CONAKRY- “La Guinée peut être un pays pourvoyeur d’énergie !“ Le ministre d’Etat chargé de l’énergie est très optimiste. Elhadj Papa Koly Kourouma, allié du président Alpha Condé depuis 2010, veut répondre aux attentes des populations. Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, le ministre d’Etat Papa Koly Kourouma fait le bilan de son département durant l’année 2013 et affiche ses ambitions pour les années à venir…Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Bonjour M. le Ministre !
PAPA KOLY KOUROUMA : Bonjour M. SOUARE !
AFRICAGUINEE.COM : 2013 touche pratiquement à sa fin, peut-on savoir ce qu’il y a lieu de retenir de cette année au niveau de votre département ?
PAPA KOLY KOUROUMA : 2013 a été marquée par plusieurs activités du département. En 2010, nous avons fait l’état des lieux des différents secteurs de notre département. Le secteur de l’énergie, le secteur de l’eau dans le milieu urbain et dans le milieu rural. Au vu de ces constats, nous avons élaboré un programme d’urgence d’interventions que nous avons essayé de mettre en œuvre. 2013 donc a marqué la finalisation de ce programme d’urgence et l’amélioration maintenant des conditions de desserte en eau et en électricité. C’était ça le fondement de ce programme d’urgence.
Quand vous prenez le secteur de l’énergie, la centrale de Tombo qui est la principale centrale de production énergétique, tout était en arrêt, lorsqu’on prenait fonction. Le réseau de transports était affecté par la chute de près de quinze pilonnes. Le réseau de distribution était très affecté par sa vétusté à cause de la surcharge des transformateurs et de la détérioration des lignes qui ne répondaient plus aux normes d’une véritable ligne qui nous causaient énormément de pertes d’énergie. Sur le plan institutionnel, la société ne répondait plus aux conditions réelles de fonctionnement d’une entreprise. Un endettement vis-à-vis de l’administration fiscale, un endettement vis-à-vis de l’administration douanière, un endettement vis-à-vis de la caisse de sécurité sociale. Ce qui fragilisait les finances de l’entreprise et se posaient comme frein au développement de l’EDG (Electricité De Guinée, Ndlr).
Nous avons commencé par mettre un comité de coordination afin de permettre à l’entreprise de continuer à assurer le service public. Sur ce plan toujours, nous avons commandé une étude de diagnostic du secteur de l’énergie et de l’EDG elle-même. Ce qui a été fait, le cabinet choisi a rendu ses conclusions et a fait des recommandations sur cinq axes pour pouvoir redresser EDG et le secteur de l’énergie.
Sur le plan institutionnel donc, l‘année 2013 a été consacrée à faire justement la mise en œuvre de ces recommandations du cabinet qui a opéré le diagnostic.
Sur le plan technique, nous avons commencé par faire une réparation des groupes existants avant d’apporter de nouvelles capacités, il fallait réparer l’existant, continuer à fournir le service et ensuite pallier aux faiblesses des fonctionnements. C’est ainsi que nous avons approché le WAP qui est un instrument de la CEDEAO chargé des questions énergétiques. Par son concours, il nous a permis d’obtenir un financement de 30 millions. 20 millions ont été dédiés au service pétrolier (fourniture du gasoil et du mazout) et les 10 autres millions aux réparations des équipements connexes de production, du système de stockage et de la ligne de transport. Tout cela venait s’ajouter au programme d’urgence que le gouvernement a bien voulu financer.
Autour de ces trente millions, un projet a été élaboré avec le suivi du WAP. Dans l’élaboration de ce projet, nous avons pensé à pérenniser les acquis du projet. Après le projet, il fallait qu’on soit en mesure d’assurer la continuité. Et le gouvernement en multipliant les efforts, on a été à mesure de fournir de l’électricité à toute la capitale de Conakry pendant plus d’une semaine en décembre 2011. C’était justement le résultat des actions de ce projet. Nous avons pensé qu’il était important de mettre en place un compte séquestre qui allait être alimenté par le produit de la vente de l’énergie produite. Ce qui allai permettre à la fin du projet d’assurer la continuité du service. Nous avons fait un repérage des ressources au niveau des grands clients. Nous avons aussi ciblé le payement de la consommation de l’administration. A la fin du projet, le solde de ce compte devait être suffisant pour faire les grandes réparations et les maintenances pour pouvoir assurer le fonctionnement des équipements de production. Ce compte a souffert d’approvisionnement. Et au dernier moment au lieu de servir de compte séquestre, il a servit comme un compte de fonctionnement. Ce qui fait que les travaux qui ont été réalisés par le projet, à la fin de celui-ci, il n’y avait pas d’argent pour faire les maintenances de ces différents groupes qui ont fonctionné normalement. (…)* donc, le temps nous a rattrapés. On est retombé dans les mêmes conditions qui ne sont peut être pas sévères comme celles que nous avons connues en 2010. La centrale n’était donc plus fonctionnelle. Du coup, on a perdu 70 Mégawatts de puissance puise que tous les groupes étaient en arrêt. D’ou la nécessite de location d’une puissance de substitution. C’est dans ce cadre là que les services de Aggreko ont été sollicités pour une puissance de 50 Mégawatts. Donc la location d’Agrekko s’est faite dans un contexte de substitution que d’adjonction. Et nous avons adossé la sortie de cette location à la réparation de la centrale de Tombo
AFRICAGUINEE.COM : Lors de l'adoption de la loi des finances le ministre kerfalla Yansané a parlé de 400 milliards de dépenses pour votre département mais le problème de courant persiste. Comment expliquez-vous ce paradoxe?
