Le député Aly Kaba parle: « Solliciter la CPI est une bonne chose… »(Interview)
CONAKRY-Le député Aly Kaba qui a la charge de diriger le groupe parlementaire RPG arc-en-ciel pour cette neuvième législature brise le silence. Dans cette interview, nous avons évoqué avec ce parlementaire de nombreux sujets brûlants de l’actualité sociopolitique du pays. Entretien exclusif !
AFRICAGUINEE.COM : Vous venez d’être élu Président du groupe parlementaire RPG arc-en-ciel pour cette 9ème législature. Peut-on savoir quels sont vos premiers sentiments ?
HONORABLE ALY KABA : Je commencerai par rappeler la procédure d’élection d’un président au niveau d’un groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale. Le vote pour le bureau du groupe parlementaire se fait par signature. L’ensemble des députés inscrits dans le groupe matérialisent par signature leur vote en faveur du Président, du vice-président et du rapporteur. C’est la procédure.
Quant aux sentiments, je commencerai par dire que j’ai un sentiment de reconnaissance et de remerciementà l’endroit de mes feux parents de mes pairs députés qui ont bien voulu porter le choix sur ma modeste personne. Mes remerciements vont également à l’endroit de la direction nationale du RPG arc-en-ciel mon parti qui m’a permis d’être élu comme député. J’exprime aussi ma profonde gratitude et ma reconnaissance au père fondateur du RPG Pr Alpha Condé, Président de la République, chef de l’Etat.
Vous êtes à la tête d’un groupe parlementaire composé de plus de 80 députés sur 114 avec en face une opposition moins représentée surtout moins belligérante que celle qu’on a connu dans la législature précédente. Peut-on dire que vous êtes assez chanceux ?
Elle est bien sûr moins représentée contrairement à la 8eme législature par rapport au nombre de sièges qu’avait l’opposition. Une chance, je ne crois pas forcément. Mais il y a un avantage que je présage déjà puisque contrairement à la 8ème législature où nous avions une opposition d’inquisition, allant dans le sens de la pratique de la politique politicienne. Chose qui nous amenait souvent à laisser de côté l’essentiel parce que tout simplement l’hémicycle se transformait en sièges des partis politiques. J’ose croire cette fois-ci nous aurons beaucoup plus de sérénité et que cette opposition que nous avons en face va mesurer toute la responsabilité que le peuple de Guinée a bien voulu confier à chacun de nous pour porter leurs voix, voter les lois dans la plus grande sérénité pour l’intérêt supérieur de la nation. Donc si vous qualifiez cela de chance, en tout cas une atmosphère beaucoup plus sereine à mon avis règnera pendant cette 9ème législature.
Votre prédécesseur qui vient d’être porté à la tête de cette Assemblée, honorable Amadou Damaro Camara avait en face l’opposition très puissante, mais il avait quand même tant bien que mal réussi tenir la dragée haute. Quelle va être votre marque à la tête de ce groupe parlementaire ?
Je reconnais effectivement que l’honorable Amadou Damaro Camara, actuel Président de l’Assemblée Nationale a accompli avec beaucoup de dynamisme et de dextérité ce rôle du président du groupe de la majorité. Je ne reviendrai pas assez sur l’opposition qui était en face à l’époque, mais il a su mesurer la charge, de façon collective et individuelle, il a défendu efficacement les positions du groupe. Personnellement, je mesure également les charges, mais je me dis que l’on doit toujours faire et laisser le soin aux siens d’apprécier.
Au vu de tout ce qui s’est passé ces derniers mois en Guinée avec les manifestations meurtrières contre le référendum et les législatives, bon nombre d’observateurs estiment que cette Assemblée souffre d’un déficit énorme de légitimité. Avez-vous la même lecture ?
Je crois que ça c’est un point de vue qui ne se justifie pas. La démocratie en terme clair c’est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. Ceci dit, le double scrutin du 22 mars a connu une forte participation quand bien même une frange importante avait été empêchée de voter par des comportements de nature à saper le fondement démocratique. Vous conviendrez avec moi que certains militants des partis politiques de l'opposition radicale( UFDG) en-tête sont attaqués à des bureaux de votes, saccagés le matériel électoral, brulés certains bureaux de votes, agressés des électeurs, pour faire en sorte qu’un chaos s’installe. Malgré tout, sur l’ensemble du territoire les bureaux ont ouvert, l’engouement était présent, les électeurs se sont exprimés librement et les résultats en font foi. Je ne vois nullement ce manque de légitimité que d’aucuns voudraient coller à cette Assemblée Nationale.
