Intégration sous régionale : Entretien avec Dr Dimitri Sanga, Directeur du Bureau de l’Afrique de l’ouest de la CEA…

Dr Dimitri Sanga, Directeur du Bureau sous régional de l'Afrique de l'Ouest de la Commission Économique pour l'Afrique

COTONOU- Qu’est-ce que les pays membres de la CEDEAO pourraient tirer comme avantages de l’élargissement de cette organisation sous-régionale ? A l’occasion de la réunion ad hoc du groupe d’experts qui se sont penchés sur cette question, nous avons tendu notre micro à Dr Dimitri Sanga, le Directeur du Bureau sous régional de l’Afrique de l’ouest de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA).


AFRICAGUINEE.COM : Quelle était l’opportunité selon vous d’organiser cette réunion ad hoc du groupe d’experts ?

DR DIMITRI SANGA : Les deux réunions que nous avons eues au cours de cette semaine portent sur un certain nombre de sujets qui émanent de quelques évènements que nous avons vécus en 2017. Il y a eu plusieurs évènements, mais il y a eu deux qui sont d’une grande dimension. Le premier c’est ce que les chefs d’Etats et des gouvernements de la CEDEAO ont annoncé lors de leur sommet à Monrovia, qu’ils acceptaient le principe de la venue du Maroc au sein de la CEDEAO et qu’ils donnaient mandat à la commission de la CEDEAO de pouvoir entreprendre des études approfondies, des analyses qui leur permettront de prendre une décision définitive dans le futur. Ils se sont réunis en Décembre à Abuja, ils ont formé une commission faite de chef d’Etats qui vont superviser la commission dans la recherche des analyses qui leur permettront d’avoir une vision éclairée sur la question d’adhésion d’un certain nombre de pays de l’Afrique du Nord, dont le Maroc, la Tunisie (…).

Deuxième événement, les pays africains s’étaient réunis à Kigali, 40 d’entre eux ont signé l’accord sur la zone de libre-échange continental africain. Certains aussi ont signé le protocole qui va avec, et qui concerne la libre circulation des personnes dans les pays africains.

Ces deux évènements ont un impact  sur la question de l’intégration au sein de la CEDEAO. Premièrement on parle d’un élargissement potentiel si jamais la réponse était positive. Deuxièmement, la CEDEAO qui est déjà un ensemble qui est passé à travers la zone de libre-échange entre les 15 pays qui sont au niveau d’avoir un tarif extérieur commun, et voilà venu maintenant au niveau continental cette zone de libre-échange continental. Quelles sont les implications de tout ça sur l’équilibre budgétaire de la CEDEAO ?

Voilà ce qui a milité dans le sens de réunir ici des experts provenant des 15 pays de la CEDEAO pour que nous puissions discuter ouvertement, de manière objective, des questions d’intégration des nouveaux membres à la CEDEAO, des questions d’aller vers la zone de libre-échange continental, certains pays africains l’ont signé, d’autres ne l’ont pas fait.

Qu’est-ce que cela pourrait avoir comme implications au niveau de la CEDEAO ?

Les implications pour la CEDEAO on ne peut pas avoir une réponse univoque pour l’instant parce qu’il faut que ça soit basé sur des analyses objectives, c’est un peu le but de l’exercice que nous faisons maintenant où surement il peut y avoir des gagnants et des perdants dans l’exercice. Ça dépend aussi des niveaux. La principale chose que les gens regardent c’est le commerce. Nous avions des tarifs parce que si vous n’avez pas des zones de libre-échange avec les autres, si vous importez les biens qui arrivent chez vous, ils payent des tarifs qui vont dans les caisses de l’Etat, ce sont des revenus de l’Etat qui vont être perdus. On peut perdre les tarifs mais si le commerce devient un volume plus important, il permet aux petites et moyennes entreprises de votre pays de pouvoir aller vendre dans les autres pays. En ce moment ils ont accès à un plus grand marché où ils gagnent plus de revenus, ces mêmes revenus vont être investis dans le social. Voici les gains auxquels on ne peut ne pas penser.

Donc il faut des analyses en équilibre général comme on le dit, qui considèrent les différents secteurs, qu’est-ce qu’on perd, qu’est-ce qu’on gagne, à la fin on peut arriver à dire si c’est bien d’aller vers cette zone de libre-échange ou d’avoir des nouveaux membres ou pas.

Certains observateurs craignent certes l’arrivée d’un pays comme le Maroc dans la CEDEAO, mais d’autres aussi y voient des avantages comme le transfert de technologie. Qu’en pensez-vous ?

L’infrastructure est à la base du commerce. Lorsque vous allez produire un bien, prenons le cas du Benin où nous sommes aujourd’hui, s’ils produisent beaucoup d’ignames, il y en a suffisamment pour les béninois et il pourrait y avoir même une quantité pour exporter. En ce moment-là pour exporter, ça dépend des lieux où vous amenez ces ignames. Si l’Ethiopien veut de l’igname, aller de Cotonou en Ethiopie il y a plusieurs façons d’aller avec ces marchandises ; Soit par voie portuaire ou aéroportuaire. Voilà la question centrale que jouent les infrastructures, s’il y a une autoroute qui part du Bénin pour arriver en Ethiopie, ça pourrait être plus rapide pour envoyer ces ignames afin qu’elles ne pourrissent pas avant d’arriver en Ethiopie et accéder à un marché de 100 millions d’individus. Quelques choses que le Benin ne peut pas supporter, des commerçants d’ignames du Benin qui ont suffisamment d’ignames à vendre à 100 millions d’individus, vous voyez déjà le nombre d’emplois qui pourraient être créés et le revenu qui peut être fait.

