Le problème structurel du football guinéen et les efforts pour le résoudre

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 (Par El Béchir) Le football guinéen est pénalisé par un problème structurel qui entrave l’essor du Syli national depuis une quarantaine d’années. On note toutefois quelques progrès remarquables au niveau des clubs et des championnats D1 et D2. Ces percées sont dues aux engagements progressifs faits par des entrepreneurs guinéens aux plans financier, matériel, technique et humain. 


Grandeur et décadence du football guinéen

La Guinée souffre d’un manque criant d’infrastructures sportives appropriées. Que sont devenus les terrains assignés à chaque quartier et école du pays, à chaque village et chef-lieu d’administration territoriale par le premier régime qui, bien que reprochable sous maints aspects, avait une politique sportive et culturelle conséquente et aux résultats enviés par tous les autres pays africains, à l’époque ? Eh bien, on les a tous vendus, on y a construit bâtiments personnels, immeubles, discothèques ou autres maisons de loisirs privés. Qui reconnaîtrait même leurs emplacements ? Le manque de terrains de jeu, jadis nombreux et proches, pousse les enfants, les ados et les jeunes à jouer sur des aires inadaptées. 

La culture et le sport – pas seulement le football – étaient une affaire nationale de la plus haute importance. Ils rayonnaient sur le continent et même dans le monde. L’expression culturelle dans toute sa variété et les compétitions sportives dans plusieurs disciplines concernaient toute la jeunesse, scolaire et non scolarisée. Le chef de l’État y portait un intérêt particulier et somme toute politique.  

Les arts, la musique, les ballets, les percussions, le théâtre, les saynètes et même la poésie (qu’on appelait improprement récital) étaient chéris. Les gouvernants et les responsables de la Culture favorisaient leur développement à travers les festivals. Les titres d’excellence étaient décernés aux meilleurs orchestres, troupes ou individus. La concurrence aidant, les Muses se penchaient sur la culture guinéenne, elles insufflaient l’inspiration à ceux qui s’y adonnaient. 

En sport, principalement en football, les tournois inter-classes, inter-écoles et inter-quartiers se tenaient régulièrement. Ils suscitaient engouement et saine émulation. Chacun voulait voir son équipe l’emporter sur ses adversaires. Quant au championnat national, c’était le nec plus ultra. Il nous faisait vibrer et nous procurait la joie la plus pure. 

Tous les instruments de musique et les équipements sportifs étaient fournis gracieusement par le pouvoir central. On tenait à l’essor culturel et sportif de la Guinée comme à la prunelle de ses yeux. 

Le sport scolaire était particulièrement important. C’était le vivier par excellence. Tous les sociétaires du Hafia FC, triple champion d’Afrique, étaient étudiants ou diplômés de l’université (à l’exception d’un, qui tenait cependant bien la défense centrale). Ils avaient commencé leur ascension dans les tournois organisés régulièrement au préuniversitaire. La formation de l’esprit allait de pair avec les performances du corps. Mens sana in corpore sano.

La Révolution morte avec son Responsable suprême, on jeta le bébé avec l’eau du bain. Elle s’était certes distinguée par son intolérance politique, ses atteintes atroces aux droits humains, ses restrictions des libertés fondamentales, son opposition à l’enrichissement personnel des citoyens et par tant d’autres entraves que les Guinéens désapprouvaient in petto, mais elle n’était pas pour autant toute entière mauvaise. Le libéralisme qui lui succéda fut applaudi, dans l’ensemble, comme une libération collective et individuelle. La liberté est un bien essentiel et désirable, il est vrai. Elle était vraiment la bienvenue. Toutefois, faute d’encadrement rigoureux par le nouveau régime, le libéralisme proclamé devint très vite sauvage. Ce fut une course effrénée au gain personnel qui relégua aux oubliettes l’organisation et les idéaux collectifs, le sens de l’intérêt général et la fierté nationale que procurait notre hégémonie culturelle et sportive au plan continental. Les beaux acquis de la « Révolution » – eh bien oui, il y en avait ! – disparurent comme par enchantement. Culture et sports furent confinés à l’amateurisme. Désormais, on s’en souciait comme d’une guigne, sauf s’ils rapportaient hic et nunc. Comme dans Le Satyriconde Pétrone, témoin éclairé de la décadence de la Rome antique, « tous, les yeux courbés vers la terre, ne songent qu’à compter leur or »

Qu’on se rassure, notre intention n’est ni de plaire ni de choquer. Nous ne faisons pas l’éloge du régime révolutionnaire, nous ne vitupérons pas non plus le régime libéral qui lui a succédé. Tous deux avaient un côté exécrable et un autre admirable, comme du reste tout État, tout gouvernement. Nous essayons seulement, par notre faible entendement mais avec le plus d’objectivité possible, de cerner le problème structurel du football guinéen autant que le permet un simple article de presse qui, par nature, ne peut aller en profondeur. C’est, à notre avis, un préalable à toute recherche de solutions.

