Guinée : le Groupe Lynx-Lance présente les résultats de ses enquêtes sur la Gouvernance
CONAKRY-Le Groupe de presse Lynx-Lance en collaboration avec OSIWA (Open Society Initiative for West Africa), a présenté ce mercredi 27 avril 2022, les résultats d’une série d’enquêtes qu'il a menée sur la Gouvernance économique en Guinée.
Le Groupe a travaillé sur différents sujets dont entre autres : « Combien les élections ont couté à la Guinée ? », « Pourquoi subventionne-t-on le riz importé alors que la production locale est de meilleure qualité ? » ou encore « Quels sont les impacts de l’exploitation minière sur l’environnement et les communautés ? », ainsi que « Le système carcéral guinéen ». Ce travail d’enquête a été réalisé de novembre 2020 à juillet 2021.
Les élections ont coûté 1 695 milliards de francs guinéens…
Dans sa présentation, Mamadou Siré Diallo, rédacteur en chef du journal Le Lynx qui a travaillé sur le sujet portant sur « Combien les élections ont coûté à la Guinée ? » a révélé qu’entre 2015 et 2020, les élections ont englouti pas moins de 1 695 milliards de francs guinéens soit prêt de 139 millions d’Euros. Un budget qui vaut plus du tiers du montant pour la réalisation de la route Mamou-Dabola qui est en chantier. Car le coût de ce projet est de 357 millions 302 942 mille Euros pour 370 Km, souligne le confrère.
Abordant sur la situation de la CENI (Commission électorale Nationale Indépendante) institution dissoute par les nouvelles autorités (CNRD) à la suite de la prise du pouvoir le 5 septembre 2021, il révèle que cette institution a été caractérisée par une gestion opaque.
« Si vous prenez la loi organique régissant la CENI (L016) que le CNT avait établi en 2013, ou la Loi L044 de la 8ème législature article 26 alinéa 1 dans l'exécution de son budget, la CENI procède au moins une fois par an à un audit interne afin de s'assurer de l'application correcte des règles budgétaires en vigueur. Dans les alinéas 2 et 3 du même article, il est dit que la CENI est soumise annuellement à un audit externe du budget réalisé par un auditeur recruté par voie d'appel d'offre ouvert. Cet audit externe est commandité par le ministère de l'économie et des finances. Son rapport est transmis au Président de la République, à l'Assemblée nationale et à la Cour des comptes et il est enfin publié au Journal Officiel de la République. Ces dispositions étaient également mentionnées dans les alinéas 3, 4 et 5 de l'article 23 de la Loi 016 de 2012 », rappelle le confrère.
Sur papier ce travail paraît facile, dit-il, mais selon son constat, ces budgets électoraux de 2015 à 2020, leur gestion n'a connu aucun audit ni externe. « Avec la CENI je n'ai pratiquement pas eu de chiffres, mais puisqu'il y a une multitude de sources, quand vous prenez les élections législatives 2013, elles ont coûté pas moins de 438 milliards de francs guinéens, selon des informations mises à notre disposition. Avec le nombre électeurs, on s'est rendu compte que chaque électeur a coûté à l'Etat guinéen 12 dollars contre 20 dans la sous-région. Au Nigeria, en 2015, avec des réformes sérieuses, un électeur coûtait 6 dollars c'est moins que la Guinée.
Pour les 438 milliards de francs guinéens du budget de ces législatives, l'Etat a payé 65%, les partenaires 33%. Mais pour des gens que nous avons rencontré, ce coût était élevé et la même CENI avait dit la même chose. C'est pourquoi en 2015 elle voulait coupler la présidentielle aux élections locales. Ce qui n'avait pas été pas fait parce qu'il y avait le virus Ebola. Mais pour organiser l'élection présidentielle de 2015, la Guinée avait exprimé un besoin de 500 milliards de Francs guinéens. Après quelque report, le budget a été réévalué à 555 milliards Fg. Pour les élections communales du 4 février 2018, elles ont coûté 350 milliards Fg pour 5 millions 865 mille électeurs. Le double scrutin législatif et référendaire du 18 mars 2020, avait coûté à la Guinée 440 milliards de francs guinéens selon les statistiques obtenues.
