Labé : comment Mariama Bailo a été amputée des deux pieds après une visite chez un marabout…
LABE- L’histoire de cette femme vous fera certainement réfléchir plus d’une fois avant d’aller consulter un marabout. Mariama Bailo Diallo, a vu son destin basculer un jour de l’année 2013 après avoir été chez un marabout du nom de Dr Goureissy. Mère d’une petite fille de 3 ans, Mariama Bailo vit des jours très sombres au quartier Daka, dans la commune urbaine de Labé. Très discrète depuis un certain temps, Mariama Bailo Diallo a bien voulu se confier à notre rédaction. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Bonjour Madame !
MARIAMA BAILO DIALLO : Bonjour Monsieur !
Racontez-nous un peu votre histoire. Comment vous vous êtes retrouvée avec les deux jambes amputées ?
Je suis Mariama Bailo Diallo. Ce qui m’est arrivé dépasse toute imagination car j’ai perdu mes deux jambes dans l’intervalle d’un an. Tout a commencé par des maux de pieds que j’ai ressentis un matin lors que je prenais une douche. Je pense que c’était 2013.
Un homme du nom de Docteur Ghoureissy m’a épousé. Je ne sais pas réellement comment cette union est arrivée. Quelques mois après notre mariage, alors que j’étais enceinte de l’unique fille que j’ai eue avec lui, les pieds m’ont fait mal d’un coup dans les toilettes. J’ai trouvé un remède pour l’un, l’autre a continué à me faire mal. C’était le pied droit. Mon mari (docteur Ghoureissy) m’a envoyé dans son village pour un traitement à travers la pharmacopée, mais ça n’a pas tenu. Finalement à force de rester au village, le pied s’est gangrené. Il fallait venir à l’hôpital. Vu mon état critique, les médecins de l’hôpital régional de Labé nous ont instruit d’aller à Conakry. Le médecin qui m’a traité à Conakry, dès qu’il a tenté d’enlever la bande sur la plaie, le pied s’est charcuté d’un seul coup. Une chose qui a étonné le médecin et nous tous d’ailleurs. Le médecin m’a dit sur place qu’il a amputé beaucoup de patients pendant plusieurs années mais la maladie que je traine, jamais il n’a vu un problème de santé de ce genre. On m’a traité, nous sommes rentrés à Labé avec un pied amputé. J’étais en état de famille d’une période de trois mois. Je suis restée tranquille espérant que c’était terminé. J’ai accouché ma fille, à ma grande surprise le lendemain du baptême, le pied gauche a commencé à me faire mal. Les médecins de Labé m’ont dit toujours de repartir à Conakry, là aussi ça nécessitait une amputation de mon pied gauche au niveau du genou. On a fait l’opération. Je suis revenue.
Quelques temps après, c’est des plaies qui surgissaient sur les parties amputées. C’était très grave. En ce moment, docteur Ghoureissy n’était pas là. Je l’ai appelé au téléphone pour lui signifier ma situation, il m’a dit sur le champ que ce n’est pas son affaire. Il m’a rendu à mes parents. J’ai voulu continuer le traitement avec ma famille mais elle ne disposait pas de moyens suffisants. C’est à travers les radios de la place qui ont accepté de faire passer mon message, quelques personnes de bonne volonté m’ont soutenue financièrement.
Comment avez-vous fait la connaissance de Docteur Gouraissy jusqu’à vous marier avec lui ?
Au fait docteur Ghoueaissy n’est pas mon premier mari. J’étais mariée à un autre homme avec lequel j’ai divorcé. J’ai même un enfant avec lui. A mon retour dans ma famille, en ce moment Docteur Ghoureissy habitait près de chez nous ici à Maleya. On était voisin. Je partais en consultation chez docteur Ghoureissy, il fait le marabout-charlatan. Je voulais rependre mon commerce, je suis allée chez lui dans ce sens, j’ai demandé de l’aide comme beaucoup le faisaient. Mais en fin de compte il a travaillé pour orienter mon esprit sur sa personne afin qu’il m’épouse. Quand je suis tombée malade il m’a abandonné. Mais j’avoue qu’au début de ma maladie il m’a soutenu dans mes soins, c’est avec le prolongement et les complications qu’il m’a tourné le dos en me disant carrément qu’il ne payera plus mes soins.
Il s’occupe juste de son enfant mais ça aussi ce n’est pas significatif, parce que c’est 100.000 francs guinéens qu’il me donne comme dépenses pour sa fille par mois.
