L’Afrique au sommet, c’est pour 2063

Zuma

ADDIS-ABEBA-Utopiste ou visionnaire ? Difficile à dire… Une chose est sûre, le discours de la présidente de la commission, Nkosazana Dlamini-Zuma, lors du 22e sommet de l'Union africaine (UA) en Éthiopie, laisse songeur. En ouverture de la réunion, la Sud-Africaine avait en effet choisi de livrer sa vision globale du continent, non pas en 2013, mais un demi-siècle plus tard, en 2063. Dans un e-mail fictif, destiné à son "cher Kwame" (Nkrumah, NDLR), panafricaniste ghanéen des années 1960, Dlamini-Zuma se plaît à dépeindre le triomphe du continent noir : uni linguistiquement, siégeant au Conseil de sécurité de l'ONU et devenu un géant économique.


Ses prédictions ne se bornent pas à évoquer un train à grande vitesse sillonnant les pays ou les fusées lancées en orbite par l'agence spatiale 100 % africaine. Le discours de Nkosazana Dlamini-Zuma se berce d'une forme de syncrétisme panafricain. En effet, à en croire l'augure sud-africain, dès 2051, les 55 nations du continent formeront une nation, une et indivisible : la Confédération des États africains. Héritière de l'Union africaine, cette confédération symbolise la prise de conscience des Africains que seules "l'intégration et l'unité" permettraient au continent d'"exploiter pleinement ses avantages". Un ultime pied de nez pour la présidente de la commission à tous ceux qui, au début du XXIe siècle, ne croyaient pas en l'Afrique. "Ils nous appelaient le continent sans espoir (…), en proie aux épidémies, à la pauvreté, à la famine, miné par les violences. Nous n'avions pas alors pris l'ampleur de notre puissance."

Un discours utopiste 

Célébrer l'unité africaine de 2063, c'est se souvenir qu'en 2013 on en est très loin. "L'UA pâtit des rivalités linguistiques – entre espaces anglophone et francophone -, mais aussi des conflits entre puissances hégémoniques, à l'instar de l'Afrique du Sud, du Nigeria ou de l'Égypte, rappelle Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), responsable de l'Afrique. Le discours aux accents unionistes de Dlamini-Zuma frise "l'utopisme" pour Philippe Hugon. "Je vois mal comment les 54 pays de l'UA – le Maroc ayant quitté l'organisation à la suite de la reconnaissance par ses membres du Sahara occidental – parviendront à régler leurs nombreux différends." Inégalement développé, le continent peine à dissimuler la rude concurrence entre les États. "Plusieurs nations comme l'Afrique du Sud ont toujours été très réticentes face au projet panafricain, lui préférant l'idée d'une Afrique des nations", moins contraignante.

Des limites sur lesquelles la visionnaire Nkosazana Dlamini-Zuma semble faire l'impasse dans son e-mail. En effet, quid de la sécurité, défi majeur du continent ? La présidente de la commission de l'UA doit sûrement considérer le problème comme caduc puisqu'elle le balaie d'un revers de la main : "Grâce à notre expérience de premier ordre quant aux ravages des conflits, nous nous sommes attaqués directement aux causes." Par l'éducation, par une meilleure gestion des ressources du continent et l'intégration des diversités, l'Afrique est venue à bout de ses maux endémiques. C'en est donc fini des crises alimentaires, des épidémies ou des guerres, selon la Sud-Africaine.

L'Afrique : futur géant économique

Mais ici encore, les oracles de Nkosazana Dlamini-Zuma semblent bien optimistes. Et la realpolitik de reprendre ses droits : "Il y a une Afrique en pleine croissance relativement pacifiée et de l'autre côté une partie du continent reste marginalisée et en proie à des crises graves", analyse le chercheur de l'Iris. Il cite en particulier les cas de "la Centrafrique, la République démocratique du Congo ou la zone sahélienne". Et aucune amélioration n'est en vue. "Le continent n'est même pas capable de mettre sur pied une force africaine commune." Philippe Hugon précise que "beaucoup d'éléments de son discours sur la réussite continentale s'inspirent du succès du modèle sud-africain, d'où est originaire Nkosazana Dlamini-Zuma". Pour bon nombre de pays, un demi-siècle ne semble donc pas de trop pour se remettre sur pied.

Pourtant, dans cette Afrique de 2063, tout n'est pas que fantasme. Sur la croissance économique, notamment, politiques et experts semblent tomber d'accord. Aujourd'hui, fort de plus d'un milliard d'habitants (deux fois plus d'ici 2050, NDLR) et d'une croissance annuelle du PIB de plus de 5 % sur la dernière décennie, le continent semble bien destiné à devenir "la troisième puissance économique mondiale", comme le laisse entendre la Sud-Africaine. Nkosazana Dlamini-Zuma en est certaine, l'Afrique a pour cela des atouts indéniables : "Le secteur minier, la finance, la pharmaceutique, le tourisme, etc." Elle prédit même à la confédération qu'elle deviendra, dans le demi-siècle à venir, un véritable pôle technologique où fleuriront les Silicon Valley africaines. Argument de plus dans la balance, l'incroyable richesse en matière de ressources énergétiques et de matières premières. Forts de cela, "nous éclairerons l'Afrique, l'ancien continent sombre", prévient-elle.

Avant de conclure son discours, Nkosazana Dlamini-Zuma a décidé de donner "quelques nouvelles de la famille" à Kwame, comme autant d'allégories du succès de l'Afrique. Ses "jumeaux" ont terminé de prestigieuses études en Éthiopie avant de rejoindre l'"Agence spatiale africaine", symbole d'un système éducatif qui n'a plus rien à envier à l'Occident. Quant à sa "fille aînée", l'essor de la femme africaine durant ses cinq décennies l'a menée au cap Vert, devenu en 2063 "le quartier général de l'université virtuelle panafricaine". Elle y donne des cours en swahili (langue parlée dans l'est de l'Afrique), nouvelle langue du business continental, que l'on apprend même "dans les établissements à l'étranger". Et de conclure "combien les choses ont changé".

Source:Lepoint.fr

 

Créé le 1 février 2014 09:52

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