Mais jusqu'à notre passage à la CENI, le coût global du scrutin n'était estimé globalement. Il y aurait une partie qui aurait été gérée par la présidence et l'autre par la CENI. Celle-ci aurait géré 200 milliards et le reste aurait été gérée par la Présidence. Selon nos enquêtes, il y aurait augmentation parce que des cas d'imprévus auraient été enregistrés… », explique Mamadou Siré Diallo, l’auteur de l’enquête.
Gestion opaque de la CENI
Durant ce travail, nos confrères ont été confrontés à des difficultés. Mais pour le rédacteur en chef, a principale difficulté rencontrée c'est la non disponibilité des sources.
« A l'inspection générale des finances, c'est le ministère de l'économie et des finances qui devrait commanditer l'audit externe de la CENI, mais jamais ils n'ont effectué un audit à la CENI. A l'Assemblée nationale également ils n'ont jamais reçu un rapport interne ou externe de la CENI. A la Cour des Comptes aussi, après moult tractation, ils nous ont dit qu'ils n'ont jamais effectué un audit à la CENI. A la direction de l’administration politique du MADT, pareil” a précisé notre confrère.
Un système carcéral déliquescent
Mamadou Adama Diallo a travaillé sur ‘’le système carcéral guinéen’’. Dans ses investigations, il conclut que le système carcéral guinéen est déliquescent. Selon un rapport des nation-unies sur les droits de l'homme datant de 2019, la Guinée compte en tout, 8 maisons centrales dont 5 du ressort Conakry et 3 du ressort de Kankan. Il y a aussi 23 prisons civiles dont 13 au compte de Conakry et 10 au compte de Kankan.
« Le système carcéral guinéen est déliquescent. Les infrastructures pénitentiaires ne sont pas adaptées du tout. À commencer par la maison centrale de Conakry où on parle environs de 1600 prisonniers alors que la maison centrale devait contenir que 300 personnes. Ce qui revient à dire explique-t-il, les prisons sont plutôt des mouroirs au lieu d'être des centres de l'éducation et de réinsertion sociale. Nous avons rencontré plusieurs familles qui nous ont expliqué que nourriture servie à la maison centrale n'est pas de qualité. Beaucoup de personnes sont obligées d'envoyer de la nourriture de leurs parents ou connaissances. Alors qu'il y a un budget normalement qui est dédié à la nourriture des prisonniers pour qu'ils mangent. Selon les anciens prisonniers que nous avons interrogés, les conditions de détentions sont extrêmement difficiles. La plupart des détenus qui mange ces nourritures tombent malade et ils en meurent. Il y a le cas de Roger Bamba, le cas d'El hadj Souleymane Sow. Récemment, c'est un certain Lansana Bangoura qui est mort là-bas. Ce qui veut dire que les conditions de détention sont difficiles », explique le Journaliste Mamadou Adama Diallo.
A son accession à la magistrature suprême le 21 décembre 2010, Alpha Condé, avait inscrit l’autosuffisance alimentaire dans l’agenda de ses priorités. Il en avait fait une obsession. Le Président de la République comptait booster l’agriculture pour permettre aux populations de consommer 100% le « Made in Guinée » révèle Yacine Diallo, l’un des journalistes ayant travaillé sur le thème ‘’Pourquoi subventionne-t-on le riz importé alors que la production locale est de meilleure qualité ? »
L’importation explose d’année en année
Pendant que l’Etat fait croire que tout est mis en place pour faciliter les choses aux agriculteurs et que l’autosuffisance alimentaire est une réalité, c’est plutôt l’importation du riz qui semble avoir pignon sur rue en Guinée, pointe le journaliste. Il explique depuis 2010, l’importation de cette denrée monte crescendo. Avec en l’air, des millions de dollars américains qui auraient pu servir ne serait-ce qu’à l’aménagement des différentes plaines agricoles.