PAPA KOLY KOUROUMA : Non, il n’y a pas de paradoxe. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur des chiffres. 400 milliards c’est beaucoup, mais comment ces 400 milliards sont payés, dans quel contexte ? Et pour quel service ? Je crois que cela doit être la préoccupation. Quatre cents milliards c’est vrai, mais est-ce qu’ils ont été payés dans le temps pour les services rendus et pour les besoins immédiats. Si vous payez 400 milliards pour les services de la dette surtout pour régler des arriérés ; cela n’a pas les effets que quatre cents milliards d’investissement devraient avoir.
AFRICAGUINEE.COM : Etes-vous donc victime du retard de payement de la dette ?
PAPA KOLY KOUROUMA : Non, je ne suis pas victime. Notre système est victime de la lenteur des processus et des procédures des services financiers.
AFRICAGUINEE.COM : Comment expliquez que le l’énergie soit une priorité et qu’on se retrouve dans cette situation ?
PAPA KOLY KOUROUMA : Justement, c’est une priorité, mais ça a un coût. Quand on parle de priorité, il faut avoir les évaluations et adapter les ressources à la priorité. 400 milliards de GNF c’est beaucoup, mais c’est plusieurs de ces 400 milliards qu’il faut pour résoudre le problème du secteur aujourd’hui ; pour pouvoir rattraper non seulement les investissements qui n’ont pas été réalisés depuis plusieurs années, et ensuite se mettre au rythme de la demande qui croit chaque année. La demande croit en fonction de la population. Et notre population croit à un rythme de trois pour cent par an. Ce qui veut dire aussi que la demande accroit. Aujourd’hui, il y a un rythme de croissance de la demande d’énergie et de puissance. Si les investissements n’ont pas suivi depuis plus de 20 ans pour permettre de réaliser les infrastructures nécessaires capables de répondre à cette demande, il y a un retard qu’il faut rattraper. Ce retard à rattraper aujourd’hui, quelques soient les efforts que le gouvernement est en train de faire, ce n’est pas en deux ni en trois ans qu’on va pouvoir résoudre cette question là de façon définitive. Il ya un temps impérativement incompressible auquel il faut se soumettre pour pouvoir observer les résultats
AFRICAGUINEE.COM : Nous sommes en saison sèche, que promettez-vous à la population pour l’amélioration de la desserte en électricité ?
PAPA KOLY KOUROUMA : Par rapport à l’amélioration de la desserte, plusieurs mesures sont prises. Parmi elles, il y a la reconduction du contrat d’Aggreko, parce que nous avons eu un retard dans l’agenda de maintenance et d’entretien de la centrale de Tombo qui est en train de se faire maintenant. Quand on aura fini de faire Tombo3 et Tombo5 . on aura environ 70 mégawatts qui vont s’ajouter au 50 MW sans compter que les 24 MW installés par la société brésilienne, les travaux vont continués. Nous venons de sortir d’une négociation avec nos partenaires brésiliens. Nous sommes tombés sur un accord, en nous convenant de la reprise des travaux sur certaines conditions bien sûr. Si cela est fait, ça va nous apporter environs 24 MW et on aura un total de 150 MW plus les apports que feront les centrales hydroélectriques.
Je pense qu’avec cette puissance, (…)cela va améliorer nettement la desserte et va pouvoir pallier à l’insuffisance des centrales hydroélectriques qui perdent de la puissance pendant l’étiage du fait qu’on n’a pas la quantité d’au suffisante pour pouvoir faire tourner les turbines de façon optimum. C’est cette programmation là qui va nous permettre d’améliorer cette desserte en période d’étiage.
