Guinée : »Exiger des élections dans six mois est abusé… », prévient Dr Faya

CONAKRY-Alors que la CEDEAO exige un chronogramme détaillé des activités à entreprendre dans le cadre de la transition, en vue d’assurer la tenue d’élections dans six mois, Dr. Faya Milimouno trouve ce délai abusé.
Dans un entretien accordé à Africaguinee.com, le leader du bloc libéral s’est prononcé sur la désignation de Mohamed Ibn Chambas comme envoyé spécial pour la crise guinéenne.
AFRICAGUINEE.COM : Comment réagissez-vous à la désignation de Ibn Chambas, comme envoyé spécial de la Cedeao en Guinée ?
FAYA MILIMOUNO : Pour ce qui concerne la désignation de M. Ibn Chambas comme envoyé spécial pour la crise guinéenne, ce n’est pas un mauvais choix. On peut dire qu’il est devenu le spécialiste de la Guinée compte tenu de toutes les crises dans le pays dont il a été l’envoyé spécial soit de la Cedeao, soit les Nations-unies. Il connaît parfaitement les acteurs politiques guinéens. Si cela peut favoriser le dialogue, amener à appliquer une certaine pédagogie qui permettent véritablement une résolution de la crise et non un déplacement du problème, ce n’est pas mal. Il faut qu’en Afrique qu’on apprenne une chose : quand une crise s’est créée, essayons de la résoudre au lieu de la déplacer.
Avez-vous confiance que cette fois-ci M. Chambas va réussir ?
Personnellement, si je suis envoyé pour résoudre un problème dans une famille, une, deux et trois fois et que le même problème revienne à chaque fois, soit je m’arrête pour réfléchir profondément à un changement de la méthode et les stratégies que j’utilise ou alors je me récuse pour laisser la place à quelqu’un d’autre de tenter encore. Ibn Chambas est bon, il est connaît bien la Guinée, mais pour qu’il réussisse cette fois-ci – puisqu’on l’a vu sur le terrain guinéen depuis longtemps- il faut qu’il s’asseye avec son staff pour repenser la situation guinéenne pour ne pas reproduire les mêmes méthodes qui vont reproduire les mêmes résultats.
Nous, Guinéens, on est déterminés cette fois-ci à en finir avec les périodes transitoires. C’est pourquoi, nous voulons nous donner le temps et les moyens de réussir cette période transitoire. Si Ibn Chambas vient dans cet esprit-là, il est le bienvenu. Sinon, on penserait par exemple à l’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou, qui serait aussi un bon interlocuteur. C’est juste une suggestion et non pas pour dire que Ibn Chambas ne peut pas faire la mission qui lui est confiée.
Par le passé, l’opposition d’alors avait dénoncé le comportement de Ibn Chambas soupçonné d’être de mèche avec le régime Alpha Condé. N’est-ce pas une source d’inquiétude pour vous ?
On était dans un contexte différent. Il y avait un président élu. Il faut comprendre la diplomatie. On est toujours envoyé auprès d’une autorité, on ne doit pas oublier cette dimension des choses. Nous étions dans notre rôle en tant qu’opposition de dénoncer ce qui était à dénoncer. Mais le contexte actuel est différent. C’est ce qui m’amène à dire que si Ibn Chambas, habitué des crises guinéennes, se donne le temps cette fois-ci avec son staff de réfléchir profondément sur les crises récurrentes dans notre pays et essaient de concevoir une nouvelle stratégie, nous sommes convaincus que sa mission pourrait être un succès.
La Cedeao maintient son exigence de la tenue des élections dans 6 mois. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que c’est le 3e mandat qui a fait déborder le vase, mais la crise guinéenne a beaucoup de ramifications. Avant de se prononcer sur le délai de l’organisation des élections faut-il se poser la question s’il y a des instruments en place pour tenir ces élections. (…) On n’a pas de Constitution, il n’y a pas un moment plus opportun que maintenant pour se doter d’une constitution. On n’a pas de fichier électoral. Le dernier recensement a donné 8 millions d’électeurs. Il a fallu utiliser la méthode du pantalon de Moriba pour qu’on retourne à une situation acceptable. On veut un fichier qui reflète le corps électoral. Nous sommes au début d’une décennie. Et on sait habituellement que toutes les décennies, les pays, avec l’aide du Pnud (programme des nations-unies pour le développement), organisent le recensement général de la population et de l’habitat.
Cette fois-ci, on peut avec les partenaires faire en sorte que ce recensement ait un caractère diffèrent, non falsifiable pour doter le pays d’un début d’état civil fiable duquel on peut extraire un fichier électoral au lieu d’aller aux solutions palliatives. Nous exigeons qu’on revoie notre copie par rapport à la Ceni (l’organe électoral). C’est le moment opportun de le faire. Au regard de tout ce que nous avons à faire, le délai de 6 mois est quelque peu abusé.
Entretien réalisé par Abdoul Malick Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 669 91 93 06
Créé le 8 novembre 2021 08:07
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