Le fils de Chérif Bah parle : « Mon père est incapable de faire du mal à une mouche… »
PARIS-Le fils aîné du vice-président de l'UFDG, Ibrahima Chérif Bah a brisé le silence ! Alhoussainy Cherif BAH demande au Président Alpha Condé de libérer son père ainsi que tous ses codétenus. Dans cette interview qu'il nous a accordée, M. Bah parle des démarches entreprises par la famille pour obtenir la libération de son père. Pour lui, les faits de fabrication d’armes de guerre, destruction de biens publics, reprochés à son papa frôlent tout simplement le ridicule. Au président Alpha Condé, lui a adressé un message particulier.
AFRICAGUINEE.COM : Votre Papa Ibrahima Chérif Bah est en détention depuis deux mois. Comment son absence est-elle vécue dans la famille ?
ALHOUSSAINY CHERIF BAH : Dans un premier temps, c’est avec une très grande surprise que nous avons appris la nouvelle de l’arrestation puis de la détention de mon père et de ses collaborateurs. En effet, lorsqu’on connait le personnage, ce qu’il représente pour le pays et ce que le pays représente pour lui, c’est assez difficile de s’y faire. Comme vous pouvez l’imaginer, il nous a fallu un certain temps pour appréhender et réaliser ce qu’il se passait mais à présent c’est chose faite.
Deux (2) mois, ce n’est pas deux (2) jours donc « Oui », son absence commence à se faire sérieusement sentir au sein de la famille. En effet, mon père constitue le pilier central d’une très grande famille et sert également de repère à chacun de ces membres.
Par conséquent, je ne vous cache qu’il y a un engouement fort de tous les membres de cette grande famille autour d’actions qui ont pour but la libération des détenus. Tout le monde met à contribution toute son énergie pour permettre la résolution rapide de cette situation.
Vous avez rencontré de nombreuses personnalités françaises de haut rang dont des députés pour mettre l’action diplomatique en jeu pour obtenir leur libération. Où en êtes-vous dans ce processus ?
Il est important ici de rappeler un peu l’historique sur ce point. Comme je le disais tout à l’heure, c’est un évènement que nous avons accueilli avec surprise. Nous étions encore dans l’appréhension des évènements lorsque nous avons été approchés par des amis et proches français de mon père qui étaient surpris au même titre que nous. Connaissant l’homme, Ils sont tout de suite arrivés à la conclusion qu’il était question d’affabulation et s’agissant d’un problème juridique, qu’il fallait rapidement faire intervenir des experts de renommée internationale. C’est dans ce cadre qu’ils ont pris les devants et facilité les démarches de façon à ce que les célèbres avocats dont vous avez entendu parler se saisissent immédiatement du dossier. Ce sont également les mêmes proches qui ont facilité la prise de contact avec le Sénateur Jean-Yves Leconte ainsi qu’avec le groupe parlementaire d’amitié France-Guinée présidé par Mme la députée Laurent Dumont.
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Ces échanges ont été l’occasion pour nous de leur faire part des évènements graves qui se passent dans notre pays, de l’injustice que nous venions de vivre et leur demander également de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de permettre la libération rapide des détenus.
Plus globalement, le but de notre démarche, en tant que famille, c’est d’utiliser tous les moyens légaux et diplomatiques à notre disposition, pour que la lumière soit faite sur ces évènements afin que les différentes personnes concernées puissent recouvrer leur liberté dans les plus brefs délais.
J’ai cité quelques actions qui sont aujourd’hui connues du publique mais comme vous pouvez l’imaginer, il y a d’autre démarches qui sont également en cours de façon plus discrète. Tout ça pour vous dire qu’un certain nombre de personnalités (Françaises, Européennes et Américaines) mettent toute leur énergie sur ce dossier afin de faire bouger les choses dans le bon sens.
Par ailleurs, il est important de rappeler ici que le parti UFDG était également sur le point de mandater des avocats internationaux pour assister le collège de défense sur place. Etant donné que nous avions déjà initié des démarches du côté de la famille, l’UFDG en a pris acte et a décidé de soutenir l’action engagée plutôt que multiplier les démarches. Il est important de noter cela.
Est-ce qu'il est vrai que les avocats que vous avez engagés sont annoncés à Conakry cette semaine ?
En effet, un des jalons du plan d’action des avocats est de se rendre à Conakry afin de rencontrer physiquement leurs clients. Suite à notre dernière réunion de travail, ils m’ont confirmé avoir initié les démarches administratives dans le cadre de l’obtention de leurs visas et que la procédure suivait son cours. Il semblerait toutefois qu’à cause de la pandémie de Covid-19, la procédure soit différente et impliquerait un circuit administratif plus long. Qu’à cela ne tienne, ils vont bientôt arrivés à Conakry, c’est l’objectif de notre démarche qui est également un point prioritaire de leur plan d’action.
Ce dossier est éminemment politique. Ne craignez-vous pas que les autorités leur fassent obstacle dans l’obtention des visas ?
