Le Procureur de Coyah parle : « Les assaillants ont emporté des numéraires et des dossiers sensibles… »
COYAH-La double attaque armée qui a visé des institutions judiciaires à Coyah, une préfecture située dans la périphérie de Coyah relance de plus belle la problématique de la sécurité dans les prisons guinéennes. Comment ces attaques ont-elles menées ? Quels en sont les auteurs ? Quelles sont les dispositions entreprises par les autorités après ces incidents ? Africaguinee.com a interrogé le procureur de la république près le tribunal de première instance de Coyah. Dans cet entretien Almamy Sékou Camara dit tout sans détours.
AFRICAGUINEE.COM : Deux attaques quasi-simultanées ont visé les symboles de la justice dans votre juridiction de compétence qu’est Coyah. Expliquez-nous comment ça s’est passé ?
ALMAMY SÉKOU CAMARA : C’est dans la nuit du 22 au 23 juin 2023, aux environs de 23h qu’un groupe d’individus armés de PMAK, de TT30 et de Colt 45, encagoulés et habillés en tenues militaires, organisés en de petits groupes, ont attaqué la Maison d’Arrêt de Coyah pour faire libérer leurs amis détenus pour diverses infractions. Il est à noter que ce groupe était constitué non seulement d’un groupe de guet, de couverture et d’assaut. Il s’est directement dirigé vers les gardes pénitentiaires avec plusieurs tirs en leur direction pour les mettre aux arrêts tout en les étalant au sol, puis défoncer les portes des cales où se trouvaient leurs amis détenus en attente de leur procès.
Aussitôt informé, j’ai requis la force publique c’est-à-dire la police, la gendarmerie et l’armée pour prêter main forte à ces gardes pénitentiaires là pour ne pas que tout le monde s’évade. Mais il s’est trouvé déjà qu’un groupe de 81 personnes a réussi à prendre la fuite. Alors, la même nuit des patrouilles nocturnes organisées nous ont permis de mettre main au moins sur 13 personnes. Pendant que les gens sont préoccupés par rapport à cette situation, d’autres individus encore ont fait irruption dans la nuit du 23 au 24 juin 2023 dans l’enceinte du tribunal de première instance de Coyah. Nous comprenons là que ces personnes malintentionnées ont profité effectivement de cet événement malheureux relatif à l’évasion, pour s’introduire par infraction à l’intérieur du palais de justice de Coyah dans le seul but alors de faire disparaître les preuves et les dossiers qui étaient là sur la base desquels des poursuites étaient engagées. C’est une façon pour eux de faire disparaître toutes les preuves.
Il faut signaler que ces personnes malintentionnées ont cherché à défoncer les deux portes des cabinets d’instructions dans le but de subtiliser ces dossiers criminels et correctionnels orientés en information. Alors, malheureusement après avoir vainement tenté d’ouvrir la porte du 2ème cabinet d’instruction, ils ont réussi à ouvrir la porte du 1er cabinet d’instruction et celle du chef des greffes où ils ont eu à prendre des numéraires et certains dossiers sensibles mais aussi un téléphone. Cette manière de faire démontre une fois de plus la mauvaise foi manifeste de ces assaillants dont le mode opératoire est savamment orchestré par eux et leurs complices, tapis dans l’ombre dans le but d’affaiblir juste l’institution judiciaire et fouler au sol toutes réformes engagées depuis des mois par mon parquet.
Est-ce que vous aviez reçu des menaces quelconques avant ces incidents ?
Je dirais que c’est une forme de menace pour moi mais aussi pour mes collaborateurs. Après ma prise de fonction le 30 mars 2023, j’ai réorganisé mon parquet en mettant en place une politique pénale bien définie. Ensuite, j’ai commencé à appliquer avec professionnalisme mais aussi avec rigueur ces dispositions. Et, cela a abouti à l’arrestation de plusieurs personnes auteurs de vol à main armée, association de malfaiteurs, détention illégale d’armes de guerre et de munitions à Coyah. Il y a des mois qu’on entend plus de cas d’attaques à main armée dans mon ressort parce que mon parquet à fait montre d’efficacité et de rigueur dans ces procédures pareilles. Pour moi, c’est ce qui a permis à ces assaillants de saboter tout ce qu’on a eu à faire comme réformes. Mais ils se trompent parce que le parquet de Coyah ne reculera pas. Nous mettrons en place dans les jours avenir une autre stratégie pour pouvoir les traquer et mettre main sur eux et les mettre hors d’état de nuire afin que cette justice puisse fonctionner comme ça se doit.