Renaissance du football guinéen : des personnes de bonne volonté s’engagent 

Les fédérations guinéennes de football et les ministères des Sports successifs ont fait des efforts plus ou moins louables ou plus ou moins timides – c’est selon ! – pour sortir ce sport de son marasme. Mais un homme providentiel, chef d’entreprises prospères, Antonio Souaré, et quelques nababs de bonne volonté, tels que les généraux Mathurin Bangoura et Grand D, KPC, Thiangui et d’autres personnalités ou entrepreneurs guinéens de bonne volonté, se sont lancés, il y a quelques années, dans un mécénat difficile mais exaltant. Tout en sachant bien  que le football ne rapporte pas en Guinée, ils ont chacun pris en charge un club de D1 et relancé ensemble, avec leurs propres moyens, le championnat national de football. Ce tournoi est devenu régulier et est monté en gamme avec le temps. 

La Ligue guinéenne de football professionnel (LGFP) a été créée par la suite, sur une idée d’Antonio Souaré. Il était seulement président du Horoya AC, mais il en a assuré une bonne partie du financement. Placée sous l’autorité de la Fédération guinéenne de football (Féguifoot), cette association gère les activités du football professionnel en Guinée. Elle organise notamment les championnats D1 et D2. Une belle synergie se forme, les clubs montent en puissance, lentement mais sûrement. Leurs présidents, engagés par pur patriotisme pour la renaissance du football guinéen, visent ensemble sa professionnalisation, une montée en indice du championnat national et la compétitivité de nos clubs au plan continental. L’engagement désintéressé et la détermination de quelques hommes a finalement payé.

Antonio Souaré devenu, par la force des choses, président de la Féguifoot, alors dissoute suite à des conflits internes dirimants aux yeux de la FIFA, les cassandres et autres oiseaux de mauvais augure, jaloux et atrabilaires, avaient prédit la mort du championnat. Mal leur en prit. Le championnat  national s’en porta mieux, à leur grande déception. Le résultat fut plutôt rapide. 

Grâce aux performances réalisées par le Horoya AC d’Antonio Souaré en C1 ces dernières années, la Guinée occupe la sixième place des meilleurs championnats du continent. L’organisation panafricaine de football a dû admettre quatre clubs guinéens en Ligue des champions africaine et en coupe CAF à partir de l’exercice 2019-2020. La décision a été prise le 4 juin 2019. À qui la Guinée la doit-elle principalement ? N’est-ce pas à Antonio Souaré, que des goujats injurient sans cesse dans les médias et sur les réseaux sociaux ? La critique est aisée mais l’art est difficile. 

De sa poche, Antonio Souaréconstruit depuis plusieurs années un complexe sportif multidisciplinaire impressionnant. Les travaux sont en voie d’achèvement. Aménagée sur 11 hectares dans une magnifique cuvette de Dubréka, l’académie sportive de Yorokoguia sera l’un des plus grands centres de formation sportive du continent africain et le plus grand de la sous-région. Il comporte plusieurs pelouses et un stade de football habilité à accueillir des matches internationaux.

Au demeurant, le football guinéen est devenu une affaire de privés qui se sont engagés pour la cause. 

Le football, art et science

Le foot est un art et une science. Il est certes une discipline pratique mais il a un volet théorique important. Le talent, pour atteindre sa plénitude, doit être servi par un minimum d’aptitudes intellectuelles. Sur le terrain on s’entraîne et on joue des matches, en classe on apprend à réagir face à toutes les configurations de jeu possibles et imaginables. C’est ainsi que ça se passe dans tout centre de formation. Mais comment avoir cette vivacité intellectuelle en classe et sur le terrain si l’on est peu ou pas du tout instruit. Beaucoup de jeunes guinéens détectés par les agents agréés et vendus aux centres de formation des clubs européens (français en majorité) sont tenus d’apprendre le français ou de parfaire le leur sur place avant d’être aptes à suivre et à comprendre les cours théoriques tablette en main. 

Le football étant une discipline physique, il y a de la physique pratique à maîtriser. Le joueur doit aussi savoir « lire » instantanément les configurations géométriques qui se succèdent durant le match et réagir pertinemment avec la plus grande vélocité. En dépit de son potentiel, un trop faible niveau intellectuel réduit sa perméabilité au « concept » et par conséquent ses chances d’accès aux divisions supérieures mais aussi aux grands clubs. Cela explique en partie la rareté des pros guinéens par rapport à d’autres pays africains. 

