Les confidences de Chérif Abdallah : « Lorsque le colonel Doumbouya a pris le pouvoir… »
CONAKRY-Le mardi 10 mars dernier, lors d’une rencontre avec des opérateurs économiques, Mamadi Doumbouya, le Président de la transition a accusé certains commerçants importateurs de camoufler leurs stocks de marchandises pour renchérir les prix sur le marché au grand dam des pauvres populations. De ces accusations du Président de la transition, à l’élection du bureau de la chambre du commerce, Mohamed Chérif Abdallah Président du Groupe Organisé des Hommes d’Affaires, a brisé le silence.
L’opérateur économique a par ailleurs donné les raisons de sa non-candidature à l’élection du nouveau bureau exécutif de la chambre du commerce. Dans cet entretien accordé à Africaguinee.com, il déclare détenir la « solution » pour la baisse des prix des denrées. Le président du GOHA sollicite une rencontre avec le colonel Mamadi Doumbouya.
AFRICAGUINEE.COM : Le Président de la transition accuse certains opérateurs économiques d’être à l’origine du renchérissement des prix des denrées sur le marché. Que répondez-vous ?
MOHAMED CHÉRIF ABDALLAH : Affirmer qu’il y a des commerçants qui gardent des stocks dans leurs magasins pour faire augmenter les prix, moi je n’avais pas connaissance d’une telle pratique. Au contraire, nous pensons qu’il y a des solutions à tous ces problèmes. L’une de ces solutions que nous avions proposé au Colonel Doumbouya, lorsque les militaires ont pris le pouvoir, c’était d’organiser une rencontre entre les nouvelles autorités du pays et des opérateurs économiques qui ne sont pas en Guinée. C’est-à-dire des ressortissants guinéens capables de travailler réellement et créer la libre concurrence entre les opérateurs économiques. Pour ce faire, il faut les rassurer. Beaucoup de commerçants ont quitté la Guinée pour diverses raisons, dont la question sécuritaire. Certains sont partis pour aller chercher de l’argent ailleurs, d’autres ont quitté parce qu’il y avait une concurrence déloyale dans le pays et on les faisait perdre de l’argent.
Lorsque le CNRD a pris le Pouvoir, on a fait des tournées à l’intérieur du pays pour aller à la rencontre de l’ensemble des opérateurs économiques sur le terrain, des ressortissants guinéens dans les pays environnants et des commerçants guinéens à Conakry. Tous, unanimement ont sollicité à ce qu’on puisse demander aux autorités militaires de casser le monopole. Et lorsque nous étions revenus de cette tournée, on avait écrit au Colonel, et finalement, ils ont accepté de prendre une décision pour casser le monopole.
Mais on a vu que même si on casse le monopole, si les mêmes personnes reprennent les mêmes actions, il y aura toujours une sorte de monopole parce qu’ils vont toujours trouver une solution pour contrecarrer. Pour éviter cela, il fallait faire venir d’autres personnes, d’autres opérateurs économiques capables aussi d’inonder le marché de produits de première nécessité. C’est dans ce cadre nous avons dit que nous allons faire venir une vingtaine d’opérateurs économiques évoluant dans des pays Africains. On va prendre dix (10) au compte des États-Unis et de l’Europe et on va 30 ou 40 pour l’Afrique et l’Asie. J’ai écrit une lettre dans ce sens que j’ai adressée au Président mais jusque-là je n’ai pas eu de suite. En attendant, nous sommes en train de travailler sur le terrain, pour créer un bon environnement des affaires dans le pays.
Et dans ce cadre, nous avons contacté des partenaires très sérieux. On a fait une étude que je détiens. J’aurais bien voulu rencontrer le Président de la République pour lui montrer cette étude parce que c’est à lui je voudrais en premier remettre les résultats de cette étude. Parce que nous sommes dans le monde des affaires, tu peux faire une proposition, certaines peuvent s’en accaparer pour utiliser à des fins malveillantes alors que c’est des solutions qu’on veut trouver. Si on arrive à mettre cette étude en pratique, le riz par exemple sera nettement réduit. Au lieu que le sac de 50KG soit vendu à plus de 300 000 de francs guinéens, ça va être aux alentours des 250 000 FG jusqu’en 220 000 Gnf mais ça ne pourra pas dépasser à ce prix. Si d’ailleurs la situation change au niveau international, on peut même revenir jusqu’à 200 000 francs guinéens. Nous avons fait des études avec des partenaires capables, et nous détenons cette étude. J’ai demandé à rencontrer le Président, mais il n’y a pas eu de suite. Je pense que c’est nécessaire que les autorités nous écoutent.
J’ai récemment entendu un membre du gouvernement dire qu’ils n’ont pas d’interlocuteur. Ça c’est quelque chose qui est extrêmement grave. Nous nous sommes sur le terrain, il y a des organisations comme le GOHA qui est créée en Guinée. Le GOHA s’est internationalisée de nos jours. Nous avons maintes fois reçu des actes de reconnaissance de certains chef d’Etat. Nous sommes sur le terrain pour créer un bon environnement des affaires. Et lorsque j’entends un ministre dire qu’ils n’ont pas d’interlocuteurs, ça n’encourage pas. Tout le monde sait ce que représente le GOHA dans ce pays, les autorités le savent. Nous avons toujours œuvré pour la paix dans ce pays parce que l’argent n’aime pas le bruit.
