Mamadou Sylla révèle : « Ce qui était prévu après la capture d’Alpha Condé au Palais… »
CONAKRY-Elhadj Mamadou Sylla vient de faire de nouvelles révélations sur le coup d’Etat du 05 sept.-21. Très introduit, l’opposant qui s’est confié à Africaguinee.com, a levé un coin du voile l’une des coulisses de la chute d’Alpha Condé. Dans cette interview, l’ancien chef de file de l’opposition révèle que le président déchu « refuse » de démissionner. Le leader du parti Union démocratique de Guinée (UDG) signale qu’après l’arrestation de l’ancien Chef d’Etat, les putschistes l’ont emmené à la RTG, afin qu’il annonce sa « démission » à la télé. Mais une fois arrivée sur place, le président renversé, aurait simulé une crise. Entretien exclusif.
AFRICAGUINEE.COM : Avez-vous été surpris par ce coup d’Etat qui a précipité la fin du régime d’Alpha Condé ?
MAMADOU SYLLA : Non pas du tout ! Moi j’avais dit qu’il y avait deux options. J’y veillais de très près. Soit, avec son âge, Dieu allait le rappeler dans l’exercice de son pouvoir. Je pense qu’il ne voulait pas être jugé (…), il avait dit aux gens que les deux précédents présidents de Guinée, sont morts au pouvoir et pourquoi pas lui. C’est cet esprit qu’il a. J’avais dit que c’est soi Dieu qui allait libérer le pays avec une mort naturelle ou un coup d’Etat. De toutes les façons ces deux options étaient obligatoires. Les guinéens étaient vraiment à bout de souffle et les choses devenaient de plus en plus dures, mais lui il promettait que ça allait encore devenir plus dur. Si Dieu nous délivré de ça, on ne peut que le remercier.
Aujourd’hui il est entre les mains des nouvelles autorités du pays. La CEDEAO qui a séjourné récemment en Guinée avait fait de sa libération une de leur priorité. Selon vous quel sort doit-on lui réserver ?
En tant qu’humain, je pense qu’on doit le (Alpha Condé, Ndlr) libérer. Mais le laisser sortir du pays, je ne suis pas pour cela. Et heureusement tout ce que je dis aujourd’hui, aucun guinéen ne dira que j’ai retourné ma veste. Souvent votre site m’a interviewé, et tout ce que l’ancien chef d’État faisait je le dénonçais. Étant très proche du président Lansana Conté, je sais comment on a géré les incursions rebelles en 2000.
Quand Alpha Condé est arrivé au pouvoir on en a parlé et il m’a dit un jour, comme Lansana Conté ne voulait pas partir par les urnes, lui, il voulait le faire partir par les armes. Il y a eu des gens qui ont d’ailleurs déclaré à son siège qu’ils ont fait partie de la rébellion et que leur chef était le professeur Alpha Condé. C’est cette rébellion qui avait tué le colonel Panival Sama Bangoura. C’est pourquoi j’ai peur qu’on ne laisse partir libre hors du pays. Il a l’argent, il a assez des relations. Donc je crains qu’il ne déstabilise le pays à nouveau. C’est clair et net.
Je puis dire que toutes les factures que j’ai eu à émettre quand je fournissais l’armée en matériels pendant cette incursion rebelle, il m’avait reproché en disant que je les ai empêchés de venir. C’est tout ce qui fait qu’il n’avait pas payé la facture des matériels que j’avais livré à l’armée. Tout ceci pour vous dire que je suis un témoin oculaire dans cette affaire-là. Je crains qu’il ne reprenne cela quand il sera libre et à l’extérieur du pays. Il faut le libérer, mais il faut le garder en Guinée ici pour qu’on veille sur lui.
Selon vous quelle doit être la priorité de junte ?
Le problème c’est d’abord comment unir les guinéens, le tissu social s’est déchiré au temps de l’ancien régime. Je crois qu’ils doivent s’investir assez pour que les guinéens puissent parler d’une même voix. Quand le social va dans le pays, le politique va marcher sans problème.
C’est la priorité des priorités selon moi (…), parce que les gens ne se parlaient pas. Les gens se sont fait dos à dos, il y a eu trop de manipulation par l’ancien régime. L’unité est la priorité aujourd’hui.
Quelles appréciations vous avez eu à faire sur les gestes posés par le CNRD à savoir la libération des prisonniers politiques, le démantèlement des PA, la libération du siège des bureaux de l’UFDG et autres ?
Tout cela est à saluer. Dans son premier discours, il a parlé de la gabegie de l’ancien régime entretenu par son président d’alors, il s’engage à régulariser tout ça. Il a libéré les prisonniers politiques et j’espère qu’il va continuer puisqu’il y a d’autres qui sont détenus en Haute-Guinée. Rouvrir le siège de l’UFDG est normal parce qu’il ne devrait pas être fermé. L’ancien président avait monté cette histoire de toute pièce. La preuve : les gens sont libres, mais est-ce qu’on a entendu du bruit derrière ? Non. Au contraire, les gens sont contents. C’est un bon départ pour le Colonel Mamady Doumbouya. C’est vraiment salutaire.
