La révélation de Dr Ousmane Doré : « La mission de Cedeao a proposé que certaines élections soient combinées… »
CONAKRY-En Guinée, l’accord conclu le 21 octobre dernier entre les autorités de la transition et la CEDEAO sur les 24 mois pour la durée de la transition continue de susciter des réactions au sein de la classe politique.
Dans une interview accordée à une équipe de journalistes de votre quotidien en ligne Africaguinee.com, Dr Ousmane Doré, président du parti Mouvement National pour le Développement (MND) a abordé largement cette actualité. Dans la première partie de cet entretien que nous diffusons, l’ancien candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020 parle de ce compromis sans détour.
Quels sont les avantages de cet accord ? Est-il tenable ? Comment sortir de la transition ? Longtemps silencieux, l’ancien Ministre de l’économie et des finances a brisé le silence.
AFRICAGUINEE.COM : Quelle analyse faites-vous de l’accord trouvé entre le CNRD et la CEDEAO ?
DR OUSMANE DORÉ : Je salue cet accord. Mais je crois qu’il y a encore du chemin puisqu’il y a la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO qui doit certainement se réunir pour valider ou infirmer l’accord. Mais ce qu’il faut retenir, pour les acteurs politiques que nous sommes, nous sommes à environ 14 mois de cette transition. Il est clair qu’il n’y a pas encore une visibilité sur l’horizon. C’est-à-dire qu’on ne sait quand est-ce cette transition peut conduire à l’ordre constitutionnel ?
Les positions étaient tranchées. Le CNRD avait une proposition claire sur la table, qui a été révisée par le CNT à 36 mois. Les acteurs politiques avaient fait des recommandations, en fonction des coalitions. Et, à la coalition à laquelle mon parti appartient, nous avons proposé 25 mois. Nous étions au mois d’avril lorsqu’on a fait cette proposition. Ça calait le retour à l’ordre constitutionnel à fin juin 2024. Donc, les deux ans quasiment, c’est ce que nous avions proposé. Donc l’accord scellé avec la CEDEAO qui parle de 24 mois nous réconforte dans notre position qui était que les dix (10) activités qui étaient soumises à l’examen par les partis politiques. Nous avions estimé que c’était jouable en 24 ou 25 mois.
D’autres avantages de cet accord que nous saluons, c’est le fait que ça fait éviter au pays des sanctions supplémentaires. La CEDEAO avait brandi des sanctions progressives. Les premières étaient engagées en marge de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, et un appel a été lancé au Gouvernement guinéen de proposer un chronogramme raisonnable, faute de quoi des sanctions plus acerbes allaient tomber sur la Guinée. Nous nous réjouissons qu’in extrémis avant cette date du 22 qui était fixée, qu’il ait pu y avoir un accord examiné en détails avec des techniciens du chronogramme proposé.
Le troisième élément, nous sommes conscients que même si cet accord pose encore problème, dans le cadre du commencement –est-ce que c’est le 1er janvier 2023 ? C’est depuis qu’il y a eu la proposition des dix activités ? Ou bien c’est depuis l’avènement du CNRD ? – il y a beaucoup de points discutables. Qu’à cela tienne, ce que cet accord nous a inspirés, ça rapproche les positions. Il vous souviendra qu'à la sortie du Gouvernement sur l’annonce des 36 mois, au sein des partis politiques, des coalitions, il y avait deux camps : ceux qui prônaient une transition d’au moins 36 mois 40 ou plus, et il y avait ce groupe de coalitions dont nous faisons partie qui avait proposé 24 mois ou moins.
Et donc, lorsqu’on peut avoir un dialogue aujourd’hui sur la durée, il est clair que qu’il n’y aura pas sur la table ceux qui ont donné 36 ou 40. Ça veut dire que leur position ne pourrait être qu’aux environs de 24 (mois) qui est déjà sur la table et accepté par le Gouvernement. Ça c’est une avancée.
Donc, pour moi, il est clair que l'accord a contribué à rapprocher les positions. Le reste c’est des détails : est-ce qu’il faut compter à partir de janvier 2023 ou décembre 2022 ? Dans l’un ou l’autre, on sait à peu près qu'on peut sortir de la transition, si tous les acteurs sont de bonne foi dans les 24 mois qui suivent pour le bien de notre pays.
Parlant de cet accord, il y a une sorte de contradiction entre les deux signataires. D’un côté le président de la transition Colonel Mamadi Doumbouya qui annonce qu’il entre en vigueur à partir de janvier 2023, de l’autre côté, la CEDEAO précise qu’il sera entériné lors d’une conférence des chefs d’Etat. Comment voyez-vous ce hiatus ?
Il n’y a pas de polémiques là-dessus. C’est deux parties qui se sont rencontrées, c’est vrai qu’il y a toujours des petits détails, c’est l’un des détails qui est ressorti. Nous avons écouté le président de la transition indiquer qu’il prend acte de l’accord, mais avec effet à compter du 1er Janvier. Nous avons aussi suivi la CEDEAO préciser que le médiateur a été mandaté, doit rendre compte à ses mandants pour faire état des propositions qu’ils ont discutées à Conakry.
