Héritage de Sékou Touré : les révélations chocs de Mohamed Touré (interview)
CONAKRY-La famille de feu Ahmed Sékou Touré réclame à l’Etat guinéen son héritage, qui selon elle, est séquestré depuis 1984, année à laquelle l’armée dirigée feu Général Lansana Conté a pris le pouvoir. Mohamed Touré, l’un des héritiers du père de l’indépendance guinéenne revient dans cette interview qu’il nous a accordé sur les démarches qu’il a mené jusque-là pour être en possession de leurs biens, mais en vain. Il parle également de la polémique liée à l’octroi d’une voiture à sa mère Hadja André Touré par le Président Alpha Condé. Dans cet entretien, le secrétaire général du parti PDG-RDA parle également des élections communales du 04 février 2018. Lisez…
Africaguinee.com : Mohamed Touré bonsoir ! Un cadeau de voiture que le Président Alpha Condé aurait fait à votre maman Hadja André Touré suscite assez de polémique. Que savez-vous de cette affaire ?
MOHAMED TOURE : C’est sujet qui dans certaines circonstances ne m’intéresserait pas. Parce qu’il est normal que le Président de la République veuille faire un cadeau à l’épouse de l’homme qui a dirigé l’équipe qui a fait de notre pays une République indépendante et qui a fait de notre nation une nation unie, forte, et qui a par son action politique libéré ou contribué grandement à la libération du reste du continent africain. Ce n’est pas un problème majeur que le président Alpha Condé pense à faire un cadeau. Mais la présentation et l’esprit qu’on veut donner à ce jeu médiatique de communication est faux. Puisqu’à plus égards, quand on regarde, en fonction du contexte politique spécifique que nous traversons aujourd’hui, on a l’impression que Hadja André Touré vit d’aumône. Et que c’est dans ce contexte aumônier que le Chef de l’Etat lui a gracieusement donné un véhicule. Loin s’en faut.
D’abord, premièrement la République est en défaut par rapport à hadja André, elle est en défaut parce que la loi constitutionnelle qui n’a pas encore changé, elle affère aux épouses et ayant-droits mineurs des anciens chefs d’Etat guinéens, elle a droit à deux véhicules. Ce sont des droits stipulés par la Loi. Ce qui n’est pas le cas.
Deuxièmement, l’Etat guinéen se trouve devoir à Hadja André Touré et conséquemment à sa famille. Je suis au regret de le dire. Nous faisons beaucoup de violences par décence parce que nous pensons que qu’il y a des conditions qui peuvent être discutées plus ouvertement pour avoir des solutions raisonnables. Mais l’Etat doit à Hadja André. La résidence personnelle de son époux est séquestrée par l’Etat guinéen depuis 1984. Ce n’est parce qu’elle n’a pas réclamé. Cette résidence est séquestrée, mais elle est aussi utilisée sans contrepartie, sans même une reconnaissance du droit de propriété. Alors qu’on présente une voiture comme un acte de magnanimité de la part du Président de la République alors que cette même république bafoue les droits les plus élémentaires de la personne à qui on prétend faire ce grand cadeau, il y a une contradiction majeure que nous n’arrivons pas à capter. De grâce, qu’on rende à cette femme ses droits entièrement. Par la suite, ça ne nous générait pas d’avoir un cadeau de la part du Président de la République.
Personnellement je veux profiter de l’occasion pour parler de quelque chose qui me concerne aussi. Dans le même quartier, des propriétés qui sont légalement à moi ont été expropriées par l’Etat en 1984 après coup d’Etat militaire. Un coup d’Etat qui était à la fois illégal et illégitime. Une liste de biens saisie à l’époque a été élaborée, cette liste a été épongée. C’est-à-dire que les biens spoliés ont été restitués à leurs propriétaires ou les ayant droits dans pratiquement dans la quasi-totalité. Ceux qui restent sont les propriétés de Mohamed Touré d’une part et les cases de Bellevue qui appartiennent à la famille du président Sékou Touré donc qui appartiennent à son épouse et ses ayants droit (…) Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui explique cela ?
