Ibrahima Camara, délégué au Bac : « Ils m’ont dit… si tu ne laisses pas les enfants tricher »
NZEREKORE-Ibrahima Sory CAMARA, est le chef service scolarité de l’Université de Nzérékoré. Ce délégué du baccalauréat session 2021, au compte du ministère de l’enseignement supérieur au centre Zégbéla Tokpa PIVI, sis au quartier Gonia, a frôlé le pire.
Il dit avoir été menacé par certains responsables d’écoles privées de la place à cause de sa rigueur lors de la surveillance au baccalauréat. Des individus sont allés jusqu’à mettre du feu dans sa concession selon le témoignage qu’il nous a livré.
Interrogé, M. CAMARA nous a confié que le bac s’est bien passé dans son centre. Cependant, il dit avoir subi des menaces de certains responsables d’écoles qui sont allés à sa rencontre à son domicile, à la veille de l’examen. Après avoir refusé d’être corrompu, ce délégué a failli voir son domicile incendié dans la nuit du vendredi 23 juillet 2021. Des individus sont allés jusqu’à mettre du feu dans sa concession, nous raconte-t-il. Ses révélations donnent le froid dans le dos.
« Pour nous, le bac s’est très bien passé, puisque nous avons essayé de faire respecter les consignes qui ont été édictées. A la veille du début du bac, le mercredi 21 juillet 2021, des individus ont tapé la porte de ma cour à 22h 45 mn. Mais je n’ai pas ouvert la cour, puisque chez moi à partir de 22h, je n’ouvre plus. Le lendemain jeudi, j’ai reçu deux personnes. Ces deux personnes se sont présentées comme fondateurs et directeurs d’une école privée de la place. Ils m’ont dit qu’ils étaient passés la veille la nuit. Quand on a engagé la conversation, ils m’ont demandé de leur proposer quelque chose comme montant concernant le baccalauréat, puisqu'ils ont des candidats dans mon centre. Je leur ai dit que vos candidats vont composer comme les autres candidats, il n’y a pas de problème. Après ils m’ont dit ce qu’on veut entendre, nous n’avons pas entendu cela. Quand nous sommes sortis dehors, mon enfant est venu me demander du biscuit. Ils m’ont demandé si c'est l’homonyme de Docteur Binko Mady Touré (secrétaire général du ministère de l'enseignement supérieur, ndlr), j’ai répondu par l’affirmatif, leur confiant que sa maman est même à Conakry pour la formation. Après on s’est séparé.
Mais le vendredi après les épreuves, je suis rentré chez moi et à 17h 46 mn. J’ai reçu un appel d’un numéro areeba. Au bout du fil, l'individu m'a demandé d’avoir pitié des candidats car j’ai des enfants. Il ajoute, sinon je mets ma vie et celle de ma famille en danger. Je lui ai dit que je fais mon travail, après j’ai raccroché. Après cette menace, j’ai envoyé le message à qui de droit. A 1h 14 mn, j’ai reçu un deuxième message qui dit ‘’salut Camara, j’ai empêché des gens de brûler ta maison et ta voiture à toi de voir. Demain on a 3 matières, ta femme en formation est déjà ciblée à Conakry et ton fils’’.
A 1h 26 mn, je reçois un troisième message qui dit : si tu veux, informe le DPE ou l’inspecteur, l’essentiel c’est toi. Libère les enfants samedi, c’est-à-dire de les laisser copier. Sinon, même après un mois tu verras. Après avoir lu ce message, j’ai senti l’odeur du gasoil dans ma maison. Pour moi, il y a eu fuite du gaz au niveau du congélateur, je suis allé vers là-bas, mais je n’ai rien vu. C’est ainsi je suis allé vers la grande porte, j’ai vu maintenant la trace du feu, la fumée étais là. Et je suis sortis par derrière, je suis allé voir effectivement, ils avaient mis du gasoil et du feu. J’ai regardé par où ils sont passés, j’ai constaté, qu’ils ont escaladé le mur, ils ont même fait descendre quelques briques de la première rangée du mur. A 6h 40, j’ai appelé le recteur pour l’informer que j’ai été attaqué la nuit. Il est venu, on a pris des images, et j’ai continué à la préfecture pour prendre les sujets pour me diriger au centre d'examen », nous a relaté M. Ibrahima Sory CAMARA, chef service scolarité de l’université de Nzérékoré.
Après les dernières épreuves, il s'est vu bloquer par les candidats qui réclamaient leurs téléphones ramassés au cours des contrôles et de la surveillance. Il a fallu une intervention des forces de l’ordre pour lui permettre de quitter le centre, témoigne-t-il.
« A la fin des épreuves le samedi, là il a fallu l’intervention des forces de sécurité. Les candidats ont dit qu’on ne sort pas, puisqu’on les a empêchés, on a pris leurs téléphones, il faut qu’on leur rende ces téléphones. Donc nous avons appelé la sécurité qui est venue nous accompagner jusqu’à la DPE », témoigne-t-il avant de confier que sa famille est sous menace. Il compte engager une procédure judiciaire contre les personnes qui sont allés chez lui la veille de l'examen pour le soudoyer.
‘’Les deux premiers jours, samedi et dimanche, j’ai bénéficié de la sécurité avec les policiers, que je payais par jour. Maintenant les autres jours puisque je n’ai pas les moyens de continuer à payer les policiers, j'ai été obligé moi-même de monter la garde avec d’autres personnes. Jusque maintenant on sent la menace parce que si on te dit, si même après un mois tu verras, ça veut dire que la menace est toujours là. Je vais engager une procédure judiciaire contre ceux qui étaient venus. Des dispositions ont été prises ».
Le responsable du service scolarité de l'Université de Nzérékoré lance un appel à tous les encadreurs d’écoles et aux enseignants. Selon lui, le problème n’est pas au niveau des candidats, mais plutôt au niveau des encadreurs et des surveillants.
« Je dis aux responsables d'écoles d’être vraiment conséquents. La rigueur n’est pas contre quelqu’un. S’ils étaient soucieux des candidats, ils auraient dû prendre toutes les mesures, pour que les candidats soient à un niveau appréciable pour affronter le bac. Donc il faut bannir ces pratiques qui n'honorent pas le métier. Ce pays est le nôtre. Surtout nous les jeunes si nous ne prenons pas les mesures, quel sera l’avenir du pays ? Les encadreurs qui sont derrières et même nous les surveillants, le problème, c'est à notre niveau.
Parce qu’un surveillant dans une salle d’examen, qui communique avec les candidats (…) c’est plutôt nous les délégués qui sont surveillés et non les candidats. Je demande aux collègues de cesser ces pratiques. Puisque ce n’est pas pour aider des enfants, mais c’est faire mal à la nation. Si nous voulons aider nos enfants, il faut passer par tous es moyens, pour les mettre dans des bonnes conditions de travail. Mais si tu rates là-bas et que tu veuille passer par d'autres moyens pour l’aider, ce n'est pas appréciable. Donc on doit cesser cette façon de faire ».
SAKOUVOGUI Paul Foromo
Correspondant régional d’Africaguinee.com
A Nzérékoré
Tél. : (00224) 628 80 17 43
Créé le 29 juillet 2021 20:20Nous vous proposons aussi
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