Marie Arena, eurodéputée : « je suis favorable à des sanctions ciblées qui visent des autorités guinéennes… »

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BRUXELLES- L’Union Européenne va t-elle prendre des sanctions contre certains dignitaires du pouvoir de Conakry ? La Présidente de la sous-commission Droits de l’Homme au Parlement européen n’exclue pas cette possibilité pour contraindre Alpha Condé et son Gouvernement à renoncer au projet de référendum constitutionnel. 


Marie Arena dénonce les nombreuses exactions contre des citoyens en Guinée. Dans cette interview, cette femme politique belge et membre du parti socialiste a adressé un message fort aux autorités de Conakry. C’est une exclusivité Africaguinee.com !

 

 

AFRICAGUINEE.COM : Qu’est-ce qui a motivé la prise d’une résolution sur la situation qui prévaut en Guinée ?

MARIE ARENA : Vous savez que la Guinée est un partenaire de l’Europe pour plusieurs raisons dont l’une, c’est en ce qui concerne l’aide au développement. La Guinée fait partie aussi de l’accord de Cotonou dans lequel nous avons des liens particuliers. Ce sont des liens politiques, économiques, qui nous amènent à travailler ensemble sur un certain nombre de domaines. C’est par exemple la question de la gouvernance et de la démocratie. Donc la situation qui est vécue aujourd’hui en Guinée, particulièrement dans le cadre de l’organisation électorale et de la modification de la constitution par référendum qui est prévue pour mars, on voit qu’il y a des tensions qui montent actuellement en Guinée. On voit que le peuple guinéen exprime sa volonté d’avoir des élections libres, transparentes, d’aller vers l’alternance. On voit  que manifestement monsieur Alpha Condé n’est pas dans cet état d’esprit. Donc, l’instabilité et la violence s’installent en Guinée. 

Moi je suis la Présidente de la sous-commission Droits de l’Homme. On voit qu’en ce que la question des opposants politiques est vraiment cruciale, la liberté d’expression en Guinée, on voit que les emprisonnements et le maintien de l’ordre se font par la violence et la répression. Donc, nous avons voulu au niveau du Parlement européen donner un message politique clair à la fois au niveau du Gouvernement de Guinée et à monsieur Alpha Condé, en disant que la procédure qu’il a mise en place par rapport au référendum et par rapport aux élections ne satisfait pas la population en Guinée. C’est pourquoi, il est nécessaire de rentrer dans un dialogue avec à la fois les opposants mais aussi, je dirais, favoriser la liberté d’expression en Guinée, la liberté de manifestation. Il y a des personnes qui ont été assassinées pendant les manifestations. Nous avons voulu aussi envoyer un message  vis-à-vis du conseil européen. On sait qu’un certain nombre des pays ont des relations bilatérales avec la Guinée. Pour nous il était important que le Parlement européen donne une voix unique par rapport à ces pays qui ont des relations bilatérales avec la Guinée. Et enfin aussi un message aux représentants des actions extérieures européennes, monsieur Borel, pour que dans sa relation avec le Gouvernement guinéen, il puisse mettre à l’ordre du jour cette question de la gouvernance, de la démocratie et de la liberté d’expression et de la protection des opposants politiques.

Dans votre résolution, vous avez également demandé à Monsieur Alpha Condé de renoncer à son projet de référendum constitutionnel. Est-ce ça la solution selon vous ? 

Je pense qu’il y a une chose qui est très claire : le Parlement européen ne peut pas faire d’ingérence vis-à-vis de la Guinée. Donc, c’est le peuple guinéen qui doit exprimer sa volonté d’avoir des élections et d’avoir une alternance. Alors c’est vrai que tout pays peut par modification de la constitution acceptée par la population, aller vers la possibilité d’un troisième mandat. Ce n’est pas à nous à juger cela. La seule chose que nous disons, c’est que cela doit se faire en toute transparence, en respectant la volonté du peuple mais aussi en respectant je dirais les conditions de l’organisation des élections libres, ouvertes et transparentes. Ce qui manifestement ne semble pas être le cas dans la mesure où les manifestants sont tués quand ils manifestent. Plusieurs personnes ont été tuées en Guinée suite à des manifestations, les opposants politiques se retrouvent en prison et la liberté de la presse n’est pas garantie. Donc, ce n’est pas par ces processus, qui sont des processus de répression que l’on fait adhérer le peuple à une volonté démocratique. Et c’est cela que nous condamnons. Ce n’est pas le fait qu’à un moment donné, un chef d’Etat puisse vouloir se maintenir sa position dans un pays. Ça, ce sont les guinéens qui doivent le décider. Mais c’est le processus qui a été mis en place par monsieur Alpha Condé qui aujourd’hui engendre une instabilité en Guinée. 