Je mettrais un peu l’aspect politique de côté. L’initiative de notre démarche comme vous avez dû le comprendre vient des proches et de la famille. En partant de ce postulat, nous avons en face un gouvernement qui à travers le procureur reproche à mon père et à ses collaborateurs un certain nombre de faits. Lors de ses différentes interventions qui ont suivi leurs incarcérations, le gouvernement a confirmé publiquement qu’il ne s’agissait pas d’un problème politique et que c’était plutôt à la justice de faire son travail.
Au vu de ces éléments, il n’y a aucune raison que le gouvernement refuse l’octroi de visa à des avocats internationaux qui viennent dans le cadre de la légalité pour représenter leurs clients.
S’il y a une justice dans ce pays comme le prétend le gouvernent et qu’il n’y a rien à cacher, il n’y aucune raison que les visas leurs soient refusés.
Votre maman a déclaré récemment qu’elle ne s’est jamais aussi longtemps séparée de votre père. Comment vit-elle cette situation de solitude en ce moment ?
Ma mère n’est plus à décrire et l’opinion conviendra avec moi qu’il s’agit d’une femme forte. C’est d’ailleurs elle qui apporte toute l’énergie nécessaire à cette grande famille afin qu’elle reste soudée et que le moral reste d’acier. Aujourd’hui je sais que c’est difficile pour elle de vivre éloigné de son mari. Mais je sais aussi que son fort mental et sa détermination vont lui permettre de surmonter cette étape que la vie nous impose.
Est-ce que vous arrivez à échanger avec M. Cherif BAH depuis sa détention ?
Malheureusement pas directement mais plutôt de façon interposée via soit les avocats soit ma mère ou ma sœur qui lui rendent visite de temps en temps. Aujourd’hui, ce sont les seuls canaux de communication que j’ai avec lui. En effet, cela va faire bientôt 3 mois que je n’aurais pas entendu la voix de mon père…. Je vous avoue que c’est inédit pour moi et assez perturbant.
Avez-vous été bouleversé d’entendre que votre papa est accusé de fabrication et de détention d’armes ?
Effectivement j’ai été choqué, très choqué ! D’autant plus que quand on connait le personnage, on n’a pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre de quoi il s’agit…C’est en effet assez gros.
Les personnes qui connaissent vraiment l’homme ne peuvent pas nier ce qu’il a fait pour ce pays, pour sa monnaie, pour l’administration, pour la formation des cadres, etc…
Du côté de la famille, on peut dire que mon père est la « médiation » personnifié : c-à-d qu’il a toujours privilégié le dialogue et les concessions dans le cadre de la résolution des conflits. Il n’a jamais rejeté ni exclu personne même lorsque la faute était jugée impardonnable. Il a toujours donné l’opportunité aux personnes en défaut de se racheter. Toujours au sein de la famille, il a toujours fermement lutté contre la violence sous toutes ses formes. Mon père est littéralement incapable de faire du mal à une mouche.
Alors quand on entend les faits qui lui sont reprochés notamment fabrication d’armes de guerre, destruction de biens publics, cela frôle tout simplement le ridicule.
Avez-vous un appel au président de la République ?
Je demande au président de la république de libérer mon père ainsi que tous ses codétenus. Je le disais tantôt, il me semble que mon père est une personnalité de son pays qui a un bilan concret et palpable. Mon père est Guinéen et n’a aucune autre nationalité (et ce ne sont pas les occasions qui ont manqués). Mon père a vécu toute sa vie en Guinée alors qu’il aurait pu vivre en occident et rester loin des problématiques auxquelles fait face son pays. Mon père est un patriote et ne ferais jamais rien qui pourrait nuire à son pays.
Mon père a tous ses biens et toute sa famille en Guinée et vous conviendrez avec moi qu’il est impossible de fuir un pays en emportant avec soi ses biens immobiliers. Mon père est incarcéré depuis bientôt 3 mois et n’a pas encore été entendu par un juge. Il est incarcéré depuis bientôt 3 mois sans qu’aucune preuve soutenant les faits qui lui sont reprochés n’ait été mise à disposition de l’opinion publique.
Aujourd’hui la quasi-totalité des frontières terrestres sont fermés. Nous avons également observé qu’un certain nombre de personnalités ont été empêchées de quitter le pays via l’aéroport international de Conakry ce qui confirme que les frontières aériennes sont également filtrées par le gouvernement.
Au vu de tous ces éléments, il est clair que mon père n’a littéralement nulle part où aller et donc mécaniquement, il n’y a aucune raison qui justifie sa détention. Par conséquent, je demande au président d’accepter que lui et ses codétenus puissent bénéficier de la liberté provisoire jusqu’à ce que la justice fasse son travail.
Par ailleurs, le gouvernement se targue de dire dans les médias que nous avons une justice transparente et qu’il va falloir attendre qu’elle joue son rôle. Au vu des nombreux vices de procédure et lenteurs, ce n’est pas le ressenti que nous avons sur le terrain. Nous souhaitons que les paroles rejoignent les actes.
Je demanderai donc également au président de bien vouloir mettre tous les moyens en œuvre pour permettre à la justice de faire son travail et de rapidement mettre la lumière sur ces évènements afin de rétablir chacun dans ses droits.
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africguinee.com
Tél. : (00224) 655 311 112
Créé le 19 janvier 2021 12:42
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