Le ministre K² brise le silence : » J’aurai pu résoudre la crise avec Soumah… » (Interview)
CONAKRY-Muet depuis l’éclatement de la grève qui frappe le secteur éducatif guinéen, le Ministre de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation vient de briser le silence ! Ibrahima Kalil Konaté (K²) exprime un sentiment d’amertume face l’enlisement de la grève. L’ancien syndicaliste explique qu’il aurait bien pu résoudre la crise s’il n’avait reçu des instructions de ne pas négocier avec les grévistes.
Dans cette interview exclusive qu’il a bien voulue accordé à notre rédaction, le ministre K² qui vient de faire un an à la tête de ce département stratégique, revient également dans cet entretien sur les réformes qu’il a engagé depuis son arrivée pour qualifier d’avantage l’Education guinéenne. Que va-t-il faire pour combler les cours perdu pendant la grève ? Le ministre de l’Education s’est confié à notre rédaction. Lisez…
Africaguinee.com : Monsieur le ministre bonjour ! Comment avez-vous accueilli la rencontre entre le Président Alpha Condé et l’équipe syndicale dirigée par Aboubacar Soumah ?
IBRAHIMA KALIL KONATE : Comment voulez-vous que je commente une rencontre à laquelle je n’ai pas été convié ?
Vous êtes pourtant l’un des plus concerné étant le premier responsable du département de l’Education. N’est-ce pas un ouf de soulagement pour vous de voir cette lueur d’espoir pointer à l’horizon pour le dénouement de la crise ?
Oui je suis le maillon faible de ce système. C’est mon département qui est en grève. Au lieu que tout le système ne soit en grève, c’est le ministère de l’éducation qui est en grève. Néanmoins je m’en réjoui très sincèrement de cette rencontre. Toute démarche qui peut ramener les enfants à l’école est à saluer. Si j’ai un souci aujourd’hui, c’est le fait de voir éternellement les enfants rester à la maison. Et qu’il n’y ait aucune lueur d’espoir de négociation pour que cela soit transcender. Cela m’intriguait beaucoup, mais Dieu merci le verrou a sauté hier.
Les acteurs ont été mis en place et pas les moindres. Mon département va en bénéficier. Les enfants vont profiter des résultats qui vont sortir de ces rencontres, franchement je m’en réjoui. Il y a un dialogue est ouvert. Les personnes qui composent cette commission ne sont pas n’importe qui. Avec toutes les expériences qu’ils ont, ils pourront mettre la crise derrière nous pour la bonne reprise des cours dans les écoles.
A l’entame de vos propos vous avez indiqué que vous n’avez pas été conviés à la rencontre. Avez-vous un petit pincement de cœur ?
Mais justement ! Vous savez que je suis victime d’une grève, tout ce qui est demandé, je ne suis pas responsable de ça. L’augmentation de salaire ne relève pas de mon département. Le paiement des 40% ne relève pas de moi aussi, la levée de la suspension du salaire de Soumah relève de la fonction publique. Ces trois points ne sont pas gérés par mon service.
Mais c’est vrai, ce sont les travailleurs de mon service qui sont en grève. Mais aller négocier qu’est-ce que je peux apporter à cette négociation ? Alors que je n’ai aucune solution par rapport au paiement des 40% ou rehausser le salaire à 8 millions. Je pense que ça soit moi ou pas s’il y a des personnes ressources qui peuvent apporter la solution, c’est ce qui est important.
Pratiquement il y a eu deux mois de cours perdus. Que comptez-vous faire à la reprise pour combler les heures perdues ?
Je suis enseignant pédagogue. Avec mes inspecteurs on a déjà analysé, nous sommes à la 23ème semaine de l’année scolaire. Selon le calendrier, on devrait être à 82% d’exécution du programme s’il n’y avait pas eu les troubles qui nous ont fait perdre 11% dans l’exécution du programme au niveau du secondaire et 10% au niveau de l’élémentaire. A la reprise on peut rattraper rapidement ce retard là en annulant le congé de pâques, réaménager le programme avec des cours de rattrapage parce qu’au secondaire on est 76% de l’exécution du programme et à 66% dans l’élémentaire.
Est-ce qu’on ne risque pas de surcharger les élèves après tout Monsieur le ministre ?
Pas du tout ! Pour votre information nous avons un gain de 3 semaines. C’est-à-dire le programme était callé sur 7 mois de cours et nous avons fait en sorte que cette année soit 9 mois de cours. Donc nous avons deux mois de plus sur le nouveau calendrier. Les écoles ouvraient ses portes en octobre mais l’année scolaire en cours nous avons ouvert en septembre. Académiquement nous n’avons pas un souci sur le déroulement du programme.
Comment vous-vous sentez Monsieur le ministre avec toutes ces crises ?
Bon ! Je ne me sens pas bien dans mon corps. Pourquoi ? Pour votre information hier j’ai fait mes 365 jours à la tête de ce département, j’ai été nommé le 27 février 2017. Et hier c’était le 27 février 2018. On aurait dû me donner une année pour que je démontre ce que j’ai comme expérience dans l’éducation. Pratiquement je suis venu au mois de Mars 2017 je n’ai fait qu’organiser les examens nationaux. A la rentrée des classes de cette année, nous n’avons fait que septembre et octobre. Aussitôt les grèves ont commencé au mois de Novembre. Pratiquement je n’ai pas pu imprimer mon image sur ce département. Je n’ai pas eu le temps précis pour exprimer, montrer à mes concitoyens ma vision, mon expérience sur l’éducation guinéenne que ça soit en pédagogie ou en enseignement. C’est le mauvais réconfort là que je ressens. On aurait pu me donner un peu de temps mais hélas Dieu en a décidé autrement.
