Importation et vente des médicaments : Oury Barry répond au syndicat des pharmaciens…
CONAKRY-Face aux accusations portées contre les commerçants importateurs de médicaments par le syndicat des pharmaciens professionnels et privés de Guinée, leur porte-parole vient de répondre. Dans un entretien qu’il a accordé à Africaguinee.com M. Amadou Oury Barry, a défendu les vendeurs de médicaments qui évoluent dans l'informel. Le porte-parole de ces acteurs (non agréés) du secteur pharmaceutique a fait des révélations tonitruantes.
AFRICAGUINEE.COM : Le syndicat des pharmaciens professionnels de Guinée accusent des commerçants et lobbyistes « très puissants » de vouloir prendre le monopole de l’importation et la commercialisation des produits pharmaceutiques. Ils (les pharmaciens, ndlr) menacent d’aller en grève pour ça. Que répondez-vous ?
AMADOU OURY BARRY : Nous, nous considérons ces pharmaciens agréés comme nos collègues de travail, mais il y a un manque de compréhension. Parce qu’ils envisagent de monopoliser le secteur. Mais je pense qu’il devrait d’abord penser aux paysans, à ceux qui sont dans les villages reculés et qui n’ont jamais vu le goudron. Ces centres de santé que le gouvernement a mis en place, arrivent difficilement à obtenir des produits pharmaceutiques pour leur fonctionnement. Ces pharmaciens se sont installés à Conakry en refusant d’aller à l’intérieur du pays. Ils font des surfacturations fantaisistes sur le dos des pauvres citoyens. Mais grâce à la presse, nous espérons que le Président de la République sera édifié, car il est là pour tout le peuple de Guinée, surtout pour les plus démunis.
Aujourd’hui, si vous avez une ordonnance et que vous vous rendiez dans ces pharmacies dites agrées, on vous réclame trois cent quatre-vingt mille francs guinéens (380 000 GNF). Si vous prenez la même ordonnance, vous allez dans l'informel cela vous coûte 150. 000 Gnf. Vous verrez une différence de plus de 200.000 GNF. Si vous prenez ce produit, vous l’envoyez chez le médecin, il vous dira que c’est la même chose. Vous l’utilisez et vous recouvrez votre santé. Nous ne savons pas pourquoi nos collègues pharmaciens continuent de tenter d’avoir le monopole du secteur. Ils devraient chercher à comprendre que parmi nous il y a des intellectuels, des universitaires et que nous sommes des guinéens comme eux.
Il ne suffit pas d’être intellectuel pour devenir pharmacien. La loi définit les conditions pour exercer cette profession et c’est l’application de celle-ci que réclame le syndicat. Qu'en dites-vous ?
J’avoue qu’il existe des pharmacies dont les propriétaires se réclament être des professionnels alors qu’à l’intérieur de leur pharmacie ils n’ont même pas de ventilateur. Et ce n’est pas le diplôme seulement qui importe le produit, ça demande des moyens. Ce n’est pas le capital seulement qui envoie ces produits, les pays qui les fabriquent sont plus développés que nous. Et lorsque le produit arrive chez nous, c’est des personnes, sortant des universités de Conakry qui sont avec leurs frères ou sœurs pour les assister dans la vente. Et vous ne trouverez aucune boutique de revendeur de produits pharmaceutiques où on montre un sérum à un patient. Ceux qui revendent le produit se basent sur les recommandations du médecin.
Il faut penser à ces citoyens qui sont par exemple à Pilimini (Koubia), à Nzérékoré, à Zoo (Lola), Kouroussa, Saréboido, Koundara, où il n’y a presque pas de pharmacie dans ces endroits. Dans la région administrative de Mamou, il n’y a qu’une seule pharmacie qui est agréée. C’est grâce aux vendeurs dans l'informel que les citoyens arrivent à se soulager.
Le problème c’est quoi ? Certains pharmaciens qui se disent professionnels viennent prendre des dettes avec nous. Et quand on réclame, ils menacent de nous dénoncer à la presse. ‘’Vous savez que vous n’avez pas d’agrément’’. C'est ce qu'on nous dit.
Quels sont vos rapports avec le ministère de la santé accusé de laxisme ?
Les autorités ne sont pas contre nous. Les cadres du ministère de la santé sont des personnes honnêtes et qui savent ce dont souffrent les citoyens à la base. Car ils fréquent les localités de l’intérieur du pays. Les pharmaciens ‘’professionnels’’ envisagent une monopolisation du secteur alors qu'ils ne sont pas à la hauteur, ni économiquement et administrativement ils ne peuvent pas couvrir toute l’étendue du territoire national. Il y a des endroits où on peut ne pas trouver des pharmacies agréées, mais il n’y a pas un district où on ne trouve pas un vendeur de produits pharmaceutiques.
La Guinée a huit régions administratives, 33 préfectures, 307 sous-préfectures, 344 Communes urbaines et rurales, 4142 Districts et Quartiers, 15.741 Villages/secteurs. Posons-nous la question : Que veulent réellement les pharmaciens guinéens alors qu'ils sont quasiment tous installés à Conakry. Ils refusent d'aller s'implanter à l'intérieur du pays. J'avoue qu'il y a des préfectures qui n'ont pas une seule pharmacie. Je donne l'exemple de Boffa, Telemele, Gaoul, Lola, Koundara, Tougué, Kerouane, Yomou, Lelouma etc. C'est grâce aux vendeurs de médicaments dans l'informel que ces préfectures se procurent.
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Diagnostiquons un peu les pharmaciens qui achètent leurs produits à MADINA et qui les revendent plus chers alors que les boutiquiers revendent moins cher le même produit. Si un pharmacien revend son produit à 300 mille, le boutiquier le revendra à 120 mille. Si on part du principe de leur revendication, posons-nous la question de savoir comment nos villages vont avoir les produits pharmaceutiques désormais. Alors que nous savons tous que les pharmacies se limitent aux centres villes de certaines préfectures. Changeons pour que ça change. Ce ne sont pas les revendeurs dans l'informel qui prescrivent la façon dont on doit administrer le médicament, c’est le médecin.
Nous avions demandé aux pharmaciens de venir, ensemble dans la fraternité, qu’on cherche un laboratoire digne de nom pour trier les faux produits des vrais. Ce n'est pas à l'œil nu qu'on va pouvoir détecter les faux médicaments, c’est les laboratoires qui peuvent faire le distinguo entre la bonne graine de l'ivraie.
Nos parents au village, ils gagnent les produits pharmaceutiques grâce aux vendeurs locaux ou à défaut d'un pharmacien. J’ai assisté à une scène dans un district dont je préfère taire le nom, j’ai vu une femme saigner, il n’y avait pas de produits dans le centre de santé pour arrêter l'hémorragie. C’est grâce à un vendeur de produits pharmaceutiques dans un marché hebdomadaire qu’ils ont pu sauver la femme. S’il fallait s’attendre à trouver une pharmacie, mais cette dame allait mourir.
Pourquoi vous ne chercherez pas à être dans les règles ?
On a mené des démarches dans ce sens mais tout n’est pas facile. Et on ne peut pas avoir tous les documents en un jour. Le processus est en cours et beaucoup d’entre nous ont eu des documents administratifs. Mais, les produits qu’on envoie chez nous, c’est des pharmaciens qui achètent avec nous. On ne comprend pas alors la raison de cette ségrégation.
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel: (00224) 664 72 76 28
Créé le 15 février 2021 16:27
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