AFRICAGUINEE.COM : Nombreux sont les citoyens qui craignent une désillusion à la fin des travaux du barrage de Kaleta comme celle qu’a produit Garafiri. Quel engagement vous pouvez tenir aujourd’hui pour rassurer les uns et les autres que la déception ne sera pas au rendez-vous ?
PAPA KOLY KOUROUMA : il faut dire que le travail qui a été fait à garafiri est à apprécier. On pourra l’apprécier mieux que quand on mettra le barrage de Kaléta en marche. C’est pourquoi il y avait une certaine disproportion entre le coût de réalisation de garafiri et la puissance installée. C’est la retenue du barrage de garafiri qui va bonifier Kaleta. A Kalléta, les études préalables avaient estimé qu’on pouvait avoir à ce barrage entre 110 à 115 MW. Mais la construction de la retenue de garafiri fait aujourd’hui qu’on a porté cette puissance à 240 mw.
Si vous compter donc l’apport de garafiri à Kaléta i, vous verrez que c’est intéressant et qu’il y a eu du bon travail à Garafiri.
Par contre, ce qu’il faut ajouter est que la puissance garantie de kaleta est d’environ 50 mw. C'est-à-dire la puissance la plus basse qu’on peut produire à l’étiage le plus sévère. La réalisation du barrage de Souapeti en amont de kaleta garantie la puissance de kaleta à 240mw toute l’année.
Le problème énergétique de la Guinée doit se résoudre en passant forcément par l’aménagement de nos barrages hydroélectriques. Nous avons aujourd’hui plus de 100 sites et on peut même aller au-delà. Il y a des sites qui n’étaient pas rentables lors des études mais qui aujourd’hui si on compte avec la flambée du prix du baril, on peut conclure que ces sites sont de nos jours rentables. Nous avons un potentiel de plus de 6000 MW en hydroélectricité.
Si on développe vraiment cette hydroélectricité, on peut être exportateur d’énergie à travers tout ce système d’interconnexion qu’on est en train de faire, et on pourra donner de l’électricité à moindre coût à nos populations. C’est ce qu’elles attendent de nous.
A Kaléta, nous allons mettre en fonction la première turbine en juin 2015, la deuxième et la troisième vont suivre, ainsi on aura les 240 MW fonctionnels avant fin 2015. Mais il faudra prévoir l’étiage. C’est pourquoi je dis que l’investissement dans le domaine est encore plus important dans la mesure où nous sommes en retard de plus de 20 ans. On ne peut pas rattraper un retard de 20 ans en deux, trois ans. Quiconque le dit, il ment. Ce n’est pas possible, ce n’est pas vrai. Quelle que soit la volonté, il y a le temps incompressible auquel on ne peut pas soustraire. Donc, il faut ce minimum de temps qui est un impératif pour pouvoir réaliser, pour pouvoir rattraper et pour pouvoir se mettre au rythme de la croissance de la demande les années à venir.
Si nous continuons les actions que nous avons entamées en 2013, la guinée sera un véritable hub énergétique Elle peut se positionner comme pourvoyeur de la sous-région en énergie à travers les lignes d’interconnexion qui sont envisagées. .
Il s’agit de la ligne d’interconnexion entre la Gambie, le Sénégal, la Guinée Bissau et la Guinée dans le cadre de l’organisation de la mise en valeur du fleuve Gambie
Une réunion avec les partenaires techniques et financiers a eu lieu à Dakar en novembre dernier, dans le cadre de la mobilisation du financement pour la réalisation de cette ligne d’interconnexion afin d’être au rendez-vous de la mise au réseau de la production de Kaléta.
Mais pour rentabiliser la ligne, nous avons dit qu’il fallait réaliser le barrage hydroélectrique de Sambaganlou. Récemment j’ai conduit à Kaléta le conseil des Ministres de l’OMVG où, nous avons signé le contrat avec une entreprise chinoise qui va réaliser ces travaux. Et toutes ces puissances là vont transiter par cette ligne d’interconnexion.
Au sud également, nous avons une ligne projetée qui reliera la Côte d’ivoire, le Libéria, la Sierra Léone et la Guinée qu’on appelle le projet CLSG. Là aussi, les travaux sont avancés, le financement est bouclé, la société qui doit réaliser les travaux est constituée qui a comme actionnaire les quatre pays cités ci-haut. Le protocole d’accord international a été signé le siège est trouvé et se situe en Côte d’ivoire. Donc, les travaux vont démarrer bientôt.
