Jean-Marie Doré, ancien PM: « Nous demandons à ce qu’on respecte la Guinée et les guinéens »
CONAKRY-Le divorce est définitivement consommé entre le président Alpha Condé et ses opposants!Après les dernières législatives, Jean-Marie Doré a promis que l'opposition restera unie jusqu'au bout pour exiger l'annulation de ce scrutin.L'ancien premier ministre de la transition explique dans cet entretien son opinion sur le déroulement des législatives dont les résultats provisoires donnent déjà une avance au parti présidentiel.Il s'est confié à notre rédaction…
AFRICAGUINEE.COM : Monsieur DORE, les guinéens se sont rendus aux urnes le 28 septembre dernier pour élire leurs députés. Quelles sont vos impressions aujourd’hui sur le déroulement du scrutin législatif ?
Jean Marie DORE :[/B] Les guinéens se sont massivement rendus aux urnes mais ils n’ont pas trouvé le cadre électoral habituel. Quand la radio télévision guinéenne (RTG) dit qu’il y a eu 80% de participation, c’est un mensonge éhonté. Parce que le taux de participation se détermine par ceux qui ont voté. Beaucoup sont partis, ils n’ont pas pu voter, soit parce que le bureau de vote n’était pas au lieu habituel, soit parce qu’ils n’étaient pas sur la liste, soit parce qu’il n’y avait pas de bureau de vote du tout.
Donc, le taux de participation était très faible, notamment en forêt, au Fouta et en Basse Guinée, mais très élevé en haute Guinée parce que là-bas, il n’y avait pas de contrôle. C’est le RPG seul qui était parti politique, administration, Etat, scrutateur, président du bureau de vote et FOSSEL. Donc ici, on n’a pas à faire à la fraude habituelle. La fraude est un acte secret. On se cache pour ramasser des votes qui ne lui sont pas destiné, mais ici, c’est officiel. Il y a des ministres qui rentraient dans les bureaux de vote pour intimer de rédiger dans un sens favorable à la mouvance les PV ou bien de réduire. Ils prenaient des bulletins de vote et substituer à ces bulletins, ceux pré-cochés. Ou alors, on allait assécher les cartes d’électeurs dans une zone au profit d’une autre zone, comme on a fait à Lola, à Djassou, à Foumbadou et partiellement à Lèlè. Il y a des sous-préfets qui ont obligé comme Zoo, le président de la CESPI à rédiger le PV favorable au RPG. Mais seulement, il a refusé.
Mais à Yomou, la distance entre le RPG et notre parti, l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG) lors du premier dépouillement, nous avions déjà près de 6000 voix de plus que le RPG. Alors, ça a paniqué les fonctionnaires de l’Etat qui ont abandonné le travail à Conakry, pour aller là-bas. Mais vous savez ce qu’ils ont fait ?
Ils ont amené six urnes remplis des bulletins pré-cochés à 90% pour le RPG qu’ils ont déposé chez le secrétaire général chargé de l’administration, où le directeur national des impôts, un certain Wowo Wata Monémou qui fait l’objet d’un audit ici pour disparation d’une forte somme à la direction des impôts, qui a cru qu’il allait se mettre à l’abri du gouvernement en distribuant encore de l’argent de l’Etat, pour voler les suffrages de l’UPG. Cette substitution des quinze (15) urnes au profit du RPG a créée une distance inversée entre le RPG et nous.
On a constaté la même chose à Macenta, mais sur une grande échelle, à tel enseigne qu’un de nos représentants a dû se battre au poing avec Loucény Camara ministre de l’hôtellerie, du tourisme et de l’artisanat. A Kérouané, c’est un hold-up organisé comme à Beyla. Nzérékoré, n’en parlons pas ! Guéckédou aussi, Faranah, c’est autre chose. Partout c’est comme ça. Donc, les résultats qu’on donne, ce n’est pas une façon traditionnelle de l’opposition de contester, mais vraiment c’est déshonorant pour la Guinée qu’une telle élection ait lieu chez nous. Avec un tel comportement de l’administration, pourquoi un gouvernement a besoin de 85 députés ? C’est pour se mettre à l’abri des critiques. Et qu’est-ce que vous voulez que des partis comme nous aillent faire à l’Assemblée nationale qui est pré-composée par le gouvernement à sa dévotion ?
Malgré le retard accusé par le chef de l’Etat dans l’exécution de son programme dans la gestion de la Guinée où les affaires vont en volée, mais il continu à crée des situations qui ne sont pas favorables au maintien de la paix civile. Ce sont eux qui sont coupables de la misère du peuple, l’obscurité dans laquelle nous vivons, le manque d’eau dans ce château, c’est ce qui est un peu contradictoire.
C’est pourquoi, après une analyse approfondie de la situation, nous avons décidé de rejeter la totalité des résultats du scrutin.
AFRICAGUINEE.COM : Face à cette situation, l’opposition a convoqué une réunion d’urgence ce lundi, que peut-on retenir de cette rencontre ?
