Kadiatou Conté: ‘’Comment j’ai appris à conduire les tracteurs agricoles…’’
MAMOU-Née en 1990 à Koba dans la préfecture de Boffa, Kadiatou Conté est l’une des rares femmes en Guinée qui sait conduire un tracteur agricole. Elle a déjà travaillé dans plusieurs champs de riz à travers le pays. De passage dans une localité enclavée de la commune rurale de Timbo, nous la trouvons en pleine activité dans un champ de riz de près de 60 hectares en train de tourner avec ingéniosité son tracteur.
Mariée et mère de 3 enfants, cette conductrice indique qu’elle a fini de prendre goût de la conduite des engins lourds, un métier souvent réservé aux hommes. La jeune dame encouragée par son père est sollicitée par tout. Dans ce métier, elle ne connait que trois femmes qui conduisent ces tracteurs en Guinée. Quel est son secret ? Comment a-t-elle embrassé ce métier ? Dame Kadiatou Conté s’est confiée à Africaguinee.com.
AFRICAGUINEE.COM : Il est très rare de voir une femme derrière le volant d’un tracteur agricole. Dites-nous comment êtes-vous arrivées dans ce métier ?
KADIATOU CONTE : Bon, je dirai par un coup de destin. En tant que femme, j’étais peut-être prédestinée à ce travail, c’est pourquoi je suis dedans. C’est vrai, il n’y a pas beaucoup de femmes dans ce travail d’engins lourds. Il y avait une du nom de Salimatou Ndiaye à Koba, mais cette dernière est décédée paix à son âme et moi Kadiatou Conté. Je suis arrivée en dernière position. Il peut y avoir d’autres mais je ne les connais pas.
Le destin « OUI », mais qu’est-ce qui a servi de déclic ?
Bon, l’apprentissage ne vient pas de loin pour moi. Mon cher père était conducteur de tracteur. C’est lui qui m’a appris à conduire. Un jour il m’a dit Kadiatou, ta vie peut bien passer dans la conduite de tracteur. (…) Je n’ai pas duré à l’école. Mon père m’avait fait venir comme ça auprès de lui. Je l’ai suivi sans résistance. Aujourd’hui gloire à Dieu, je vis de ça. Ce n’est pas un travail facile. Si tu n’es pas soutenu, encouragé tu ne peux pas apprendre, il faut quelqu’un auprès de toi pour ça.
L’apprentissage vous a pris combien de temps Kadiatou Conté ?
Bon beaucoup de temps, le début c’était en 2006, ça a duré jusqu’en 2009. Puis j’ai continué jusqu’en 2014, parce que ce n’est pas facile. Un tracteur agricole ce n’est pas rouler les pneus seulement, tout le monde peut faire ça, mais ce qui est plus important, c’est de savoir manipuler les charrues, connaitre les types de sol, comment entrer et tourner dans le champ parce que si c’est mal fait, vous ratez de mettre les semences sous la terre, les animaux viendront avaler tout. Donc ça demande toute une expérience. Et à chaque fois, il y a de nouveaux arrivages de tracteurs méconnus par certains conducteurs. Donc, il faut t’adapter et savoir monter, manipuler les accessoires. Tantôt c’est des charrues, tantôt c’est du matériel d’arrosage ou de pulvérisation d’herbicide, mais de récolte aussi. Vous allez rencontrer des terrains réguliers et irréguliers ou bien hétérogène. Tout se passera dans la tête du conducteur ou de la conductrice et il faut pouvoir répondre à la sollicitation du client ou de l’opérateur agricole.
Expliquez-nous c’est quoi la sollicitation du client dans le secteur agricole ?
Bon, vous savez certains agriculteurs donnent un emploi régulier et rémunéré par mois, mais d’autres c’est pendant la période agricole qu’ils contactent un conducteur pour faire un travail de quelques jours. C’est un travail bien orienté, mais si tu ne peux pas le faire, il va te laisser pour aller trouver quelqu’un qui peut faire son travail.
Le plus souvent nous partons avec la maitrise seulement, nous n’avons pas d’engins en tant que conducteurs, les machines appartiennent aux agriculteurs. Ils nous payent la prestation selon les négociations, jour travaillé ou par hectare. Tout dépend de ce que vous vous êtes dit.
Etes-vous aptes à toutes les demandes ?
Bon peut-être à beaucoup, je ne dirais pas tout, mais je conduis plusieurs genres de tracteurs, même celui qui récolte. Je viens souvent dans les champs pour travailler et rentrer auprès de ma famille quand je termine en attendant une autre sollicitation. Sinon je suis mariée et mère de trois enfants. Mon mari et les enfants sont à Conakry, je les rejoins quand je termine. J’aime les champs plus que tout, ma vie y est attachée. Je suis fière de conduire les tracteurs comme les hommes.
Ce travail vous rapporte combien ?
Là je ne le dirais pas (éclats de rire). Juste un peu rentable, ça fait vivre la famille quand-même.
Quelles les principales difficultés auxquelles vous faites face ?
Nous sommes habitués aux difficultés qui sont inhérentes à toutes activités. Mais parfois avec le changement de climat selon les régions, c’est un peu difficile. Mais bon ça va. Récemment, j’ai failli contracter un palu ici, mais mon patron a géré les soins et puis ça va. Il n’y a pas de problèmes majeurs.
Un dernier mot ?
Je vous remercie beaucoup, et je dirais à tout le monde qu’ils soient hommes ou femmes d’apprendre un métier. J’encourage tout le monde de faire un travail petit qu’il soit, ça vous libère vraiment. Moi, je peux dire Dieu merci, même si je n’arrive pas à épargner, le quotidien passe quand-même. Aux femmes surtout, de se lever pour faire quelque chose au lieu de se lever chaque jour, porter des sacs et se promener dans les rues.
Interview réalisée à Timbo
Par Alpha Ousmane Bah(AOB)
Pour Africaguinee.com
Tel : (+224) 664 93 45 45
Créé le 15 juillet 2020 17:41Nous vous proposons aussi
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