Kissidougou : Immersion dans le quotidien difficile des réfugiés léonais de Kountaya
KISSIDOUGOU-De 1991 jusqu’en début 2002, la Sierra Léone, -pays frontalier à la Guinée-, a été déchirée par une guerre civile qui a fait 120.000 morts. Ce conflit déclenché par la rébellion du Front Révolutionnaire Uni (RUF) a provoqué près de 500.000 déplacés. C’est l’une des guerres les plus atroces ayant secoué l’Afrique de l’Ouest dans les années « 90 », avec des milliers de mutilés.
La paix est revenue dans cette ancienne colonie britannique début 2022. Fin 2008, le haut-commissariat des Nations-unis pour les réfugiés (HCR) a annoncé la cessation du statut de réfugié pour les Sierra Léonais. Selon l’Agence onusienne 179.000 léonais ont pu rentrer dans leur pays grâce au programme de rapatriement volontaire qui a pris fin en 2004. Dix ans après la fin de la guerre, près de 43.000 léonais continuent de vivre en exil.
En Guinée, les réfugiés léonais vivent encore au camp de Kountaya dans la préfecture de Kissidougou. Ils traversent une période difficile. Depuis la rupture de l'assistance humanitaire du HCR (haut-commissariat des Nations-unis pour les réfugiés), ces réfugiés qui ont la fui la guerre dans leur pays dans les années « 90 » début 2000 pour s'installer en Guinée, leurs difficultés s’amplifient. Ils tirent la sonnette d'alarme sur la dégradation de leurs conditions de vie alors qu’à date, ils ont perdu leur statut de réfugiés. Notre correspondant dans la région de Faranah est allé à leur rencontre.
La vie des réfugiés léonais regroupés au camp de Kountaya, situé à 25 kilomètres du chef-lieu de la préfecture de Kissidougou devient pénible de jour en jour. Depuis une dizaine d'années, les difficultés s'enchaînent comme l'explique leur porte-parole. Selon Ibrahima Bayo, les réfugiés léonais longtemps pris en charge par le HCR sont en ce moment sevrés de tout. Ils ne reçoivent presque rien en terme d'assistance humanitaire.
« Nous sommes tous des réfugiés venant de la Sierra Leone. Nous sommes venus en Guinée depuis l'an 2000 lorsque les rebelles ont attaqué notre pays. Dès notre arrivée, nous étions dans un camp à Gueckédou avant que le HCR ne nous emmène à Kissidougou précisément à Albadarya. Au départ, nous étions plus de 30.000 personnes mais au fil du temps, le HCR avait engagé un processus de rapatriement volontaire et de d'intégration locale durant les années passées mais nous, on n’a pas eu la chance d'être parmi ce groupe jusqu'en 2004, date à laquelle le HCR a arrêté toute assistance envers les réfugiés. En 2008, un document a été envoyé pour annoncer la cessation de notre statut de réfugiés.
Depuis, nous vivons dans des conditions les plus pénibles à Kountaya. Au camp où nous vivons, nous n'avons aucune infrastructure, nos enfants ne vont pas à l’école, il n’y a d'hôpital, nous n’avons d'eau potable. Nous habitons dans des huttes construites en paille. Or parmi nous, il y a des handicapés. Les autres, si quelqu'un tombe malade d'ici et qu'on les envoie au chef de lieu de la sous-préfecture, certains meurent en cours de route. Ceux qui ont la chance d'arriver à destination aussi se prennent en charge à leurs propres frais. Ceux qui n'ont rien, préfèrent rester au camp pour attendre leur destin », a-t-il relaté.
En 2008 poursuit-il, le Gouvernement guinéen et le HCR leur ont envoyé une fiche dans laquelle, ils n'avaient qu'un seul choix à faire entre le rapatriement volontaire, l'intégration locale et le besoin continuel sous la protection internationale. Face à ce dilemme révèle notre interlocuteur, la plupart des réfugies a opté pour la troisième proposition qui leur permet de continuer à séjourner en Guinée.
« La plupart des réfugiés a choisi la troisième option. Mais ça aussi, ils ont demandé pourquoi nous ne voulons pas être rapatriés ? Chacun s'est expliqué en donnant les raisons. Personnellement, c'est quand je fuyais la guerre à l'âge de 07 ans que les rebelles ont tué mon père devant moi. Par la suite, toute la famille s'est dispersée. Donc, je suis rentré en Guinée avec ma mère. Jusqu'à présent, je n'ai pas les nouvelles de mes frères. Tout ce que je sais, c’est que je viens de SEFADOU précisément dans la préfecture de KONOH. Actuellement je suis orphelin de père et de mère et je ne connais personne en Sierra Leone. Je préfère rester en Guinée sous la protection internationale », a-t-il soutenu.
Selon Ibrahima Bayo, dans le camp qui leur a été affecté, plus de cent familles y vivent. Et au sein de cette population qui s'élève à 1000 personnes, se trouvent des handicapés à vie dont certaines parties du corps ont été mutilées par des rebelles. A l'en croire, il y a certains de ses compatriotes qui ont les bras coupés, d'autres ont les deux jambes amputées et plusieurs autres réduits physiquement.
Par ailleurs, le porte-parole des réfugiés du camp de Kountaya a mis l'accent sur la principale difficulté qui les affecte. Il lance une invite à l'endroit des autorités guinéennes et celles du HCR.
« Le vrai problème que nous rencontrons à ce jour, c'est le fait que les attestations délivrées depuis 2009 par le HCR ont expiré. Nous sollicitons auprès du Gouvernement guinéen de nous aider auprès de HCR afin de renouveler nos attestations sinon, n'eut été l'hospitalité des Guinéens, nous serions menacés un peu partout dans la recherche du pain quotidien. Nous demandons au CNRD avec à sa tête le Colonel Doumbouya et son gouvernement pour qu'ils nous viennent en aide », a lancé Ibrahima Bayo.
En ce qui le concerne, le porte-parole des réfugiés du camp de Kountaya affirme avoir été scolarisé grâce aux Nations Unies. C'est grâce à cette formation reçue qu'il parvient à tirer son épingle du jeu à travers des cours de révisions qu'il dispense. Par ailleurs, Ibrahima Bayo précise avoir fait deux enfants avec une léonaise qui a pris la décision de disparaitre sans laisser de traces. Alors qu'il est âgé de 40 ans, monsieur Bayo regrette sa nouvelle vie marquée par la solitude.
De retour de Kountaya, Alpha Amadou Barry
Pour Africaguinee.com
Créé le 11 juillet 2022 14:06Nous vous proposons aussi
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