Vous auriez été tout de même fier si le salaire des enseignants est rehaussé à 8 millions à votre temps ?
Est-ce que l’augmentation de salaire c’est seulement au niveau du ministère de l’éducation nationale ? Je dis non ! L’augmentation de salaire sera bénéfique pour tous les enseignants, qu’ils soient du pré-universitaire, du supérieur ou de l’enseignement technique. On ne donnera pas seulement aux enseignants qui relèvent de mon département, c’est tous les ministères en charge de l’éducation qui vont en bénéficier. Seulement je souffre parce que la porte d’entrée est chez moi, je suis le maillon faible de ce gouvernement, je gère les tout petits. Donc ce n’est pas facile, sinon les autres départements n’ont pas suivi le mot d’ordre de grève alors que le SLECG on dit bien syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée. On aurait dû voir l’enseignement technique et le supérieur dans le mouvement mais eux ils n’ont pas bougé. C’est le ministère de l’éducation nationale seulement qui est affecté par cette grève. Une augmentation de salaire c’est bon ça fait plaisir. Moi-même j’ai été syndicaliste pendant 25 ans, je me suis battu pour l’augmentation de salaire et l’amélioration des conditions de vie des enseignants.
Avez-vous un regret de n’avoir pas pris cette grève au sérieux dès au départ ?
S’il-vous-plait ! La manière dont la situation était arrivée est-ce qu’on avait autorisé le ministère d’approcher ces revendicateurs ? Si on m’avait donné l’opportunité de les rencontrer parce que c’est un milieu que je connais très bien, je connais bien les meneurs, Soumah dont il s’agit, on avait plus de 20 ans de carrière ensemble dans le mouvement syndical. Peut-être que j’aurais mis tout ce passé là au profit pour trouver une solution. Mais des instructions ont été données à tous les membres du gouvernement de ne pas approcher ce mouvement. Sinon on aurait pu faire quelque chose. Quoique qu’on dise aujourd’hui, les gens disent qu’on a banalisé, pourtant un gouvernement il y a des instructions qu’on donne par rapport à une situation. Il faut les adopter. Je pense que j’ai été mis un peu à l’écart de ce mouvement.
Je ressens beaucoup d’amertumes parce que pour l’opinion c’est moi le problème. Parce que c’est après une autre de grève qui a fait 10 morts que je suis venu. La grève avait été suspendue, les points de revendication n’avaient pas été solutionnés, ce qui n’avait pas été négocié a refait surface à mon arrivée. La première grève j’étais directeur communal de l’éducation, je n’étais pas membre du gouvernement. Donc je n’avais pas participé à la négociation. J’ignorais les tenants et les aboutissants de ce protocole d’accord. C’est après 5 mois de cela que je suis nommé et les mêmes points refont surface.
Avez-vous le sentiment d’avoir échoué dans la gestion de cette crise mais aussi dans l’objectif que vous vous étiez fixé à votre prise de fonction ?
Sur le plan professionnel et pédagogique je n’ai pas échoué. J’ai pu faire certaines reformes malgré que je n’ai pas encore fait un an. Par exemple au niveau des évaluations, au moins vous le savez le Bac le plus crédible en Guinée, c’est celui de l’année dernière. Il y a eu beaucoup d’influence pour que je repêche j’ai refusé. J’ai renoncé à la prise en compte des moyennes annuelles qui étaient une source de fraude, le résultat de cet examen a été apprécié même à l’international. Ensuite j’ai élaboré un nouveau calendrier scolaire pour adopter. Celui utilisé dans la sous-région, le volume horaire de la République de Guinée avant mon arrivée était de 600 heures par année scolaire alors que le volume horaire dans la sous-région est de 900 heures et plus par an. La Guinée était déficitaire de 300 heures que j’ai ramenées.
Nous avons désormais le standard en matière de calendrier scolaire et d’autres reformes sont aussi venus s’ajouter à ça. Après cet imbroglio je prétends introduire la 2ème session du baccalauréat en République de Guinée. La Guinée est le seul pays qui ne donne pas une seconde chance à un enfant qui a composé dans 7 matières. Et s’il échoue dans une seule matière il revient à zéro dans tout ce qu’il a fait au cours de l’année scolaire. Alors que dans d’autres pays on organise une deuxième session pour ceux qui ont échoué dans une ou deux matières.
Par rapport à la gestion de la crise je ne peux pas m’en vouloir. Je ne suis ni en amont ou en aval. Je me suis retrouvé tout simplement dans une crise. Même si je partais demain, je n’aurai pas d’amertume par rapport à cette crise. Parce que je ne m’en veux pas dans cette crise. Au contraire je suis victime de cette crise.
Monsieur le ministre merci
Merci beaucoup
Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah et
Diallo Boubacar pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 93 45 45
Créé le 1 mars 2018 11:59
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