Nous prenons sur nous d’aller en justice et de faire à la cour de justice. Nous allons au Tribunal de première Instance de Conakry II à Matoto avec le dossier d’une des propriétés de Mohamed Touré (…). C’est pour vous dire qu’il y a beaucoup de mauvaise foi et de raisonnements politiques derrières ces attitudes-là. En tout cas c’est l’impression qui nous reste (…). Nous sommes allés donc au TPI de Conakry II, on introduit le dossier, le jugement est fait en faveur de Mohamed Touré au TPI à l’époque de la deuxième République sous le président Lansana Conté. L’agent judiciaire de l’époque a décidé que la propriété ne peut pas revenir à Mohamed Touré et introduit une cassation à la Cour d’Appel. On y va, et là aussi le dossier suit son cour et la décision est prise de renforcer la décision antérieure du TPI de Conakry II. Donc le dossier est retourné là-bas et encore une grosse est écrite qui me donne entièrement la propriété de droit de ce bien.
Après la cassation, nous attendons que la période de prescription s’épuise, puisqu’on nous a déjà trimballé en cassation. On s’est dit qu’il vaut mieux attendre, s’il y a des revendications encore qu’on les voit. La période de recours s’épuise complètement et après cela nous prenons notre décision de justice et allons voir la gendarmerie pour nous aider à récupérer notre bien. Nous sommes allés voir les gendarmes qui nous ont dit que leur mission est d’exécuter les décisions de justice, votre décision de justice est bonne et due forme, donc nous allons l’exécuter et nous mettrons à votre disposition des huissiers pour cela. Ainsi le lendemain, l’huissier arrive avec quatre gendarmes, une fois sur les lieux il m’appelle au téléphone pour me dire qu’il a reçu des instructions d’en haut pour dire de bloquer l’exécution de la décision de justice.
Ensuite, l’agent judiciaire de l’Etat sous Alpha Condé prend le dossier et l’envoi à la cour suprême. De là j’ai instruis à mon avocat d’écrire à la cour suprême pour leur signifier que nous savons qu’ils ont reçu le dossier mais je lui demande de cesser toute action puisqu’évidemment sur le plan de la justice on ne peut plus revenir sur cette décision en temps normal (…). Puisque j’ai compris aussitôt que la décision était politique. J’ai donc demandé à mon avocat d’écrire pour signifier que nous sommes effectivement au courant que le dossier et là-bas mais je lui ai dit qu’on ne peut pas continuer à dépenser de l’argent pour quelque chose dont nous n’avons pas le contrôle. Je vous donne cet exemple là pour vous dire l’état dans lequel nous sommes et depuis 1984 que ça dure. D’accord que cela soit, mais qu’on continue à faire croire que nous vivons d’aumône (…), la dernière fois encore, c’était par rapport à Hadja Andrée qu’on dit recevoir des chèques de la part de l’Etat guinéen en guise de location des Cases Bellevue, elle était vraiment révoltée.
Déjà on est brimé et en plus on veut nous salir avec des propos qui font croire que nous sommes à la solde de ce qu’on nous donne quelque part comme aumône. Il faut que l’opinion tant nationale qu’internationale se rende compte que ce n’est pas le cas et que franchement nous voulons vivre dignement. Cela a toujours été l’objectif et le choix de notre père et de nous autres, nous assumons de la manière la plus totale et la plus intègre.
Vos propriétés sont où Monsieur Mohamed Touré ? Recevez-vous quelque chose en contrepartie de la part de l’Etat guinéen?
Ces propriétés sont à Conakry ici. Mais je vous ai dit que je n’ai même pas le droit de propriété qui m’est retourné, comment voulez-vous que je reçoive autre chose en contrepartie.
