Lansana Kouyaté : « pourquoi François Hollande a renoncé à un second mandat… » (Interview)

Lansana Kouyaté, ancien Premier Ministre

CONAKRY- Qu’est-ce qui pourrait expliquer le recul pris par le Président François Hollande à briguer un second mandat ? Le monde doit-il s’attendre à de grands bouleversements politiques ? Pour l’ancien Premier Ministre guinéen Lansana Kouyaté, c’est un nouvel ordre mondial qui est entrain de se mettre en place. Entretien exclusif !!!


 

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Lansana Kouyaté bonjour !  Quelle analyse faites-vous du renoncement du Président Français François Hollande à briguer un second mandat ? 

LANSANA KOUYATE : Le renoncement du président français François Hollande à briguer un deuxième mandat ne m'a pas trop surpris. Son mandat a été d'un tumulte rarement égalé en Europe et dans le monde. Les attentats sanglants survenus en France ont, dans un premier temps, renforcé l'unité entre français, et dans un deuxième temps suscité des critiques lorsque surtout, devant le congrès des deux chambres (Assemblée Nationale et Sénat), il évoqua avec véhémence la déchéance de la nationalité française de tout français suspecté de connivence avec le terrorisme. Comme il l'a dit lui-même il ne s'attendait pas à ce que ce projet déclenchât plutôt une violente scission de la fragile unité entraînée par les attentats. A mon avis ce ne fut pas la seule cause. Il a eu un mandat avec des résultats réels au plan international qui ont fait la fierté des français. Au plan économique son bilan n'est pas aussi catastrophique qu'il aurait pu l'être.

Malgré toutes les brillantes analyses qui nous viennent de l'hexagone, je crois que François Hollande a été victime du décalage total, à un moment donné, entre le programme de gauche, socialisant et solidarisant sur lequel il a été élu et le virage qu'il a dû faire face aux réalités économiques qui l'ont entraîné dans des réformes libérales non accommodables avec l'attente de la gauche. Le point nodal de ce bouleversement a été le départ du premier Ministre Jean Marc Ayrault et l'arrivée de Manuel Valls perçu par la gauche comme social-libéral. La désignation de Emmanuel Macron aux finances a achevé l'éloignement de la gauche traditionnelle de François Hollande.

 Un tel virage n'est pas nouveau en France. François Mitterrand a dû prendre la même voie. Les rêves idéologiques s'arrêtent là où commencent les réalités du marché, celles d'une économie en mutation. Je crois sincèrement que Mitterand a eu un deuxième mandat parce qu'il a eu, contre son gré à commencer l'expérimentation de la cohabitation. Jacques Chirac est passé par le même tournant. Beaucoup ont trouvé naïve la dissolution de l'Assemblée Nationale. Sans elle Chirac n'aurait pas eu de deuxième mandat. Le premier ministre Jospin à qui a été filée la patate chaude, a été d'une telle impopularité (héritée de Dominique De Villepin), qu'il fût battu au premier tour par Jean Marie Lepin. C'était du pain béni pour Chirac, l'opinion française n'étant pas alors préparée à franchir le pas vers l'extrême droite. Peut-être François Hollande a-t-il manqué une cohabitation à laquelle les français se sont finalement habitués.

Du brexit à la présidentielle américaine, et tout récemment les résultats de la primaire à la droite française, que de grandes surprises dans le jeu politique occidental. Comment expliquer cela ?

Un nouvel ordre mondial est en train de se mettre en place sans que ce ne soit l'ordre auquel l'on aspirait. Le Brexit est un repli des britanniques, l'élection de Trump sonne une promesse de repli de l'Amérique sur elle-même et l'élection de Fillon raisonne comme un réveil du conservatisme courageux à la Thatcher. L'Europe en sera, peu ou prou, affectée. Le libre échangisme qui était présenté comme salutaire, reculera devant le protectionnisme où germera l'escalade des taxes d'entrée quasi prohibitive. La mondialisation en prendra un coup. L'analyse des causes d'une telle mutation venue de la base permet de penser que les politiques classiques ne donnent plus aux populations les bénéfices escomptés.

L'extérieur est souvent perçu comme la cause. Aux Etats-Unis d'Amérique se pose un défi de taille : comment maintenir une suprématie mondiale (qui a pourtant un assez long moment devant elle) lorsque se pointent à l'horizon de nouvelles puissances ? A tous égards la Chine réuni les atouts d'une puissance concurrente aux plans économique, voire militaire. Je dis en passant que depuis le 15ème siècle, les puissances prépondérantes qui se sont succédés sont toutes nées et toutes tombées de la même manière. Paul Kennedy, un brillant historien Britannique en a décrit, de façon saisissante, les différentes péripéties dans un ouvrage d'anthologie : Naissance et déclin des grandes puissances. Il faut espérer que tous ces changements intramuros nationalistes et isolationnistes n'entraîneront pas de conflit aux dimensions planétaires. Il est plus qu’opportun d'oser démanteler les arsenaux nucléaires dans tout le monde. Le nationalisme impénitent aboutit à tous les dangers et aventurismes.

 

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel. : (00224) 655 311 112

Créé le 3 décembre 2016 10:05

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