Jean Marie DORE : Vous savez, la communauté internationale cours pour venir nous demander de renoncer à la violence comme si on était des gens violents. Quand nos militants descendent dans la rue, il n’y a personne qui a un bâton dans la main. « Nous voulons la justice, on veut la transparence !» C’est ça. Mais en face, ça crépite. Ils sont les détenteurs des armes. Et c’est le gouvernement qui crée le désordre dans la rue. Ce ne sont pas les militants de l’opposition, mais l’opposition proteste dans la rue parce que c’est un droit constitutionnel. Alors, nous ne voulons pas de ses résultats, et nous avons mis en garde la communauté internationale qui cherche toujours à détecter parmi nous les maillons faibles pour les neutraliser afin de diviser le front de l’opposition. C’est pourquoi, au sortir de notre entretien de ce lundi, nous avons rédigé une déclaration mettant en garde ces comportements de la communauté internationale.
Par contre, nous avons félicité vigoureusement l’union européenne qui vient de déclarer que si la CENI n’inverse pas son comportement, elle ne reconnaitra pas les résultats des élections législatives en Guinée. Ce n’est pas grand-chose, mais dans le cas guinéen, c’est un comportement salutaire face aux comportements des observateurs de l’Union africaine et de la CEDEAO, des ambassadeurs accrédités ici, qui viennent se promener et dire gardez la paix. Est-ce que vous croyez que la paix est possible dans un pays où il n’y a pas de justice ? C’est ce qui est navrant.
AFRICAGUINEE.COM : Et pourtant, l’Union africaine et la CEDEAO ont déclaré que le scrutin s’est ‘’globalement’’ bien déroulé ?
Jean Marie DORE : Si vous avez vu l’Union Africaine relever un petit peu d’anomalies dans une élection même quand tout le monde constate ça, nous relevons le comportement honorable de l’union européenne par ses observateurs qui ont mis le doigt sur la plaie et ont averti que si la CENI ne corrige pas le tir, ils ne reconnaitront pas le résultat.
Il faut saluer ce comportement de la délégation de l’UE qui a été envoyé en Guinée. Je ne sais pas comment ils font ailleurs, mais l’union africaine vient radoter et puis la CEDEAO. (…) C’est une honte pour l’Afrique, ça s’est fait toujours comme ça. L’Afrique a des handicaps graves. Je ne sais pas si notre destin va susciter des hommes qui auront à cœur d’inverser le cours des événements, mais aujourd’hui, la médiocrité, l’appât du gain et tous les travers sociaux qu’on condamne chez les individus tendent à fleurir dans les cours de ceux qui commandent nos Etats.
Ailleurs les gens essayent de fignoler la machine à frauder à concurrence de 5 à 15%, et on attribue ça à l’analphabétisme de la population, mais ici, le gouvernement est un empire. Il ne peut pas se contenter de 10%. Il faut qu’il montre sa puissance, il prend 60% à 80%. Comment voulez-vous que dans toute la Guinée, on a voté à moins de 70% et à Mandiana, à Siguiri…c’est 92% ? Il y avait des hélicoptères pour se rendre aux lieux de votes ? Je trouve que c’est très triste. Mon cœur est profondément triste de savoir que tout le travail qu’on a abattu depuis les origines, n’ont jusqu’à maintenant servi à rien et que le vol, la confiscation gagent davantage le terrain.
AFRICAGUINEE.COM : Malgré ces bisbilles que vous dénoncez, vous avez quand même accepté d’aller à ces élections. Pourquoi, pendant que la CENI est entrain de publier les résultats provisoires des élections aux comptes gouttes, vous demandez l’annulation de ce scrutin ?[IMG2]
Jean Marie DORE : Nous avons signé un accord sur la foi de la communauté internationale le 03 juillet. La communauté internationale nous a dit en ce moment là, notre confiance était totale. Il faut signer, c’est bon ! Alors, on a signé, mais le gouvernement n’a pas appliqué un seul point de cet accord, et la communauté internationale est restée muette. Donc, notre bonne foi ne peut pas être mise en question, parce que nous n’avions pas des raisons d’aller signer un accord qui réglait les contentieux, de présumer que le gouvernement allait se comporter de cette façon là.
AFRICAGUINEE.COM : Jusqu'où comptez vous aller?
Jean Marie DORE : Jusqu’à ce qu’on annule les résultats et on recommence les élections après avoir expurgé le fichier de toutes les anomalies, parce que c’est le principal problème. C’est aussi la première fois dans le monde qu’un gouvernement organise une élection sans qu’on ait affiché le fichier. C’est pour vous dire l’étendue, l’énormité du mépris que ce système a pour le peuple de Guinée et ses dirigeants. C’est inacceptable !
AFRICAGUINEE.COM : Au cas où le pouvoir actuel ne fléchirait pas face à votre demande, quelle autre stratégie comptez-vous adopter ?