Pourtant la France, l’Union Européenne, les Etats Unis n’ont pas reconnus les élections estimant qu’elles ont été entachées de beaucoup d’irrégularités et de violences. Pour sa part, la CEDEAO a eu une réaction assez mesurée. Ne craignez-vous pas un isolement de l’institution parlementaire au plan international ?
Je ne le pense pas. Parce que d’un côté vous citez les pays ou institutions qui ont tendance à porter des griefs contre le scrutin ,mais à côté vous ne citez pas aussi d’autres qui félicitent et reconnaissent la légitimité dudit scrutin. Parmi les membres du conseil de sécurité vous conviendrez avec moi que la Chine, la Russie, la Turquie reconnaissent ces élections. Et je vous j’avoue que la France, les Etats Unis, l’Union Européenne et j’ai lu même la déclaration de l’Union Européenne qui dit que l’objectif recherché aujourd’hui c’est de renouer le fil du dialogue en vue de mieux préparer les futures élections. Ça veut dire que c’est derrière nous.
Nous avons une appréhension, c’est que nous sommes toujours préoccupés de savoir qu’est-ce que les Etats Unis, la France en un mot l’extérieur porte comme appréciation sur nos scrutins mais de l'autre côté, nos points de vue ne sont pas comptés. Depuis 2016, jusqu’à présent on continue à interpréter diversement la victoire de Trump. Tantôt on parle d’ingerence russe etc. Nos avis ne sont nullement considérés pour apprécier ou d’apprécier les élections dans ces pays.
Bien qu’étant des partenaires, il est important qu’ils sachent, qu'une élection est avant tout un acte de souveraineté. J’espère qu'ils reviendront à de meilleurs sentiments, et reconsidérer leurs positions . Ce qui reste , cette assemblée jouit de toute la légitimité.
Que pensez-vous du signalement que le FNDC a adressé à la Cour Pénale Internationale suivi de la contre-attaque du gouvernement ?
Je suis tout à fait d’accord que la lumière soit faite sur tous les crimes commis. Il faut dire qu’il est très facile d’accuser. La CPI est une juridiction internationale, mais en amont nous avons les juridictions nationales. Là en l’occurrence, on sait que les violences sont occasionnées ou engendrées par l’opposition. Vous conviendrez avec moi que des mots d’ordre ont été donnés de faire en sorte que tout soit brulé, casser les bureaux de vote, empêcher les sociétés minières de fonctionner, empêcher l’aéroport et le port de fonctionner, tout ça relève d’une insurrection. Et le jour du vote vous avez vu combien de fois la violence s’est emparée de certaines de nos villes. Alors il est aujourd’hui important que toute la lumière soit faite pour dédommager s’il le fallait, parce que les forces de défense et de sécurité sont toujours incriminées par cette opposition qui fait croire que c’est elles qui tirent à balles réelles.
Je vous donne un exemple, nous avons vu ici un de vos confrères Koula qui a été abattu dans le siège d’un parti politique à l’occasion d’une réunion des dirigeants de cette formation politique en présence des militants, des responsables. Jusqu’à présent aucun auteur n’a été identifié et pourtant il n’y avait aucun agent des forces de défense et de sécurité. C’était la sécurité interne. Donc aujourd’hui solliciter la CPI c’est une bonne chose, mais il faudrait bien que la justice guinéenne face un travail. Et quand ce travail commence on voit ce qui se dit. Je suis parfaitement d’avis que le gouvernement apporte les preuves à la CPI pour montrer sa bonne foi dans l’identification afin d’interpeller, traduire en justice et éventuellement punir les auteurs, les coauteurs ainsi que les commanditaires des crimes.
Mais n’est-ce pas gênant pour les autorités guinéennes qu’elles soient accusées des crimes contre l’humanité tout simplement parce qu’elles n’ont pas pu rendre justice aux victimes ?
Non pas du tout.Vous me permettrez de revenir sur un passage que j’ai lu dans l’une des déclarations de monsieur Cellou Dalein Diallo, ancien député et ancien chef de file de l’opposition. Je cite textuellement ce qu’il a dit ‘’Alpha Condé est plus préoccupé à mater le FNDC qui l’a tenu tête qu’à lutter contre le Coronavirus. Après le kidnapping à Conakry de Cécé Loua et de FassouThéa, l’arrestation à N’zérékoré et la déportation à Kankan de 42 autres fils de la forêt’’. Une telle déclaration est de nature à compromettre la paix sociale et l’unité nationale quand on sait qu’il y a eu une véritable violence à N’zérékoré. Que des suspects soient interpellés dans les règles de l’art qu’on qualifie ceux-là de fils de la forêt, je ne trouve pas cette déclaration suffisamment responsable de quelqu'un qui souhaite présider aux destinées de notre pays.