Alors, est-ce qu’Abuja en décembre, on arrivera à une situation où, la CEDEAO va accepter les 24 mois ? Et à compter de quelle date ? Est-ce que celle-ci sera différente du 1er janvier 2023 annoncé par le Président de la transition ? C’est la question qui reste posée. Mais il me semble que, même si la CEDEAO décide que ça commence à partir du moment où ils vont prendre leur décision, ça va être en mi-décembre. Alors, mi-décembre, 1er janvier je crois que deux semaines dans la vie d’une nation, ce n’est pas une situation qui peut poser blocage. Ce qui reste quand-même à définir, c’est qu’en tout état de cause, beaucoup de partenaires bilatéraux, internationaux, ont déjà salué l’effort.
Donc, il appartiendra simplement à l’organisation sous régionale de prendre en compte ce qu’ils estiment être nécessaire, en particulier quelle va être la durée de la transition en Guinée à compter du 5 septembre 2021. Ça se résumait à 39 ou 40 mois, et que cela ne soit pas vu autrement puisqu’on a commencé à parler du chronogramme après la première année d’exercice. Je suis optimiste et j’espère que réellement cette conférence des chefs d’Etats va accoucher un accord qui sera acceptable aussi bien pour les autorités que la classe sociopolitique.
Selon vous, le délai des 24 mois et les 10 activités phares prévues par le CNRD durant cette période est-il tenable ?
Le diable est dans le détail. Le contenu du chronogramme, nous savons qu’il y a dix activités qui vont être menées. Il est clair que la mission technique a dû passer en revue le chronogramme, la durée attachée à la réalisation de chacune de ses étapes, sinon elle n’aura pas été une bonne mission. S’ils l’ont fait, on doit pouvoir s’attendre à ce qu’il y ait un degré de réalisme.
Vous prenez le recensement général de la population, le recensement administratif à caractère d’état-civil, ce sont des activités qui à mon avis, généralement prennent du temps. Comment cette question a été gérée pour qu’elle puisse être inscrite dans le chronogramme ? Ça c’est une question qui me taraude aussi puisque que nous avons pensé que la réalisation de ces deux activités seulement pourrait amener cette transition plus loin que prévue. Ceci dit, le recensement, c’est souvent des activités qui suivent leur cours, parfois au-delà des trois ans, ça dépendra du comment il sera mené. Est-ce qu’on a les moyens techniques pour faire la cartographie et autres ?
En tout état de cause, ce qui est important pour les acteurs socio-politiques, c’est de dire premièrement où nous en sommes-nous avec le régime constitutionnel ? Nous sortons d’une période vraiment difficile, parce qu’on était là en 2008, 2009, nous avons fait sortir une Constitution qui s’est vue rejeter. Alors qu’est-ce qui va régir la vie sociopolitique de la nation ? Il faut avoir ce régime constitutionnel. Où nous en sommes ? Pour nous acteurs politiques, c’est là que nous attendons le dialogue. Il faudrait qu’on sache ses activités clefs au-delà de recensement même, donc des activités qui vont nous amener à l’échéance finale : est-ce qu’il y a un draft de la Constitution en cours d’élaboration ? Nous avons fait une proposition au président du CNT (Conseil National de la Transition) mais nous ne savons pas si les commissions qui travaillent sont saisies des propositions des partis politiques. Mais en tout état de cause après ça, quid du fichier électoral ? Parce qu’on parle de toutes les élections (locales, législatives, référendum et présidentielle) mais ça repose sur l’existence d’un fichier électoral fiable. Nous pensons que c’est un élément clé dans les dix (10) activités.
Est-ce que c’est le recensement qui doit permettre de tirer ces fichiers ? Si c’est ça, la mise en place d’un fichier électoral fiable va bousculer la tenue des élections. Donc, nous pensons que ces deux premières activités devraient aller très rapidement et certainement avant à mi-2023 pour qu’on ait l’assurance que la marche vers la sortie de la transition est assurée.
Les élections, vous savez ce que cela suscite comme engouement, problème, redressement (…) alors, faut-il faire en cascade ou plutôt combiner ? Je pense que d’après mes conversations avec mes collègues de la CEDEAO, cette question était sur la table. La mission a proposé que certaines de ces élections soient combinées en particulier la Présidentielle et les législatives ou les législatives et les communales pour permettre de gagner en temps et d’efficacité.
Sur le plan des ressources, ces élections seront coûteuses. Il serait donc judicieux aussi de les mener simultanément pour pouvoir quand-même respecter le retour à l’ordre constitutionnel.
A suivre…
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo &Sayon Camara
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 72 76 28
Créé le 2 novembre 2022 09:48Nous vous proposons aussi
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