Koubia : immersion à Madina Niannou, l’autre cité d’érudits du Foutah…
MADINA NIANNOU- Madina Niannou est un village vénéré du Fouta Djalon. Située dans la préfecture de Koubia, cette localité incarne des valeurs religieuses qui se transmettent de génération en génération. Là, la foi, l’adoration d’Allah selon les prescriptions de l’islam, les affaires sociales sont au centre de tout. La lecture du Coran, livre saint de l’islam, religion des musulmans, se fait au quotidien.
Cet endroit ressemble à lieu de pèlerinage. Chaque année, des milliers de personnes convergent vers Madina Niannou pour chercher des prières et bénédictions auprès des saints de cette contrée où les habitants vivent de l’élevage et de l’agriculture. Ils profitent également pour se recueillir au niveau des mausolées des érudits décédés.
Des maitres coraniques, des disciples et anciens disciples du village honorent cette tradition depuis plus d’une décennie. Au début c’était une dizaine de personnes qui venaient, cette année tout comme l’année dernière, la caravane religieuse mobilise plus d’un millier de fidèles.
Thierno Siradio, le saint de Madina Niannou est régulièrement débordé par la foule de fidèles qui arrivent chez lui « Ka Gallè » appellation particulière de la maison religieuse et d’apprentissage du coran. Au moins 4000 talibés y vivent. Thierno Masaidou Daka, qui a trouvé ses attaches spirituelles à Madina Niannou est à sa 13ème année consécutive. Il explique la portée de cette activité religieuse.
« Pour être une bonne personne il faut côtoyer les bonnes personnes également. Il est aussi dit dans les écrits que celui qui veut une part chez Allah, il doit se rapprocher des saints sur terre. Et Madina Niannou a tout ce qu’on cherche. L’instruction, le savoir sont nécessaires, mais la bénédiction c’est le plus important. C’est pourquoi nous venons à tout moment chez Seikh Oumar. Si un homme béni reconnait la bénédiction d’autrui, cela prouve qu’il est vraiment béni.
Sheikh Bassirou, homme de Dieu avait dit : si un père pouvait chercher la bénédiction auprès de son fils, il l’aurait fait près de Seikh Oumar son fils. Un tel prêche n’est pas à négliger. Lorsqu’un père parle ainsi de son fils, ça en dit long. Il faut tout faire pour venir chez lui, te recueillir. Pourquoi mon choix pour Madina Niannou, dans la vie il est recommandé de rechercher son maitre, je les ai choisis pour la vie d’ici-bas et à l’au-delà. Il faut rendre grâce au bon Dieu, chaque année le monde augmente derrière nous. C’est la 13ème année de suite que nous venons rendre visite à nos maitres coraniques. Au début, c’était au temps du grand érudit Sheikh Oumar Madina Niannou (père de Thierno Siradio actuel seikh NDLR). Il avait prié pour nous.
Notre maitre coranique et spirituel Sheikh Oumar avait prédit que l’ampleur augmentera tous les jours. Les compagnons ne font que grossir les rangs. Cela traduit non seulement la détermination de chacun et de tous, mais aussi l’amour que nous avons tous à l’endroit des Waliou (érudits) d’Allah. C’est l’occasion de chercher des bénédictions auprès d’eux. Je préfère Madina Niannou qu’à toutes les parties de la terre. J’ai choisi aussi les érudits de Madina Niannou par rapport à tous les autres sur terre. Le Bon Dieu m’avait montré le chemin très tôt que Madina Niannou était la terre où se trouve mes maitres coraniques et spirituels. Et pendant certains mes devoirs religieux ou en communion interne, j’ai vu des signes où je priais derrière Sheikh Oumar. Je suis arrivé à la conclusion que c’est ici où réside mon maitre spirituel », explique le religieux Thierno Mamadou Saidou Daka.
Cet homme de Dieu était accompagné de ses disciples, tous venus se recueillir sur les mausolées des Waliou d’Allah sur cette terre sacrée qu’est Madina Niannou.
Elhadj Saifoulaye Diallo, officie la prière en tant qu’imam à Daka Labé. Il n’est pas à sa première visite à Madina Niannou. Il témoigne de l’ampleur de cet exode religieux.