Mais l’infrastructure peut constituer un frein. Comme on le disait le matin dans les discussions c’était un ensemble qu’il faut considérer, il ne faut pas regarder juste le commerce parce qu’on a un bien ou un service qu’on va vendre dans un pays. C’est plutôt accompagné d’une série de mesures incluant le développement des infrastructures. Nous sommes tous sous la bannière de l’Union Africaine qui a le PDIA (Le Programme de Développement des Infrastructures en Afrique) qui consiste à créer des corridors qui relieraient le Nord au Sud, l’Est à L’Ouest. Ces corridors qui existent mais qui souffrent aujourd’hui des problèmes d’investissement et il faut des fonds pour investir. Pour cela l’Union Africaine est entrain de réunir des mesures pour trouver des ressources propres afin d’entamer ces grands travaux d’infrastructures. Vous avez entendu parler du corridor LAGOS-ABIDJAN, Abidjan-Dakar, il y a déjà des études de faisabilité qui ont été faites pour le tronçon Lagos-Abidjan financé par la BAD. Je pense que nous sommes sur le bon chemin où nous disons il faut développer ces infrastructures, il faut que les pays africains entrent dans les accords pour libéraliser l’espace aérien et permettrela fluidité des biens et services dans le continent. Il faut un ensemble de trucs qu’il faut mettre en place pour pouvoir accompagner le commerce.

Le Maroc et la Tunisie sont des pays qui ont atteint un certain niveau de développement. Est-ce que leur arrivée éventuelle ne pourrait pas avoir des impacts négatifs sur les économies de certains pays de la CEDEAO ?

Je ne donne pas un avis là-dessus, je parle des faits, c’est exagéré de dire qu’il y aura des pertes lorsque ces pays rejoignent la CEDEAO. Pour conclure sans équivoque est ce que ça va être bénéfique ou pas ? Il faut qu’on pousse les études dont on est en train de discuter, ensuite on va voir les faits sur le bien-être, les faits sur le PIB également, les faits sur les secteurs qui vont perdre ou qui vont gagner. Je vais peut-être apporter quelque chose à votre réflexion, vous dites qu’un pays comme le Maroc s’il vient installer des industries dans un pays comme le Benin ça va tuer l’industrie locale. Mais si l’industrie de production est installée au Benin ça va permettre aux béninois d’accéder à ces infrastructures qui seront là, plus les emplois. Tout est dans les négociations. Si le Benin et le Maroc veulent s’entendre sur les faits, il faudra peut-être poser les conditions telles que lorsque vous venez installer ces usines nous ne voulons pas qu’il y’ait 100% de marocains qui viendront gérer ces usines, nous voulons former les jeunes béninois à pouvoir manipuler ces outils.

Voilà quelque chose qui apportera du travail, voilà un transfert de technologie qui pourra aider le pays, tout est dans les négociations. C’est comme dans un mariage, lorsqu’on se rend compte qu’il y a des choses que nous avons en commun, il y a des choses sur lesquelles nous partons diamétralement opposés, mais on parvient à trouver des points de convergence.

Est-ce qu’un pays de la CEDEAO pourrait faire le poids devant le Maroc par exemple dans les négociations ?

Voilà pourquoi il faut aller en bloc. Nous ne parlons pas ici du Benin et du Maroc, nous parlons de façon générale, nous avons vu toutes les présentations faites, le Maroc versus CEDEAO, la Tunisie versus la CEDEAO. Donc c’est la CEDEAO dans son ensemble qui va donner son aval pour que le Maroc puisse rejoindre ou pas. On ne parle pas du Benin versus Maroc.

Si la CEDEAO accepte l’arrivée du Maroc, cela signifierait qu’aucun pays ne pourrait négocier seul avec le Royaume Chérifien ?

Le Bénin va négocier avec le Maroc à travers la CEDEAO. La force c’est quoi, nous avons une population de 350 millions d’habitants qui va aller négocier en bloc devant le Maroc. C’est cela la force.

Qu’est que les pays du Nord comme le Maroc et la Tunisie ont à gagner en allant vers le marché Ouest-africain ?

Nous voyons ce qu’ils gagnent, la réponse à cette question ça devait être le Maroc ou à la Tunisie de répondre à ça. Nous savons en premier lieu, le marché Ouest-africain c’est près de 350 millions d’individus, il n’y a aucun pays en dehors de ce continent qui ne lorgnerait pas ce marché. Ce sont les lois du marché, donc l’Afrique de l’Ouest est attractive, nous avons un marché de consommateurs potentiels de 350 millions d’habitants et personne ne va résister par rapport à ça. Maintenant il revient à nous de l’Afrique de l’Ouest de négocier les bonnes conditions pour que ça soit une opération gagnant-gagnant.

Entretien réalisé par SOUARE Mamadou Hassimiou

Journaliste CEA (Bureau sous régional de l’Afrique de l’Ouest)

Pour Africaguinee.com

Créé le 27 juin 2018 19:42

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