Voulez-vous dire que Dr Ghoureissy vous a envouté ?
J’ai demandé à ce qu’il m’aide pour que mon commerce marche bien. Mais ce que j’ai compris finalement, il a fait autre chose, au lieu de m’aider comme j’ai demandé, les talismans et les produits mystérieux qu’il me donnait, c’est plutôt pour que je l’aime. Finalement je l’ai aimé. J’ai demandé à mes parents de me donner en mariage à Docteur Ghouraissy.
Vos parents étaient-ils favorables à cette union ?
Ma mère ne voulait pas du tout ! Depuis le début elle a marqué son désaccord par rapport à ce mariage. Mon père avait dit comme j’aime le Monsieur il était partant, c’est comme ça que mon père a accepté. Tout allait bien, c’est la maladie qui a fait changer Docteur Ghoureissy à mon endroit jusqu’à ce qu’il m’ait renvoyé chez mes parents.
Est-ce que vous avez mené des démarches pour qu’il s’occupe de vous ?
Mon père et un parent de Docteur sont allés le voir (docteur Ghoureissy) à son domicile à Companya (quartier périphérique de Labé) afin qu’il s’occupe de moi, mais il les a renvoyé avec des propos déplacés. Son parent même avait dit qu’il était prêt à témoigner partout si l’on sollicite pour les mauvais agissements de docteur.
Je suis même allée déposer une plainte contre lui à la justice, la réponse que j’ai eue est que c’est un mariage traditionnel, il n’y a aucun papier administratif qui justifie notre union c'est-à-dire l’acte de mariage. Depuis, je suis tranquille chez moi, je laisse à Dieu, au moins s’il s’occupait de sa fille, ça allait être mieux.
Quelle a été la réaction de votre mère après cette mésaventure ?
Bon elle n’a presque pas réagi, elle a juste dit qu’elle n’a pas où m’abandonner, elle est obligée de s’occuper de moi. Quand le mari t’abandonne, ta mère ne pourra que s’occuper de toi, maintenant je suis là j’attends la fin de mes jours. Il n’y a pas ce qu’on n’a pas fait pour qu’il me soigne il a refusé, donc nous avons décidé de le laisser tranquille.
Je suis là, c’est des bonnes volontés qui m’aident comme elles peuvent et les parents, comme vous me voyez je ne peux rien faire pour moi, pour tout besoin, il faut qu’on m’assiste même pour aller aux toilettes, c’est ma mère qui m’aide.
Je n’ai plus rien à dire à docteur Ghoureissy , il m’a montré sa vraie face, sa fille Aissatou Lamarana a 3 ans cette année.
Pourtant Docteur Ghoureissy, dit que vous avez quitté son domicile sans son aval et que cela sous-entend que vous n’êtes plus sous son autorité. Que lui répondez-vous ?
C’est vrai j’ai quitté chez docteur Ghoureissy, mais je ne sais pas en réalité comment j’ai quitté. Au moment où on me ramenait en famille ici, je ne jouissais pas de mes facultés mentales. J’ai été transporté, tout le monde le sait. Je ne suis pas revenue, on m’a ramené, c’est une folle qui a été ramenée ici. Certes parce que je suis malade, il a organisé mon retour, comme ce fut le cas lors du mariage.
Un jour j’étais assise en train de laver des habits, du coup j’ai senti des choses qui n’ont pas l’habitude de me traverser surtout au niveau des bras, j’ai crié, une de ses nièces est allée lui dire dans chambre de venir me voir parce que je me sens pas bien. Il a répondu à la fille que si je vais mal où est le problème. Il m’a laissé dans cet état pour aller au village il y avait personne qui pourrait s’occuper de moi à part cette petite fille, et d’autres garçons de docteur. Finalement mes jeunes frères sont venus me trouver dans cette situation difficile sans soutien, ils m’ont ramené, je perdais même la conscience. C’est quelques jours après que je me suis rendu compte de ce qui s’est passé.
Certaines mauvaises langues indexent votre premier mari qui n’aurait pas digéré votre départ de son foyer. Qu’en dites-vous ?