Du côté nord, vous avez la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée et le Mali qui seront reliés dans le cadre de l’OMVS avec la mise en œuvre du barrage hydroélectrique de Koukoutamba.
Nous avons inscrit dans notre politique le renforcement d’une capacité nationale en mesure de réaliser des études à court terme pouvoir réaliser des micro barrages.
Dans le secteur de l’eau, on est confronté aux mêmes problèmes que celui de l’électricité. Il y a des problèmes au niveau du transport, du stockage, de la production et au niveau de la distribution. Imaginez vous qu’aujourd’hui, nous avons encore des conduites qui datent de 1902 dans le réseau de distribution de Conakry. Ce n’est pas imaginable qu’en 2013, qu’on ait encore dans son réseau des conduites qui datent de 1902.
C’est pourquoi nous avons réveillé le quatrième projet eau. Ce projet va venir justement développer le réseau de transport, le réseau de production, de stockage et de distribution. Il est subdivisé en deux phases : une première phase qui consistait à construire un système de production et de traitement des eaux et le système de transport et de stockage. La seconde phase renforcera la distribution. Un appel d’offres a été lancé et une société choisie. Les contrats ont été signés depuis l’année dernière. Mais quand Exi-Bank est venue évaluer le projet, il est ressorti que pour la fiabilité du projet, qu’il fallait plutôt modifier le phasage. C'est-à-dire, il fallait faire une partie de traitement d’eau et de transports, du stockage et aussi une partie importante de la distribution en même temps et moduler ainsi le reste.
On s’est accordé, et on procédera à une modification du projet telle que recommandé. les travaux sont déjà en cours et je pense que si cela est fait, courant 2014, on va pouvoir lancer ce projet pour 36 mois. Et je pense que le problème d’eau dans Conakry et dans les zones environnantes sera résolu. Ça c’est la desserte en milieu urbain.
En milieu rural qui est du domaine du SNAPE (Service National d’Aménagement des Points d’Eau, NDLR), j’avoue que le gouvernement a fournit beaucoup d’efforts. Il y a eu l’implication personnelle du président de la République pour trouver les moyens afin de réaliser plus de 1600 forages et réhabiliter plus de 2800 forages. Et au courant 2013, sur les 1600, il y a eu au moins les 1000 réalisés. C’est une chose qui n’a jamais été faite dans le domaine de l’eau en milieu rural. Nous allons continuer les mêmes actions courant 2014.
Nous avons un mécanisme de mobilisation de fonds très intéressant qui est adossé au crédit appelé “crédit-carbone“. Le barrage hydroélectrique de Kaléta est éligible au crédit carbone. La banque Européenne d’investissement en accord avec l’OMVG a commandé une étude pour établir le bilan carbone de ce projet. Les premières conclusions font état de plus de 50600 tonnes de CO2. Cette quantité rapportera à la Guinée plus de 42 millions d’euros suffisants pour réaliser plusieurs micro barrages.
AFRICAGUINEE.COM : La réalisation de tous ces projets nécessite forcément l’accompagnement du gouvernement, notamment le ministère de l’économie et des finances. Etes-vous réellement confiant ?
PAPA KOLY KOUROUMA : Vous avez entendu le ministre des finances dire lui-même qu’il ya un véritable problème d’absorption du crédit d’investissement. Moi je dirais que c’est vrai qu’on a beaucoup de difficultés à décaisser les crédits alloués aux investissements, mais il faut aussi dire qu’il y a une grande capacité de nuisance et de freinage dans les procédures. Il faudrait que les procédures soient allégées. Malheureusement les dossiers peuvent prendre plusieurs mois dans un service où ils ne devraient même pas passer 24 heures. Comme exemple je pourrais vous citer le dossier du 55e anniversaire de notre indépendance, depuis plus de quatre mois ces dossiers là souffrent de paiement alors que toutes les signatures sont faites, les entreprises sont sur le terrain mais les paiements sont en attente. Donc les entreprises sont découragées et ont arrêtés les travaux. Avec la société brésilienne aussi “ASPERBAS“ c’était pareil. Le dossier a traîné pendant huit mois. Il a fallu qu’on fasse réévaluer les travaux, parce qu’on ne fait jamais confiance à nos techniciens, contrairement à moi, je pense qu’ils sont compétents ; le cabinet est donc venu, il a évalué et il est parvenu au même résultat que nos experts.
AFRICAGUINEE.COM : Merci M. le Ministre d’Etat !
PAPA KOLY KOUROUMA : C’est à moi de vous remercier. Je vous félicite pour votre travail et je vous encourage.
Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 664 93 51 31
Créé le 24 décembre 2013 11:53