Quand des suspects sont interpellés au lieu de laisser la justice faire son travail, on trouve moyen de charger le gouvernement pour dire voilà encore on est en train d’arrêter nos militants. Faut-il laisser ces crimes impunis ? Je dis non. L’opposition est dans son rôle. Et ça été le sport favori de monsieur CellouDalein Diallo de faire en sorte que tout soit mis sous l’angle communautaire. Il l’a tout le temps usé de ces stratégies pour opposer les guinéens. C’est décevant mais le gouvernement est serein. Nous attendons que toute la lumière soit faite sur les différents crimes commis en République de Guinée. Une chose cependant reste claire, aucun agissement n’empêchera la justice de faire son travail et tous les criminels seront traqués jusque dans leurs derniers retranchements.
Aujourd’hui le climat défiance est tel qu’il est impossible de concilier les positions, on voit le nouveau président de l’assemblée nationale s’inscrire dans une logique d’apaisement mais de l’autre côté l’opposition accuse le pouvoir d’instrumentaliser la crise au Coronavirus pour régler des comptes politiques. Comment dans ces conditions-là on peut favoriser un climat de dialogue ?
Sur ce sujet, je vous dirai réellement que le président de l’Assemblée Nationale Amadou Damaro Camara est au grand sérieux, il est en train de se battre dans ce sens. Mais on ne saurait justifier l’impunité par la présence d’une maladie. Ce n’est pas parce que Coronavirus est là qu’on va laisser les criminels disparaitre dans la nature. Ce n’est nullement un argument suffisant. Ceux qui ont commis les crimes quel que soit la période,et le lieu la justice va tout faire pour les interpeller. Tous les citoyens jouissent à priori de la présomption d’innocence jusqu’à l’établissement de leur culpabilité ou de leur acquittement.
Beaucoup ont le sentiment que cette justice est à géométrie variable. Les déclarations des ONG internationales de défense des droits de l’homme sont des exemples parmi tant d’autres.
Je vous renvoie à la déclaration du gouvernement. Au lieu de produire des rapports sur la base des informations qui sont souvent recueillies auprès des militants d’un camp, ces ONG, ces associations doivent faire les investigations à tous les niveaux. Aucune porte ne leur est fermée, ils peuvent passer pour avoir la bonne information que de prendre des informations partielles les relayer et incriminer un camp .
Quels commentaires faites-vous sur les violences survenues à Coyah où cinq citoyens ont été tués par des gendarmes et bérets rouges selon les témoignages des parents des victimes ?
Rien ne prouve qu’il n’y aurait pas d’enquête, ni d’arrestation ou du jugement. Attendons de voir, le gouvernement a condamné fermement et nous l’avons également condamné fermement à notre niveau. Nous sommes sereins, conscients et convaincus que des enquêtes seront effectuées en vue de traduire les auteurs, les commanditaires et les coauteurs afin qu’ils puissent subir la rigueur de la loi.
Les élections présidentielles sont prévues cette année alors que l’épidémie de Coronavirus n’est pas maitrisée. Faut-il craindre un glissement ?
Je ne le souhaite pas. Vous savez qu’avec près de 100.000 morts dus au Covid-19, les Etats-Unis s’engagent à organiser les élections, le Mali dont le pays est divisé en plus de la présence du Coronavirus a organisé ses élections, la Côte d’ivoire à côté aussi organisera les élections cette année. Donc, j’ose croire que l’élection se tiendra à bonne date dans notre pays .
Est-ce que le Président Alpha Condé sera représenté à nouveau par le RPG ?
La question n’est pas à l'ordre du jour.
De l'autre côté, Cellou Dalein Diallo a appelé les guinéens à s’armer davantage de détermination pour le départ du Président Alpha Condé à la fin de son second mandat cette année…
Ce n’est pas le bon vouloir de CellouDalein Diallo pour que quelqu’un soit Président ou pas, puisque lui-même il se porte candidat. Mais ces propos n’engagent que monsieur Cellou Dalein Diallo et à lui d’en tirer les conséquences, ça n’engagent pas le peuple de Guinée.
Votre mot de la fin ?
C’est un souhait de voir éradiquer la pandémie de Coronavirus dans notre pays et dans le monde entier et souhaiter la paix, la sécurité, la quiétude pour notre pays. Faisons tout pour que nous puissions nous accepter mutuellement et que l’unité nationale soit renforcée. J’ose croire que si nous guinéens nous nous faisons mutuellement confiance, nous pouvons nous asseoir autour de la table du dialogue, débattre de nos problèmes et trouver les solutions. Il faut que nous en arrivions là et que nous parlions franchement afin que nous puissions aller de l’avant et faire en sorte que les prochaines élections soient préparées dans les bonnes conditions et qu’elles se tiennent dans un climat de sérénité.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 18 mai 2020 08:55Nous vous proposons aussi
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