Soit dit en passant, la musique guinéenne regorge d’analphabètes. Raison pour laquelle, peu d’artistes guinéens sont écoutés hors des frontières nationales. C’est à l’opposée des Ivoiriens et des Sénégalais, par exemple. Le hiphop guinéen, est par contre, assez comestible. On y compte de nombreux étudiants et diplômés de l’université. L’intellectuel introduit la rationalité dans ses hobbies. 

Le football, objet politique

Le football est devenu un objet politique par sa puissance d’adhésion collective et d’intégration sociale, par la compétition passionnée qu’elle crée entre les nations et la forte médiatisation des matches de haut niveau dans les pays, sur les continents ou dans le monde entier, mais aussi et surtout par l’engouement et la ferveur qu’il engendre, à l’instar des religions. 

Les autorités gouvernementales guinéennes n’ont pas assez pris conscience des enjeux liés au football pour lui accorder une importance accrue à travers les politiques nationales sectorielles qui sont élaborées ou réformées d’un ministre des Sports à un autre. Dans les faits, c’est presque toujours les mêmes simulacres d’intérêt qui dictent les mêmes attitudes et comportements. En vérité, les officiels ne font rien de véritablement nouveau. Et l’on s’étonne que les sports piétinent dans ce pays, principalement le football. Mais la folie, c’est faire toujours la même chose et s’attendre à un nouveau résultat, disait le célèbre physicien de la relativité générale. 

L’État démolit les habitats dans de larges zones urbaines mais il n’a construit aucun terrain de proximité pour les ébats sportifs juvéniles. Les rares nouvelles aires dédiées au football ont été aménagées et offertes gracieusement par des entreprises. Les jeunes trouvent des succédanés dans les rues, les plages, les criques et les moindres terrains vagues. Les tournois de rue sont devenus un phénomène urbain. Ils se déroulent entre les véhicules,  perturbent la circulation et mettent en danger la vie des jeunes joueurs. 

L’État ne détecte pas les talents précoces en vue de les encadrer tout en veillant à leur éducation scolaire normale – les deux doivent aller de pair. Il ne favorise pas l’envoi des footballeurs en herbe dans les centres de formation supérieurs. Il n’a toujours pas une académie des sports, ni un institut universitaire de sports et de médecine sportive. Vu le faible budget de l’État et ses multiples priorités, on ne lui impute pas à blâme toutes ses négligences, mais il faut bien admettre que la renaissance du football guinéen est uniquement l’œuvre de personnes physiques. Pour cause d’utilité publique, celles-ci doivent être louées, encouragées et protégées. 

Il nous tarde de voir les autorités compétentes structurer efficacement le football guinéen par des actions concrètes. Les présidents de club et la Ligue guinéenne de football professionnelle jouent leur partition. À l’État de rejoindre la symphonie. Nous ne plaiderons pas pour une augmentation du budget du ministère en charge des sports, car nous ne savons ce qu’il en adviendra dans la gestion, ni si la provision nécessaire existe. Il est cependant absolument nécessaire que le gouvernement, principalement le chef  de l’État, s’engage fortement et renforce les bases du football que sont la construction de terrains de proximité, la réhabilitation des stades communaux et préfectoraux, la promotion des sports scolaires, des compétitions inter-quartiers et de toutes les divisons inférieures qui ne relèvent pas de la LGFP, la mise à disposition d’équipements sportifs, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique nationale appropriée, celle qui intègre tous les paramètres du succès et donne des atouts au Syli national, et toute action propre à promouvoir le sport roi en Guinée sans aucune visée partisane. Si le football a une dimension politique, il ne doit cependant pas avoir une visée politicienne. 

Les pays qui arrivent dans le dernier carré de la CAN sont en avance sur la Guinée. Leurs dirigeants y ont développé une véritable ingénierie du football depuis plusieurs années. Le Syli a beau barrir de toute sa trompe, il inquiète peu ses grands adversaires sur le continent. À sa décharge, il ne peut dépasser ses limites. C’est le signe indien. 

Antonio Souaré n’est président de la Féguifoot que depuis deux ans, il se dévoue à la cause mais son action est court-circuitée par certains de ses proches. Un parmi eux, semeur attitré de zizanie, dandy égoïste et dénué de toute fibre patriotique, est qualifié par l’opinion d’escroc international. La CAN 2019 a révélé sa cupidité et ses pratiques antipatriotiques qui ont énormément nui au Syli national. 

À Antonio Souaré de nettoyer les écuries d’Augias et à l’État d’avoir une conscience aiguë des enjeux liés au football. Alors, tout sera fait pour booster ce sport dans le pays et le Syli avancera tranquille de toute sa force.`

 

El Béchir

 

Créé le 26 juillet 2019 16:59

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