Maître William Bourdon parle: « Ce qu’on attend de la CPI… » (exclusif)
PARIS -C'est une exclusivité Africguinee.com! L’avocat français Maître William Bourdon l’un des auteurs du signalement déposé le 29 avril dernier à la Cour Pénale Internationale sur les crimes commis récemment en Guinée, vient parler. Dans cet entretien exclusif accordé à Africaguinee.com, l’avocat justifie leur action et parle de leurs attentes vis-à-vis du bureau du procureur de la CPI. Bonne lecture.
AFRICAGUINEE.COM : Vous venez de déposer un signalement à la Cour Pénale Internationale pour lui demander d’enquêter sur une série de crimes commis ces derniers mois en Guinée. Dites-nous quelles sont vos principales attentes vis-à-vis du bureau du Procureur ?
MAITRE WILLIAM BOURDON : Il y a un mandat qui nous a été déposé par nos clients qui est une grande coalition de syndicalistes, d’organisations de la société civile, d’opposants au régime d’Alpha Condé. L’objectif, c’est de faire en sorte que cesse l’impunité de très graves violations des droits de l’homme et les exactions qui sont commises en Guinée depuis de nombreuses années et qui selon nous méritent la qualification en vertu de l’article 7 du Statut de la Cour Pénale Internationale de crimes contre l’humanité.
Donc, notre attente à court terme, c’est qu’évidemment que ces personnes qui sont redevables de ces crimes soient poursuivies dans un premier temps. Parce que ça ne sera pas simple, c’est d’obtenir du bureau du procureur un premier examen. L’examen préliminaire qui lui permettra d’apprécier les faits. Et nous ne doutons pas des résultats.
La pertinence des charges, leur caractère documenté, leur caractère sérieux des qualifications juridiques, ensuite il y a une série d’étapes qui sera détaillée, tout ça demande énormément du temps. Mais qu’on aille étape par étape jusqu’à ce que la Cour Pénale Internationale délivre des mandats d’arrêt. C’est ce qu’elle a fait ces dernières années.
Un autre dossier concernant des crimes commis récemment en Guinée dort dans les tiroirs de la CPI. Il s’agit en l’occurrence des massacres du 28 septembre 2009 qui est laissé dans les mains de la justice guinéenne en vertu du principe de subsidiarité. Quelles sont les chances que ce signalement aboutisse dans un meilleur délai ?
Vous avez tout à fait raison de rappeler ça, nous en sommes conscients. Ce qui est exact partiellement dans ce vous dites, c’est que la Guinée, les autorités de Conakry ont fait pas mal d’efforts ces dernières années pour prétendre que la justice guinéenne avait la capacité, les moyens et la volonté politique de poursuivre les responsables du massacre de septembre 2009. Vous avez raison de rappeler ça.
Mais en même temps, ce qui est reconnu le scepticisme gagne de plus en plus au sein de la Cour Pénale Internationale sur le fait que les autorités guinéennes seraient de bonne foi quand elles affirment avoir les moyens, la capacité de poursuivre les responsables de ce massacre. D’ailleurs j’observe qu’on a été à Conakry, sauf erreur de ma part, aucun de ces responsables n’a été pour l’instant ni poursuivi, ni évidemment condamné alors qu’on sait qu’ils sont tous identifiés. Je pense que cet écran devient de plus pour des personnes compétentes, un écran de fumée.
A Conakry en réaction à votre signalement, certaines autorités estiment que la qualification de « crimes contre l’humanité » leur paraissent trop exagéré. Qu’en dites-vous ?
Est-ce que vous connaissez dans l’histoire que ce soit en Afrique ou ailleurs, des grands dirigeants autocrates, despotiques voire dictatoriaux qui apprennent comme ça qu’une plainte est déposée, qu’elles disent « OUI » que c’est tout à fait exact et que c’est la qualification qui s’impose et qui, tout d’un coup se mettent dans une reconnaissance active et publique de leurs crimes ? Ecoutez, ça n’existe pas, c’est une blague. En général tous ceux qui commettent les crimes les plus gaves, justement parce qu’ils sont responsables, relativisent toujours les plaintes qui sont déposées contre eux. Eventuellement ils raillent, ricanent, discutent des qualifications juridiques. Donc leur action dont vous me parlez est évidemment tout sauf une surprise.
Quelle va être la suite ?
On a envoyé dans les formes qui conviennent notre signalement au visa de l’article15 du statut de la Cour Pénale Internationale, ensuite il y a toute une procédure, il y aura des échanges qui se mettront en route d’abord au début. Dans tous les cas, nous avons sollicité une audience, pas tout de suite en raison évidemment de la crise sanitaire, pour examiner le mérite de notre action. Ça sera une audience avec les représentants du bureau du procureur à la Haye.
Il faut avancer pas à pas, tout en sachant je le répète que le temps, même s’il apparaît toujours trop long pour les victimes, le temps est leur allié. Dans le sens où un jour ou l’autre, les personnes qui ont commis selon nous ces crimes contre l’humanité, quoiqu’elles fassent, quelque soit leur jeu de passe-passe, leur seront redevables.
Donc, il faut avancer pas à pas, l’histoire est du côté de celles et de ceux qui pleurent encore aujourd’hui, la mort, la disparition d’un être cher tué notamment dans une manifestation ces dernières années. Ce, dans un contexte de persécution systématique, généralisée, c’est important de le rappeler puisque c’est ça la définition de crimes contre l’humanité contre des communautés, des personnes en raison de leur identité, de leur appartenance ethnique ou de leur foi politique. C’est ça le critère qui nous permet de considérer que l’ensemble de ces persécutions et crimes doivent recevoir la qualification de crimes contre l’humanité.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 4 mai 2020 08:56
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