Est-ce qu’il y a eu des blessés lors de ces attaques ?
Non, il n’y a pas eu de blessés mais il y a eu des coups qui ont été administrés sur certains gardes et même certains ont été ligotés. Les témoignages recueillis sur les lieux en font foi. Non seulement les détenus en ont témoigné mais aussi les gardes pénitentiaires.
Vous avez parlé de disparition de numéraires lors de l’attaque qui a visé tribunal. C’est à hauteur de combien ?
Pour le moment, je ne saurais vous dire avec exactitude le montant emporté. Mais ce qui est claire c’est dans les millions parce que vous savez c’est au greffe qu’on reçoit les recettes du tribunal à savoir les amandes, les cautions, les consignations et d’autres frais de justice. Donc, tous ces montants-là ont été emportés par ces assaillants.
Parmi les évadés, nous apprenons qu’il y aurait des militaires. Combien sont-ils ?
Il y avait un militaire et un policier en détention. Sauf qu’après vérification il s’est avéré qu’aucun de ces derniers n’a été envoyé par ces assaillants. Donc, à priori ils n’étaient venus que pour libérer un de leurs amis qui n’étaient pas un corps habillé. Sauf que dans le feu de l’action, un avait quitté la maison d’arrêt pour se rendre lui-même après. Donc, rien n’explique que ces assaillants étaient venus chercher des militaires. Ça je confirme parce que parmi les militaires c’est un qui avait quitté l’enceinte de la Maison d’Arrêt et il s’est rendu après. Donc, on ne peut pas dire que c’était des militaires. Mais tout ce qu’on peut dire dans cette affaire, les gens qui ont fait irruption étaient habillés en treillis militaire, encagoulés et muni des PMAK, TT39 et des Colts 45.
Où en êtes-vous dans les enquêtes ?
Tout d’abord, c’est le lieu de remercier les forces de sécurité de Coyah parce qu’elles ont ménagé aucun effort par rapport aux instructions que j’ai eu à donner depuis le début des évènements. Une patrouille mixte a été organisée depuis le jeudi pour pouvoir rattraper certains fuyards. Aujourd’hui, nous avons pu mettre main sur 13 personnes qui sont là pour des fins d’enquêtes. Donc, ils sont au niveau de la Brigade de Recherche pour savoir le mobile et comment est-ce que cette évasion été perpétrée.
Tout ce que je peux dire aux populations c’est d’avoir confiance en la justice et de leurs forces de sécurité parce que les patrouilles qu’on a commencées ne vont pas s’arrêter. Nous avons eu à identifier des zones d’ombres, nous avons eu à recenser des endroits où ils sont susceptibles d’être trouvés, nous avons eu à identifier les familles respectives de certains évadés. Donc, à travers les enquêtes dans les jours à venir, le parquet de Coyah est sûr et certain que beaucoup encore seront retrouvés.
Vous avez encore annoncé d’autres dispositions supplémentaires par rapport aux détenus qui restaient. Qu’est-ce qui a été fait à ce niveau ?
Après les événements, le ministre de la justice s’est rendu à Coyah pour s’enquérir des réalités. Il a visité non seulement le palais de justice de Coyah mais aussi, il a visité la Maison d’Arrêt. Arrivée, il a donné des instructions ferme à ce que de ces prisonniers-là soient pour le moment transférés dans les autres prisons du pays. Je parle de Kindia, Conakry, Boké et Fria en attendant de réhabiliter cette Maison d’Arrêt qui ne répondait pas aux critères d’une Maison d’Arrêt digne de nom. Parce qu’elle est non clôturée, elle se trouve à 7km de la ville et aussi la construction ne répond à aucun critère d’une Maison d’Arrêt digne de nom.
Aujourd’hui c’est la psychose qui s’empare des populations. Quel message avez-vous à lancer ?
L’appel que j’aie à lancer aux autorités préfectorales et communales, c’est d’accepter la collaboration, l’échange et que l’information passe en temps réel pour pouvoir traquer ces grands bandits qui, non seulement, se sont retranchés un peu partout mais d’autres, qui sont là à faire la mission des fuyards. Nous interpellons également les paisibles citoyens de Coyah que des mesures sont prises dans l’ordre de renforcer davantage leur sécurité et nous les informons également de l’existence d’un numéro vert qui est le 117 pour dénoncer sous couvert d’anonymat tous les cas des personnes suspectes ou étrangères qui se retrancheraient dans leurs localités respectives.
A suivre…
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 26 juin 2023 16:18Nous vous proposons aussi
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