Vous avez aussi demandé au Président Condé de respecter l’article 27 de la Constitution qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Est-ce que c’était opportun de le faire alors que le Chef de l’Etat guinéen n’a jamais dit ouvertement qu’il souhaiterait briguer un 3ème mandat ? 

Tout à fait. La constitution actuelle en Guinée demande que ce soit deux mandats. Et s’il y avait eu une volonté, je dirai adoptée par le peuple de modifier la constitution, cela devrait se faire de manière beaucoup plus transparente avec un vrai dialogue avec la population. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous écoutons la population guinéenne en tant que représentants de l’Union Européenne, nous sommes inquiets par rapport à la population guinéenne qui aujourd’hui ne semble pas être écoutée par ses autorités. 

Quelle lecture faites-vous de la décision du gouvernement guinéen de coupler les élections législatives boycottées par l’opposition au référendum ?

Je pense justement qu’il y a là une manipulation de la part d’Alpha Condé pour obtenir effectivement son 3ème mandat. Il y a une vraie manipulation des guinéens pour pouvoir lui garantir le 3ème mandat et ce qui est aujourd’hui quelque chose qui n’est pas acceptable. Mais ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les guinéens eux-mêmes qui manifestent aujourd’hui et qui parfois ne manifestent plus parce qu’ils ont peur aujourd’hui. Je disais aujourd’hui dans mon discours au Parlement européen que les guinéens ont la peur au ventre et je trouve que ce pays qui a été l’un des premiers à s’inscrire dans les pas de la démocratie est aujourd’hui en train de faire marche arrière. Ce qui est dommage ! Et ce que j’ai dit aussi pour monsieur Alpha Condé qui était je dirai l’espoir de cette démocratie en Guinée, qui aujourd’hui finalement semble avoir oublié pourquoi il a été là et d’où il vient. Donc, j’en appelle à la raison d’Alpha Condé par rapport à l’avenir de son pays.

Mais le Président Alpha Condé a déjà prévenu qu’il n’accepterait pas l’ingérence dans les affaires intérieures de son pays…

Il ne s’agit pas d’ingérence. Vous savez nous sommes partenaires et donc quand on est partenaires on signe une forme de contrat. La Guinée fait partie de l’accord de Cotonou et dans l’accord de Cotonou la question de la gouvernance, la question de la démocratie, la question de la liberté d’expression, la question du droit des peuples sont inscrites.  Et c’est la Guinée qui l’a signé, la Guinée n’a pas signé par force, la Guinée adhère à ces valeurs. Si la Guinée adhère à ces valeurs et bien dans le cadre de nos relations avec la Guinée il est important qu’on rappelle ces valeurs qui ont été défendues par Alpha Condé à un moment, et qui aujourd’hui semble être oubliées. 

Que comptez-vous faire si Monsieur Alpha Condé et son Gouvernement ne respectent pas le contenu de cette résolution ? 

je pense qu’il sera nécessaire de revoir notre relation avec la Guinée si effectivement monsieur Alpha Condé ne respectait pas les principes qui sont dans la convention et dans l’accord de Cotonou. A un moment donné, si une des parties ne respecte pas ce qu’on a signé on devra revoir les relations qu’on a avec ce pays. Comme par exemple on a pu le faire avec d’autres pays. Il y a des volontés d’avoir des sanctions ciblées par rapport aux auteurs des violences et je pense que c’est important de pouvoir dire clairement les choses : on est partenaires mais quand on est partenaires, chacun doit respecter le contrat sur lequel nous sommes. Aujourd’hui si monsieur Alpha Condé confirme le fait qu’il continue par l’abus des forces de l’ordre à réprimer voir à tuer les populations qui manifestent, et bien on va revoir notre relation avec la Guinée. 

Donc l’aide au développement pourrait être remise en cause ?

Je  suis très sensible à la question de l’aide au développement parce que l’aide au développement aide les guinéens. Et je ne veux pas donner une double peine aux guinéens qui d’une part sont pénalisés par un Gouvernement qui ne les respecte pas, et d’autres part être pénalisés par l’Europe qui n’aiderait plus la Guinée. Donc je ne suis pas favorable au retrait de l’aide au développement. Par contre, je suis favorable à des mesures de sanctions ciblées qui visent des autorités guinéennes qui ne respectent pas les droits de l’Homme dans leur pays, ou bien des gels des avoirs de certaines personnes qui sont aujourd’hui auteurs des violences dans le pays. 

Quel appel lanceriez-vous à l’endroit de la France par exemple ? 

Nous disons premièrement que c’est surtout les pays de la CEDEAO qui doivent aussi prendre en considération ce qui se passe aujourd’hui en Guinée.

 

Interview réalisée par Boubacar 1 Diallo

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 12

Créé le 16 février 2020 15:46

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