Vous avez soutenu le président Alpha Condé au second tour de la présidentielle de 2010, est-ce que vous l’avez personnellement saisi de cette affaire ?
Oui, après que les élections soient finies et qu’il ait été confirmé dans ses fonctions de Président de la République, je l’ai rencontré, notre toute première rencontre d’ailleurs, j’avais les dossiers avec moi. J’ai dit avant tout rétablissons d’abord les droits des citoyens avant de réclamer autre chose (…), quand je suis dans mes droits de citoyen à partir de ce moment on peut me proposer autre chose mais quand c’est n’est pas le cas ça devient équivoque. Evidement quand je lui ai présenté mes dossiers il m’a demandé de les remettre à un de ses assistants qui était avec lui et c’est ce que j’ai fait. Mais depuis rien. Et même si personnellement je n’ai pas sollicité, mais par après ma mère Hadja Andrée Touré l’a fait à deux reprises sans aucune réponse et sans avoir même la courtoise de recevoir une réponse (…), voilà la réalité. Nous nous taisons là-dessus parce que chez nous, il y a des valeurs qui sont supérieures à ces petites querelles. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas le droit de vivre comme des citoyens et que nous n’avons pas le droit de bénéficier de ce qui est légalement et légitimement à nous. Ça ne fait que trop durer et il faut que quelque part cela s’arrête. Nous lançons donc à partir de là un appel à toutes les bonnes volontés et les consciences de ce pays qu’ils comprennent la réalité des choses et que nos engagements politiques sont par rapport à la nation guinéenne et nous ne regrettons jamais rien par notre engagement pour satisfaire aux besoins de ce peuple-là. Mais à côté de cela, il y a cette réalité qui doit connaitre maintenant un terme heureux pour nous qui continuons à en souffrir.
Est-ce que si on vous retournait un jour ces biens, vous demanderiez des compensations ?
De toutes les façons commençons d’abord par l’acte premier qui consiste à nous les restituer, après on verra avec qui et comment nous statuerons ce qui est. Quelque chose qui n’est pas à moi comment voulez-vous que je statue là-dessus. Légalement et légitimement je sais que c’est pour moi mais on me la retirer, donc comment statuer (…), je ne négocierais que quand j‘aurais un élément de négociation.
Vous aviez présenté des candidats lors des élections communales du 4 février 2018. Quelle observation avez-vous eu sur ce scrutin qui était beaucoup attendu ?
Oui, un scrutin beaucoup attendu et nous pensons que le PDG s’est bien comporté, un peu partout nous avons eu des sièges et donc ce n’est pas rien particulièrement dans le contexte dans lequel nous sommes. Un contexte qui se caractérise à la limite du refus de l’expression politique du PDG par d’autres acteurs politiques. Je ne dis pas que la confrontation politique nous déplaise mais bien au contraire nous sommes en démocratie, il faut que les idées se rencontrent et qu’elles se confrontent pour que les populations choisissent les meilleures pour elles. Non je ne parle pas de ça, mais bien du refus de l’expression politique du PDG et cela pratiquement depuis 2010. Dans ce contexte puisque ces élections sont celles proches de populations nous estimons que nous avons bien fait et nous sommes relativement satisfaits de ce point de vue.
Mais ces élections sont aussi un aveu que les populations guinéennes ne veulent plus du système politique qui les oppresse (…), pour preuve, regardez qu’elle a été l’affluence des populations pour le vote, le taux de participation est des plus bas. Pour preuve, ce faible taux de participation a préféré le plus souvent voter pour des listes indépendantes et non pour les partis classiques, c’est très révélateur d’une situation que nous dénonçons depuis. Même avec vous, nous avons eu à dénoncer ce système là (…), donc voilà un peu comment la situation se présente et nous estimons qu’il faille en général tirer les leçons et les bonnes. Mais nous ne sommes pas rassurés parce que les conséquences de ce que je viens de citer sont qu’essentiellement les forces politiques veuillent s’imposer contre le respect du vote du citoyen. Cela crée les troubles que vous connaissez (…), l’on parle de crise post-électorales, forcement il y a des crises post-électorales , comment voulez-vous que les choses changent quand ce sont des gens de justices qui sont allés pour faire le point de la situation de ces votes là et que c’est par eux que la fraude a été dans beaucoup de cas cautionnée. Comment voulez-vous que les mêmes tranchent ? Voilà la situation dans laquelle nous sommes.
