Interview : Dr Mamoudou Magassouba nous dit tout sur le cancer du col de l’utérus…
CONAKRY- Selon le revue d’experts sur la thérapie anti-infectieuse, d’ici 2030, le cancer du col de l’utérus causera plus de 443 000 décès de femmes chaque année dans le monde, la plupart en Afrique sub-saharien. En Guinée, c’est l’une des principales maladies chez les femmes. Dr Mamoudou Magassouba, Médecin gynécologue à la maternité de l’hôpital Donka a confié à notre rédaction quelques difficultés qu’il rencontre dans la prise en charge médicale des patientes. Avec lui, nous avons aussi parlé des moyens de prévention de cette maladie.
AFRICAGUINEE.COM : Que répondriez-vous si on vous demandait c’est quoi le cancer du col de l’utérus ?
DR MAMOUDOU MAGASSOUBA : Par définition le cancer du col de l’utérus chez la femme est la prolifération anarchique des cellules du tissu cervical. Chaque être humain, l’unité fonctionnelle c’est la cellule. Quand la cellule se développe de façon normale il n’y a pas de problème. Mais lorsqu’elle se développe de façon anarchique, ça évolue vers les pathologies comme le cancer du col de l’utérus.
Comment contracte t-on cette maladie ?
Le cancer du col de l’utérus est une maladie très grave. Il s’agit d’une maladie qui est transmise à travers les rapports sexuels. La plupart des hommes ont le virus du papillome humain. Et si par malheur ton mari ou ton partenaire a le VPH de type 16, le cancer va commencer à ronger le col. Quand on prend l’histoire naturelle du cancer du col de l’utérus, c’est seulement l’infection par le virus papillome humain qui va coloniser les cellules du tissu cervical. Et les transformations anarchiques vont se mettre en place et cela va évoluer vers le cancer du col de l’utérus. Et ce type de VPH est la genèse de ce cancer. Nous avons plusieurs types de cancer. il y a le 16, le 18 et le 53.
Quelles sont les conséquences de cette maladie virale ?
Elles sont énormes. Elles sont psychologiques, d’ordre familial et financier. S’il y a une femme qui vient qui a un cancer du col de l’utérus qui doit subir une intervention chirurgicale, l’utérus étant l’organe d’ovulation de la femme et qui entretient le développement de l’enfant, donc l’utérus, l’endomètre et le col vont être enlevés. La femme ne sera plus féconde. Cela est un fardeau : Sans compter le coût du traitement en chimiothérapie qui varie entre 5 et 6 millions.
Quel est le taux de prévalence ou les statistiques actuelles de cette maladie en Guinée ?
Je ne dispose pas des statistiques. Mais nous recevons beaucoup de patientes dans notre service. Nous avons plus de 400 à 500 femmes qui ont été traitées. Elles ont même commencé à faire des enfants. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé, Ndlr) nous a octroyés des colposcopes digitaux pour le traitement des malades.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la prise en charge des malades ?
Les patientes viennent souvent à un stade avancé de la maladie. Vous savez le col de l’utérus de la femme il y a plusieurs cellules, donc au fur et à mesure que la maladie avance ça ronge les différentes couches jusqu’à ce que ça franchit la membrane basale. Et cela nécessite une chirurgie. Chaque 28 jour, il faut 6 séances de chimiothérapie. Et après la patiente a besoin d’une radiothérapie mais malheureusement nous n’avons pas ça en Guinée. Nous referons nos malades au Sénégal et le coût de traitement s’évalue à 1.500.000 FCFA. D’abord, il faut un billet d’avion, un logement à Dakar et le coût du traitement. A son retour, la patiente est suivie par notre service jusqu’à la fin de sa vie.
La plupart des femmes qui viennent ici et qui ont le cancer, ne sont pas allées à l’école et généralement c’est qu’elles ont été victimes de mariage précoce. Imaginez qu’une femme qui vend du charbon à Madina, on lui dit de trouver 30 millions de francs guinéens pour couvrir les frais médicaux de son enfant, c’est comme si tu l’envoyais à l’abattoir. Donc il n’y a pas de prise en charge avec le cancer. Les frais sont toujours au compte des patientes.
Actuellement nous avons 6 de nos patientes qui sont à Dakar pour la radiothérapie. D’autres aussi cherchent les moyens de partir.
Y a-t-il des moyens préventifs contre cette maladie qui est l’une des principales causes de décès chez les femmes ?
Le seul moyen de prévenir cette maladie chez les jeunes filles qui ne sont pas mariées et n’ont pas eu des rapports sexuels c’est la vaccination qui couvre au moins 10 ans. Je suis content du Ministère de l’Action Sociale qui recommande de donner les jeunes filles à l’âge de 18 ans. Mais le mariage précoce les expose au cancer du col de l’utérus. Mais si elle attende qu’elle saigne tous les jours pour faire la consultation ça ne serait pas bon. La prévention primaire c’est le combat que tout bon médecin doit mener. Le dépistage est à un coût très raisonnable, c’est à 25.000 francs guinéens et il se fait chaque 2ans.
Combien coûte le vaccin contre le VPH (virus du papillome humain) ?
Le vaccin est très cher et il n’est pas disponible en Guinée. Je ne connais pas le prix. Nous referons les personnes qui souhaitent avoir le vaccin dans certaines pharmacies. Mais ce vaccin n’est valable que pour les jeunes-filles qui n’ont pas commencé une activité sexuelle.
Votre mot de la fin ?
Le col est le premier cancer en Afrique après celui du sein. Je lance un appel à toutes les femmes d’adhérer à ce programme de dépistage. Si on vient tôt, on a une chance de guérison à 100%. Et je suggère que l’Etat nous aide en mettant en place des impôts sur les bâtiments ou les véhicules que les citoyens payent même si c’est 1000 francs guinéens pour la couverture des grandes pathologies.
Interview réalisée par BAH Aissatou
Pour Africaguinee.com
Tél. : (00224) 655 31 11 14
Créé le 13 mai 2018 12:49Nous vous proposons aussi
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