Le CNRD annonce l’ouverture des consultations nationales avec toutes les forces vives de la nation. Quelle est votre réaction ?
Je crois que c’est normal. Je vois qu’ils vont pas à pas. Certes, on ne connait pas encore la nomenclature du CNRD, contrairement avec le CNDD du capitaine Dadis, où au lendemain du coup d’Etat, il y avait un président, un vice-président et tous les autres. C’est différent aujourd’hui où on ne parle que du Colonel Doumbouya, mais personne ne connait ses collègues puisqu’il n’y a pas une liste qui est sortie. Tout est confus pour l’instant. Je crois que c’est après concertation qu’il va créer une structure gouvernementale. Voilà c’est en consultant toutes les couches sociales qu’on peut arriver à un résultat.
C’est aussi pour vous dire que le dialogue mis en route par l’ancien président Alpha Condé a été créé par lui-même sans consulter quelqu’un. C’était un dialogue politique à sa façon et non un dialogue national. Avec Doumbouya qui a appelé tout le monde, je crois qu’au sortir de tout ça, il y aura des memos rédigés par toutes les parties prenantes pour une bonne conduite de la transition. Il faut se poser aussi la question de savoir est-ce qu’il n’attend pas que l’ancien président démissionne. Apparemment jusqu’à maintenant il n’a pas démissionné et cela peut compliquer un peu la situation (…).
Vous savez que le plus souvent, le guinéen n’a pas le courage de quitter son poste pendant qu’il est dans la légalité. Par exemple s’il avait quitté au terme de ses deux mandats légaux, il n’allait pas être là aujourd’hui. Vous voyez ? Il n’a fait que huit mois 20 jours à la tête de la Guinée. Cela veut dire que la majorité de la population n’en voulait plus. Il faut qu’on respecte la république et son peuple. Il faut que chaque personne apprenne à respecter les lois qui régissent le pays. Sinon nous ne serons qu’en perpétuel recommencement. Je n’encourage personne à dépasser son mandat légal.
Vous dites que le président Alpha Condé a refusé de démissionner. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Oui il a refusé de démissionner jusque maintenant
Ah bon ?
Écoutez-moi bien, si vous voyez d’ailleurs qu’il a été humilié de la sorte, en partie c’est de sa faute. C’était parce qu’il a refusé de signer sa démission.
Quand on l’a pris à Sékhoutouréyah, c’est ce qui était prévu. Vous avez même entendu un militaire lui demander : « est-ce qu’on a touché à un seul de vos cheveux ? », mais il n’a rien dit. Si les militaires l’ont transporté jusqu’à la RTG, c’était pour qu’il annonce sa démission à la télé et à la radio. Vous avez vu le long du chemin tout le monde a pu le dévisager. A Bambéto par exemple, on a vu une femme crier liberté en le voyant coincé entre les forces spéciales dans le pickup. Alors, une fois dans la cour de la RTG, il a simulé une crise. Il a refusé. Et Doumbouya et ses hommes l’ont laissé dans la voiture pour aller déclarer sa chute. C’est ainsi qu’ils ont fait appel à son médecin pour qu’il sache la cause de cette crise. Finalement on a compris que c’était une simulation. Vous savez légalement on ne peut avoir deux présidents dans un même pays.
Pourquoi Alpha Condé que vous avez côtoyé s’obstine à refuser de signer sa démission ?
C’est le caractère de l’homme. C’est quelqu’un qui refuse les conseils. Tout dernièrement d’ailleurs, c’est lui qui gérait tout, il n’écoutait personne. Il avait un gouvernement qui ne fonctionnait, tout était ramené à sa personne. Voilà le caractère qu’il a démontré. Même au niveau de son parti le RPG, depuis qu’il l’a créé c’est lui qui est à sa tête. Il n’a confiance en personne. Je l’avais d’ailleurs souvent rappelé en disant qu’à ce rythme, il sera le seul comptable devant le peuple. Hier, il a pensé que j’étais son ennemi. Et même tout dernièrement, lors de mon séjour à Paris, j’ai dit que c’est un mépris de sa part en ce qui concerne le chef de file de l’opposition que j’incarnais. Il ne donnait l’argent à une institution quand il voulait ou il refuse carrément de donner même si la loi te le confère. C’est comme ça qu’il gérait le pays et c’est pourquoi il refuse de signer sa démission. Comme les négociations ont commencé, je crois que la CEDEAO va lui obtenir ça.
Selon vous combien de temps devrait durer de la transition ?
Au niveau de mon alliance politique qu’on appelle la CORED, nous sommes en train de jauger tous les partis. Certains vont jusqu’à demander trois ans, certains vont au-delà pour estimer jusqu’à 5 ans, c’est-à-dire l’équivalence d’un mandat présidentiel. Le problème aussi, quand tu parles d’une large concertation, c’est-à-dire y mettre toutes les couches sociales, ce ne sera pas facile. Il y a des gens qui se sont prononcés aussi sur le nombre de 150 sièges qui constitueront le CNT. Pour la durée, rien n’est encore fixe chez-nous. Ce lundi nous allons procéder à un vote pour mettre tout cela au clair.
Africaguinee.com
Créé le 13 septembre 2021 14:11Nous vous proposons aussi
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