C’est une crise morale en fait, notre pays traverse fondamentalement une crise morale qui maintenant prend des aspects en fonction des circonstances et en fonction des opportunités qui se présentent pour les uns et les autres. Nous devons faire face à cela de façon responsable et y mettre un terme parce que notre nation nous ait sacré, parce que nous voulons la paix, l’équilibre social et nous voulons nous développer et nous ne pouvons envisager un développement sans harmonie et sans équilibre, ce n’est pas possible.
Vous dites qu’on a empêché l’expression politique du PDG, qui a refusé cela ?
Ceux qui gèrent le vote, c’est à tous les niveaux. C’est un système (…), le système électoral guinéen, si vous voulez un nom pour lui aujourd’hui, moi je l’ai déjà appelé fraude. Tout le monde le sait et après tout le monde crie à la fraude. Ceux qui le font disent qu’on a été volé, ceux qui n’ont pas les moyens de frauder crient aussi, il y a un tohu-bohu total. Après il y a des violences post-électorales violentes puisque les gens n’ont pas d’autres recours (…), c’est une réalité est une triste réalité. Il faut que nous, responsables de ce pays-là que nous voyons ça en face et que nous cessions de continuer à jouer du citoyen parce que nos petits intérêts politiques ne sont pas atteints, voilà notre cri d’alarme et ce que nous disons. Nous lançons ce cris à tous les cadres responsables et tous les citoyens responsables afin qu’ensemble nous ayons des solutions. Il faut les trouver et les mettre en œuvre ensemble.
Le PDG a eu combien de conseillers sur l’ensemble du territoire ?
Je ne peux pas vous le dire avec exactitude mais il y a eu une vingtaine ou un peu plus. Mais quand-même sur les dix-sept listes, nous avons raclé à peu près une vingtaine de postes de conseillers.
Nous voyons la candidate du RDIG dans vos locaux ce soir. Est-ce qu’une alliance qui est en perspective ?
Nous sommes dans les communales et le RDIG a eu ce qu’il a eu dans des communes où nous sommes. En tant que guinéens nous sommes en train d’ouvrir les voies (…), d’abord le peuple même ne croit plus en ces partis politiques là. Donc, nous voulons à la base qu’il y ait une harmonie pour que la gestion des communes soit faite au bénéfice des citoyens de ces communes. Le reste, c’est le reste et les considérations politico-politiciennes là, nous nous mettons au-dessus de cela. Je suis secrétaire général de cette formation politique, donc je ne ferais pas partie de ces discussions mais certainement elle est venue pour discuter avec les cadres du parti qui sont au niveau comme elle des conseillers communaux pour voir comment l’on pourra harmonier nos positions. Je crois que c’est une démarche citoyenne que tout parti responsable doit envisager et le PDG l’envisage.
Qu’est-ce que la victoire de votre grande-sœur à Kaloum représente pour vous ?
Beaucoup de fierté et de revendication quelque part d’assez de choses. Beaucoup de rejets de calomnies, de mensonges qui finalement n’ont pas pu avoir une emprise sur les populations. Dieu Merci (…), donc quand l’histoire est revendiquée par le peuple qui fait d’ailleurs l’histoire l’on ne peut qu’être satisfait.
M. Mohamed Touré merci.
C’est à moi de dire merci !
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 24 février 2018 17:49Nous vous proposons aussi
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