On sent une certaine crispation depuis quelques jours. Après FNDC, 58 partis politiques ont menacé d’organiser des manifestations. Qu’en pensez-vous ?
La Guinée vient de très loin. Il y a des discours que tous les responsables de ce pays doivent éviter, parce que les opérateurs économiques ont beaucoup subi. Et il n’y a pas une personne qui est mieux placée en République de Guinée si c’est moi Chérif Abdallah, Président du GOHA.
Tous les opérateurs économiques ont été victimes dans ce pays suite à des évènements politiques ou autres. Ils ont tous été recensés et soutenus par le Goha jusqu’à maintenant. Donc, il y a de ces mots qu’il faut éviter. En ce qui concerne les opérateurs économiques, si vous créez un environnement de concurrence loyale entre eux, si moi je vends cher mes produits et que mon concurrent le revend moins cher, qui va venir chez moi ? Personne. Il faut laisser la libre concurrence. L’Etat est là pour faciliter. Mais ici, même si vous sollicitez de rencontrer un ministre, c’est compliqué, si c’est le Président de la République aussi c’est compliqué, vous ne les voyez pas. Ont-ils écouté des mauvais interlocuteurs qui essaient de diffamer d’autres opérateurs économiques ? Peut-être. Mais tout ceci n’encourage pas. On doit écouter tout le monde, que l’on soit industriel ou cireur de chaussure. On doit éviter tous les mots qui peuvent inciter la population à s’attaquer aux opérateurs économiques.
Pour trouver un interlocuteur les autorités, à travers le ministre du commerce compte sur la mise en mise en place d’une nouvelle équipe dirigeante à la chambre du commerce. Quelle est votre position sur cette chambre ?
Je ne suis pas candidat et je ne suis candidat à rein. Parce que j’ai remarqué on reprend les mêmes personnes pour refaire la même chose. Or, si on veut un changement et on se met à reprendre les mêmes personnes pour faire les mêmes actions, nous irons nulle part. Le patronat a été mis en place, qu’est-ce qui a changé ? On peut mettre en place la chambre du commerce, élire un bureau exécutif, si on reprend les mêmes personnes, ça ne sert à rien.
Pourquoi vous n’êtes pas candidat ?
Pour être candidat il y a des critères. Je suis électeur et éligible dans la chambre du commerce. En tant que président du GOHA, je suis député consulaire et personne ne peut m’enlever ça. Tout le monde sait ce que le GOHA représente en Guinée et ailleurs. Si c’est le nombre de membres, nous ne sommes comparables à aucune organisation de ce pays et même en Afrique.
Deuxièmement, on a fait venir des organisations fantômes, des organisations qui n’existent que s’il y a des élections au niveau de la chambre du commerce, on prend ça en grand nombre avec des personnes que nous ne connaissons pas. Tu te présentes dans le but d’être élu Président de la chambre du commerce, c’est des personnes que tu ne connais pas que tu vois. Ces gens sont probablement préparés d’avance pour voter en faveur de quelqu’un d’autre. Il peut y avoir des magouilles on ne sait pas, mais si ces personnes-là ne votent pas pour toi, les gens vont dire : ‘’Chérif s’est présenté, les gens n’ont pas voté pour lui comme si Chérif Abdallah n’est pas populaire’’. Alors que sur le terrain, si c’est une élection populaire il n’y a pas match, tout le monde sait qui va passer. Tout le monde sait qui est en train de défendre les opérateurs économiques durant toutes ces années sans démagogie, sans arrière-pensée ni pour un intérêt personnel. On est en train travailler pour un bon environnement des affaires en Guinée.
Voulez-vous dire que cette nouvelle chambre est déjà vouée à l’échec ?
Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est une démarche qui est vouée à l’échec. Mais si on parle d’interlocuteur, je pense que nous sommes tous là. Et si on néglige ce qui est derrière nous et ce que nous représentons, c’est une erreur monumentale. Je répète encore que nous avons des milliers des membres et sympathisants à l’intérieur comme à l’extérieur de la Guinée. On ne peut pas acheter la confiance, elle se mérite. Près de 20 ans que nous travaillons dans le but d’aider les citoyens guinéens et les opérateurs économiques dans tous les axes. Pendant les périodes difficiles, on s’est levé pour dépenser notre propre argent pour aider les citoyens. La période Ebola, on a doté des kits sanitaires à des institutions publiques et privées dans le cadre de la lutte contre cette épidémie. Même chez nos pays frontaliers, on a travaillé de sorte que malgré la fermeture des frontières tout était disponible sur place. Le GOHA a toujours œuvré pour la paix, l’entente et le bon environnement des affaires. Il faut qu’on nous écoute. Si on ne nous écoute pas aussi, ça ne nous fera ni chaud ni froid.
A suivre…
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tél. : (00224) 655 311 114
Créé le 18 mars 2022 16:31Nous vous proposons aussi
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