Guinée : la classe politique divisée sur une décision de Doumbouya…
CONAKRY-La classe politique guinéenne reste divisée sur une décision politique majeure de la junte militaire au Pouvoir, dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya.
Jusque-là dévolue à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), l’organisation des élections est désormais ramenée au Ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation (MATD), si l’on s’en tient aux déclarations du ministre Mory Condé.
Cette décision unilatérale prise par les autorités de la transition ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique guinéenne. Si les uns expriment des inquiétudes, d’autres par contre, n’y voient pas d’inconvénients. Cette dernière catégorie considère la Ceni comme une institution budgétivore, clivante, et qui est à l’origine de tous les soubresauts politiques ces dernières années.
Cellou Dalein Diallo, le leader de l’Ufdg nuance. “En période d’exception, il n’y a pas de légitimité. La légitimité vient du consensus”, déclare l’ancien premier ministre répondant subtilement à l’annonce du ministre Mory Condé qui défend l’idée que l’organisation des soit ramenée au MATD. “Les forces politiques, ce sont elles qui doivent aller aux élections. Comment ira-t-on aux élections ? Le cadre juridique et réglementaire doivent être défini. C’est la constitution, le code électoral, l’organe de gestion des élections. Il faut qu’en toute responsabilité, qu’on se concerte”, a ajouté l’ancien Premier ministre.
Prudent, l’ancien commissaire à la CENI, Jaques Gbonimy fait observer que pour l’heure, aucune loi ne dit que l’organisation des élections revient au ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation.
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« A la publication du décret portant attributions des missions du MATD, je faisais partie de ceux qui pensaient que l’Administration appuie comme d’habitude la Ceni dans l’organisation des élections. Maintenant que le ministre l’a dit clairement, ce que leur intention est dégagée. Ce que le ministre a dit ce n’est qu’une communication. Attendons de voir que l’acte soit pris réellement pour réagir. Pour l’instant, il n’y a aucune loi qui dit que c’est au Matd d’organiser les élections en Guinée. Ce n’est qu’une intention des autorités », a laissé entendre Jacques Bonimy, président de l’UPG.
Pour sa part, Saïkou Yaya Barry de l’UFR pense que la question de l’organe de gestion électorale (OGE) est un problème hautement politique qui doit être discuté entre le Cnrd et la classe politique.
« Ce n’est pas une affirmation verbale qui doit ramener la gestion des élections au MATD. Il faudrait comprendre que l’histoire de la Ceni en Guinée a été une question longuement mûrie par la classe politique. Il y a eu des manifestations, des morts et des arrestations afin d’obtenir une Ceni indépendante. Pour que cela soit changé, il est important que la classe politique se retrouve avec la junte militaire – qui n’est là que pour une gestion temporaire de la vie de la nation – pour discuter afin de trouver la solution idoine.
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Il faudrait bien rappeler que si les Ceni n’ont pas fonctionné correctement, c’est parce qu’il y avait une ascendance de ceux qui géraient l’État à l’époque. Compte tenu du fait que c’est une transition et que nous estimons que le Cnrd n’a pas de partie pris, un OGE indépendant serait mieux, à mon avis, pour gérer les élections », a indiqué Saïkou Yaya Barry.
Ce responsable du parti de Sidya Touré émet des inquiétudes sur la neutralité des administrateurs territoriaux dans la gestion des élections.
« Nous sommes dans une transition. Tous les préfets et sous-préfets sur l’ensemble du territoire sont issus de l’armée. Ils n’ont aucune notion de la gestion administrative de notre Etat et d’un processus électoral. Dans ces conditions, il faudrait bien trouver une formule qui les mettrait à l’écart du processus électoral. Par ailleurs, nous pensons que l’Administration doit être civile et neutre. Les militaires ne peuvent pas gérer une Administration convenablement surtout que ceux qui sont là c’est leur première fois d’être nommés préfet ou sous-préfet. C’est pourquoi, je pense que la question de l’organisation des élections doit être mieux mûrie et discuter avec la classe politique », a-t-il ajouté.
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Le président de L’UDRG ne voit de « mal en soit » en ramenant l’organisation des élections au Matd. « Le bilan des CENI au cours de ces trente dernières années dans notre pays a été décevant dans le processus d’organisation des élections. La CENI a cristallisé en son sein les facteurs de la crise politique guinéenne avec ses lots de morts et de destructions. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’envisager l’organisation des élections autrement dans le cadre d’une transition politique. La totale responsabilité de la bonne fin des processus électoraux au cours de cette transition est entre les mains du CNRD et du gouvernement », fait observer Bah Oury.
Pour lui, le MATD doit ainsi se réorganiser pour être en mesure d’assumer cette lourde mission. « Le ministère aura besoin à cet effet d’une forte assistance technique internationale alliée à l’apport de compétences nationales avérées. En plus, il est nécessaire de mettre en place l’observatoire national composé des partis politiques engagés dans les élections qui aura pour rôle de suivre et de veiller au respect scrupuleux des dispositions réglementaires du code électoral. Nous avons besoin de transparence et de pragmatisme pour surmonter les écueils de l’organisation des élections en Guinée », précise Bah Oury.
Dossier à suivre…
Abdoul Malick Diallo
Pour Africaguinee.com
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Créé le 13 janvier 2022 15:17