Jean Marie DORE : Le peuple va protester vigoureusement, puis que c’est lui qui a voté. Je ne reconnais pas les résultats. Ce n’est pas à moi de faire une stratégie au peuple. Nous ne sommes pas des dictateurs. On n’est pas des autocrates.[IMG3] L’ONU m’avait mandaté de nous aider à organiser des élections pour qu’on ait des représentants, voila ce que j’ai fais, voila ce que j’ai dépensé, voila les moyens de locomotions que j’ai mis à la disposition de mes gens. Ils ont gagné ici, et ici, le gouvernement a raflé tout sur la menace des armes. Il appartient aussi au peuple que je respect, d’accepter ou de ne pas accepter. La seule stratégie, c’est le peuple qui la définit.
AFRICAGUINEE.COM : Vous avez été déclaré vainqueur quand même à Lola, dans votre préfecture. Lors d’une conférence de presse, la mouvance a mis en cause votre victoire. Quelle est votre réaction ?
Jean Marie DORE : Moi je n’ai pas à réagir, parce que ce sont des médiocres qui parlent comme ça ! Le ministre de la communication était là-bas, le gouverneur et le préfet étaient tous là-bas. Tout ce que l’administration compte d’agents d’influence était là-bas. Malgré leur menace, les gens ont gardé leur calme et ont voté dans l’honneur et la dignité.
Si vous remarquez, le résultat du candidat à l’uninominal et le résultat de la liste nationale, c’est un peu en équilibre. Mais il se trouve maintenant, quand on compare la différence des bulletins nuls entre le candidat et celui de la liste nationale est de 15000 nuls. Comment on peut avoir le taux et les bulletins du candidat à l’uninominal soit à 15000 bulletins nuls, alors que pour nous c’est autour de 7000 ?
Ça veut dire, même s’ils veulent fignoler la tricherie, ils sont tellement ignorant et cancre qu’ils ne savent pas le faire. Il n’y a que la violence qui les arrange.
AFRICAGUINEE.COM : Votre mot de la fin ?
Jean Marie DORE : Nous demandons à ce qu’on respecte la Guinée et les guinéens. Aujourd’hui c’est ça ! Ce n’est pas l’affaire d’une partie. C’est l’affaire de toutes les parties y compris les militants du RPG Arc-en-ciel. Ils ont droit d’être respectés. Parce que quand on les commet dans des tâches obscures comme ça, d’aller voler. On veut en faire coute que coute des délinquants. Parce que celui qui vol le bien d’autrui est un délinquant. On nous a volé nos biens. Ceux qui les ont pris sont des délinquants, on les a pris la main dans le sac.
L’union européenne a filmé des gens entrain de frauder. Et on nous a rapporté de Kankan, qu’il y a une dame qui a quitté au PEDN pour rallier le RPG. Et le RPG l’avait désigné dans un bureau de vote à Kankan. On l’a surprise entrain de diminuer les bulletins du PEDN au profit du RPG, on l’a attrapé, la main dans le sac.
Sur cette situation, madame la coordinatrice du RPG Nantenen Konaté a dit, selon ce qu’on nous a rapporté, qu’on a appelé la femme là pour lui menacer. Elle dit donc, ah, tu es venues, tu t’es fait prendre exprès pour saboter ? Tu as joué le double pour le compte du PEDN, donc tout ça là, c’est pour qu’on nous prenne comme des partis voleurs. Donc, on va régler ton compte après les élections !
Avec ça, est-ce que vous croyez que nous sommes dans un Etat de droit ? On va par la force, il n’y a pas de semblant d’idéal. C’est la violence, on peut piétiner les œufs de quelqu’un, tuer la vache de quelqu’un, maltraiter l’enfant d’autrui ; et on vous dit d’indemniser celui qui a été victime de votre forfait.
Nous sommes des simples citoyens qui se sommes donné la peine d’aller à ces élections avec beaucoup des difficultés, et on nous a pris tout. Si vous vous souvenez, au premier tour des élections présidentielles, le RPG a été crédité officiellement de 18%. Puis, il s’est débrouillé pour avoir une grande alliance dont les éléments principaux étaient les Lansana Kouyaté, Teliano, Kassory Fofana…112 alliés. Aujourd’hui, il reste combien des alliés crédibles là-bas ? Personne !
Donc, ces résultats d’aujourd’hui ne reflètent pas le résultat de l’alliance concoctée en 2010. Alors, où il a pris la différence là ?
La réponse à première vu c’est la subordination des préfets, des sous-préfets, des gouverneurs, des policiers, des gendarmes et malheureusement beaucoup des militaires qui sont allés par la force s’imposer dans des bureaux de vote à Kindia pour voter plusieurs fois au vu et au su de tout le monde. Ce n’est pas normal. Moi je trouve ça très triste. Alpha n’a pas besoin de ça !
Interview réalisée par Aliou BM Diallo
Pour Africaguinee.com
(+224) 664 93 46 24
Créé le 8 octobre 2013 11:00
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