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas lui (mon premier mari NDLR). Ce sont de simples conjectures que certains font à l’endroit de mon premier mari. Je suis certaine que ce n’est pas lui pour preuve bien que j’ai quitté chez lui, mais il m’apporte son soutien comme il peut, depuis que je suis tombée malade, à chaque fois il m’envoie de l’argent. Je peux jurer sur le coran que ce n’est pas lui. On lui colle une chose qui ne lui ressemble pas. Je ne pense pas qu’il pourra me faire du mal et continuer à me soutenir dans l’ombre. Je ne vvoudrais même pas qu’on parle de lui dans ces circonstances. J’ai bien quitté mon premier mari mais les liens sont toujours là parce que j’ai fait un enfant pour lui. Vous-mêmes en le voyant vous saurez que c’est un homme de Dieu.
Revenons un peu sur les circonstances exactes de la venue de cette douleur ayant occasionné l’amputation de vos pieds ?
Un jour je suis rentré de Pita, j’ai un peu vécu à Pita avec docteur. Une de mes coépouses était à Pita déjà. Docteur lui avait dit de revenir à Labé pour que je puisse aller vivre un peu auprès de lui (Dr Ghoureissy). Mais en réalité la femme ne voulait pas quitter Pita, nous avons fait la permutation contre son gré. Avant ça elle est restée quelques jours avec nous à Pita avant de quitter, dans cet intervalle nous nous sommes disputées. C’est la deuxième femme de docteur. Moi je suis venue en troisième position. Elle m’avait menacé en ces termes: « wo so mayaali men houwodiray » littéralement ( si elle ne meurt pas, je la verrais » je lui avais répondu qu’il n’y a pas de problème, je l’attendais.
J’avais appelé docteur qui était parti à Labé pour l’informer de ce que ma coépouse a dit. Docteur m’avait dit de la battre, j’ai répondu que ce n’est pas la peine. Quelques jours après, docteur est allé la chercher pour la ramener à Labé. Arrivée à Labé, docteur l’a renvoyé au village, finalement je ne connaissais pas la suite.
Je suis restée seule à Pita, docteur était beaucoup plus fréquent à Labé. Comme j’étais au début de ma grossesse, je faisais des consultations prénatales à Pita mais les soins à Pita ne me convenaient pas. Un jour docteur a envoyé un de ses garçons me chercher pour suivre mes soins à Labé, je me souviens on est rentré à Labé un mercredi.
Le lendemain c’est-à-dire dans la matinée du jeudi, j’ai décidé d’aller aux toilettes externes prendre mon bain pour que je puisse aller à l’hôpital. Je suis allée moi-même puiser l’eau au puits ensuite l’envoyer aux toilettes. Je me suis lavée tranquillement, quand j’ai décidé de me lever pour sortir, j’ai senti des maux partout sur mes pieds, je n’ai pas pu me lever du tout. J’ai demandé de vive voix de l’aide. En ce moment, une sœur à mon mari était dans la cour, elle me dit tu aimes faire de la démagogie, même dans les toilettes tu ne changes pas. Elle me dit sort de tes toilettes au lieu de nous fatiguer pour rien. Je lui ai dis que je ne peux pas, j’ai perdu l’usage de mes pieds. Finalement la sœur de mon mari ainsi que la première femme de mon mari, une coépouse, sont venues me chercher, elles m’ont aidé à rentrer à la maison. Depuis c’est le même problème, l’usage de mes pieds était fini.
Tous les deux pieds ont été amputés dans l’intervalle d’un an. Ils m’ont amputé du pied droit, moins d’un an le pied gauche m’a fait mal, il a aussi été coupé.
C’est vraiment mystérieux ce qui m’est arrivé, les médecins de Labé à Conakry m’ont dit qu’ils n’ont pas pu détecter ce qui est à la base de mon mal. Ils ont dit que je n’ai ni le diabète ni le cancer. Rien de tout ça, mais j’ai continué à souffrir.
Votre dernier mot ?
Je remercie nos parents qui vivent à l’étranger, et les bonnes volontés à Labé, lors de mon passage à la radio, ils ont eu de la compassion à mon endroit, ils ont fait une collecte de 8.500.000 francs guinéens pour moi. Merci pour tout.
Je continue à tendre la main aux bonnes volontés pour m’assister afin que je continue le traitement, actuellement je suis en rupture de traitement. J’ai besoin aussi de m’occuper de mon enfant. Je demande encore à tous de m’aider à cause du bon Dieu.
Entretien réalisé par Alpha Ousmane Bah,
Correspondant régional d’Africaguinée.com
A Labé
Tel. : (00224) 657 41 09 69
Créé le 13 décembre 2016 12:45
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