Plus d’un milliard de dollars dépensé pour l’importation du riz
« En 2013, officiellement, 458 035 tonnes de riz ont été importées pour une valeur de 239,77 millions de dollars américains contre 620 057 tonnes pour 284,63 millions de dollars l’année suivante. Quelque 545 088 tonnes de riz ont été importées en 2015 pour 250,97 millions de dollars. En 2016, 643 088 ont été importées pour 252,84 millions de dollars contre 662 030 tonnes à 202,32 millions de dollars en 2017 et 681 080 tonnes en 2018 à 220,28 millions de dollars. Soit 3 607,319 tonnes importées de 2013 à 2018, pour un coût total de 1 milliard 450 millions 81 mille dollars américains », a-t-il expliqué.
Ces milliards de dollars dépensés dans l’importation du Riz ne viennent pas forcément des caisses de l’Etat, qui subventionne la plupart des produits de première nécessité qui entrent en Guinée. Officiellement, l’Etat justifie la subvention par la nécessité de diminuer le coût pour le consommateur. Mais certains opérateurs économiques assurent le contraire, selon témoignages.
Les chiffres du gouvernement et la réalité du terrain s’opposent
Depuis 2011, la filière riz connaît quelques progrès. Des chiffres fournis par le gouvernement, qui résulteraient des différentes campagnes agricoles, montent au fil des années. En 2013, dans les sept régions administratives du pays, 1 913 338 tonnes de riz non décortiqués auraient été cultivées sur une superficie de 1 670 872 hectares contre 1 970 515 tonnes en 2014 sur 1690 869 ha. En 2015, 2 047 365 de tonnes sur 1 706 138 ha. Sur une superficie de 1 738 994, 2 173 742 de tonnes de riz ont été obtenues en 2016 ; 2 197 907 en 2017 sur 1 805 878 ha et 2 339 747 tonnes de riz en 2018 ont été cultivées sur 1 859 767 ha. A la Direction nationale de l’agriculture, les dernières statistiques remontent à 2002. Celles « récentes » ne reflètent pas non plus la réalité sur le terrain. En 2014, la Guinée comptait 1 470 388 ménages. Ces tonnages de riz susmentionnés auraient donc suffi à couvrir les besoins de la denrée pour la majorité de ces ménages. Ces millions de tonnes évoqués par le gouvernement ne se vérifient pas forcément sur le terrain. Le riz local coûte beaucoup plus cher : 7 000 francs glissants le kilogramme, 350 000 gnf le sac de 50 kilogrammes. Au même moment, l’Etat concentre plus « ses efforts » sur la subvention que sur l’aide aux agriculteurs locaux. Conséquences, le consommateur se tourne donc vers le riz importé dont le prix du sac de 50 kilogrammes varie entre 265 000 et 305 000 francs glissants, selon les qualités.
Un cadre du ministère de l’agriculture accuse sur le bout des lèvres les ménagères de bouder délibérément le riz local : «Le riz importé a une qualité : les femmes qui préparent ne veulent fournir assez d’efforts. Quand le riz est très bien transformé, il contient moins de débris, la ménagère va acheter le riz qu’elle met directement dans la marmite, elle n’a pas besoin d’un travail complémentaire ». Pour lui donc, la préférence des femmes du riz importé au détriment du riz local serait liée à la corvée.
Cet argument n’est pas partagé par tout le monde, même au sein du département de l’Agriculture. Il y en a qui expliquent que le riz importé bénéficierait des appuis que l’Etat n’a pas voulus offrir aux producteurs locaux.
Les choses ont quelque peu changé au niveau de l’approvisionnement en engrais. Jusqu’en 2008, l’Etat ne mettait que 2 000 tonnes à la disposition des agriculteurs, tout confondu. En 2011, elle a haussé jusqu’à 20 000 tonnes. De 2011 à 2017, cette fourniture est passée de 20 000 à 40 309 tonnes d’engrais. Mais, selon l’enquête de notre confrère, elle reste faible face aux besoins.
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel: (002244) 655 311 114
Créé le 27 avril 2022 18:23Nous vous proposons aussi
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