« Toutes les fois que Thierno Masaidou mobilise les disciples et ses anciens condisciples pour Madina Niannou, je suis là avec lui et eux tous. Au début c’était juste un petit nombre, mais aujourd’hui, on ne peut plus compter. Chacun vient pour soit, demander des prières ou se recueillir. C’est un bon pas pour les musulmans de perpétuer une telle pratique auprès des respectueux religieux. Nous sommes tous venus pour ça», confie cet imam.
L’autre particularité de Madina Niannou, certains talibés viennent avec leurs épouses et leurs enfants apprendre le coran ensemble. Une catégorie s’installe définitivement sans repartir. D’autres aussi viennent étudier, après leur couronnement, ils se marient sur place.
Thierno Alsény Diallo est venu de Dinguiraye. Après son couronnement, il a épousé une petite fille du Sheikh. « J’ai passé 7 bonnes années à étudier le coran ici, je suis arrivé en 2014 pour un perfectionnement. En 2022 mon maitre Thierno Siradio a adressé une lettre à ma famille pour lui dire que les objectifs sont atteints. J’ai terminé avec 45 personnes le même jour. En 2020, il m’a donné la main d’une de ses petites filles. Maintenant nous vivons à Conakry, nous sommes venus chercher les bénédictions comme tout le monde. Par contre il y a d’autres qui sont là, ils ont déjà 2 femmes, ils ont fait des enfants, ils sont tous là pour mémoriser le coran. C’est devenu une famille. Madina Niannou est une terre bénie », explique Thierno Alseny Diallo.
Oumar Yetté Kouyaté, griot de naissance vivait en Côte d’ivoire quand il a été appelé pour rentrer au village et rester auprès de l’érudit après 20 ans d’absence. Il témoigne. « Je suis chauffeur de profession et griot de naissance. Beaucoup talibés venaient saluer le Sheikh, certains qui connaissaient mon défunt père Elhadj Djely Molo Kouyaté demandaient s’il n’a pas un garçon. Le Sheikh m’a écrit et m’a dit de rentrer pour rester auprès de lui (…). Il m’a dit si je ne maitrise pas le griotisme comme mon père, il va me prendre comme chauffeur. Il me dit : je t’offre une maison. Il a construit 3 chambres et salon pour moi dans ma famille. Au bout de 3 mois, j’avais la clé, il a installé les panneaux solaires. C’est là que je vis avec ma famille, j’ai même regretté pourquoi je ne suis pas rentré de sitôt. Avec lui, nous avons voyagé partout. Je me rappelle du premier jour quand j’ai pris le volant de son véhicule, il est monté avant moi et a posé sa main sur le levier. Il me dit de mettre la mienne dessus. Quelques minutes après, il dit mon fils : n’aie pas peur. Nous serons ensemble jusqu’à la fin de ma vie. Ce qui fut fait », se souvient Oumar Kouyaté
Thierno Siradio, l’actuel Sheikh de Madina Niannou prend la parole qu’à de rares moments. C’est un saint très réservé, mais cette fois-ci, il s’est exprimé. Touché par la pérennisation de cette tradition et de l’ampleur qu’elle prend, il a exprimé ses sentiments.
« Nous ne pouvons pas rester sans prier pour vous, sans vous exprimer notre reconnaissance. C’est une tradition bien connue de venir à Madina en masse depuis plusieurs siècles. Depuis Thierno Hady qui a vécu 88 ans, le grand-père à notre père Sheikh Oumar, cette tradition continue et prend une nouvelle dimension.
Nos aïeux ont tout simplifié durant leur vie, c’est ce que nous maintenons encore. Pour notre grand-père, on se souvient comme si c’était hier, il a toujours évité de superposer des vêtements dans sa valise. A chaque fois qu’il a eu un nouveau vêtement, il offre le premier aux plus nécessiteux (…). Notre vie se résume à l’agriculture, le coran et les affaires sociales. Vous qui êtes là ce jour que les portes du bonheur s’ouvrent pour vous, que Dieu vous épargne des problèmes de la vie. Que Dieu vous bénisse avec vos familles, vos biens et qu’il vous couvre de sa grâce», a formulé le Sheikh Thierno Siradio Madina Niannou au sortir des recueillements aux mausolées, l’étape qui marque la fin des visites religieuses dans ce village d’érudits.
Alpha Ousmane Bah (AOB)
De retour de Madina Niannou
Pour Africaguinee.com
Tel : (+224) 664 93 45 45
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