social de l’UMons. Comme mon mari s’occupe depuis de nombreuses années de l’intégration de réfugiés, ce service l’a sollicité. Ils lui ont parlé de la situation délicate que vivait cette étudiante. Alors, on a dit : on a une grande maison, elle peut venir chez nous ! » confie Myriam Van Sinoy. « Elle vit donc avec nous depuis un an. Elle nous considère vraiment comme sa famille. »
Aujourd’hui cependant, le couple tire la sonnette d’alarme. Louabatou a vu sa demande de reconnaissance refusée pour la troisième fois. Et alors qu’elle était à l’office des étrangers, le jeudi 6 octobre, elle a été arrêtée. Elle est depuis détenue au centre fermé de Steenokkerzeel. Elle a été informée que sa demande de révision de la décision la concernant a été jugée irrecevable, non fondée.
Le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA) estime en effet que le récit raconté par Louabatou sur sa vie en Guinée manque de crédibilité. Le caractère forcé de son mariage a été remis en doute et des incohérences ont été pointées. Myriam Van Sinoy estime l’attitude du CGRA absurde. « Comme elle est la fille d’un wahabite, on lui a demandé de décrire ce qui distingue le wahabisme des autres mouvances, et on lui reproche de ne pas avoir donné d’éléments précis. Mais elle avait 15 ans à l’époque ! Elle était bien incapable de répondre. »
Son avocat a introduit un recours, sur base d’un article lié à la déclaration des droits de l’Homme. Parmi les arguments qu’il va mettre en avant, il y a aussi la bonne intégration de Louabatou en Belgique. « C’est une jeune femme très sociable et spontanée. Tous ses amis sont ici. Son souhait est de vivre et de travailler en Belgique. Ça serait un gâchis énorme de la renvoyer. Elle a des choses à apporter à notre pays, » précise Myriam Van Snoy.
Myriam et Pierre rendent autant qu’ils le peuvent visite à Louabatou au centre fermé et l’appellent chaque jour. Louabatou envisage la date du 27 octobre avec angoisse. Passée cette date, elle risque à tout moment d’être renvoyée en Guinée. Un retour au pays synonyme de nouvelles violences et d’une probable nouvelle excision. « Louabatou a très peur de retourner là-bas. Elle redoute la réaction de son père mais aussi celui avec qui elle a été mariée. Il a trouvé qu’elle n’avait pas été bien excisée quand elle était enfant. Elle n’aurait pas assez saigné lors du viol commis après le mariage forcé. Il réclame donc une nouvelle excision. »
Gageons pour Louabatou que le cri du cœur de ces Montois sera entendu.
Source: laprovence.be
Créé le 22 octobre 2016 00:38Nous vous proposons aussi
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