Grande Interview : Hadja Rabiatou Sérah Diallo brise le silence…

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CONAKRY-Alors que la Guinée s’apprête à tourner la page de la transition, quel sera l’avenir des membres du Conseil national de transition (CNT)? Doit-on s’attendre à l’arrivée de Rabiatou Sérah Diallo dans l’arène politique ? Celle qui préside depuis 2010 le CNT a accepté de lever un coin du voile sur son avenir politique, sans oublier le bilan de son institution. Au micro de notre reporter, la syndicaliste qui avait fait trembler le régime du défunt président Conté en 2007 lors d’une grève générale du mouvement syndical en Guinée, expose sa vision pour ce pays qui attend son nouveau parlement. Exclusif !
 
  AFRICAGUINEE.COM : Bonjour madame la présidente !
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : oui Bonjour M. Diallo !
 
  AFRICAGUINEE.COM : Dans quelques semaines, le Conseil national de la transition (CNT) que vous dirigez va céder la place à la nouvelle assemblée nationale qui se très prochainement mise en place, quel bilan pourrait-on tirer de la mission qui était assignée à cette institution transitoire ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : D’abord merci d’être venu à la source même. J’aime bien les journalistes qui viennent à la source pour se renseigner au lieu d’inventer les choses. Donc je vous remercie très sincèrement et je vous encourage à jouer ce rôle de prendre les bonnes informations à la source à quelque niveau que ce soit. Vous avez parlé d’abord des élections du 28 septembre. Je voudrais vous dire que ce jour,  personnellement en tant que première responsable du CNT, c’était un ouf de soulagement pour moi. Parce qu’on était venu pour six mois et voilà ça a duré plus de trois ans.  L’engouement que j’ai vu, l’affluence, étaient pour moi très significatifs. Ça m’a donné à méditer pour dire que cet acte du peuple, ce jour sans violence, malgré les dysfonctionnements, malgré les difficultés, on a compris que le peuple a vraiment besoin de changement. C’est ce que j’ai tiré comme enseignement. Le peuple a besoin aujourd’hui, pas de parler politique, mais de se nourrir, de se vêtir et avoir accès aux soins de santé, à l’éducation, tout ça à travers le dialogue.
 
Pour venir au bilan du CNT, je voudrais d’abord vous rappeler qu’on avait reçu une lettre de mission. C’était de faire la relecture de la loi fondamentale pour la corriger ainsi que les textes électoraux nécessaires à la normalisation de la vie politique, donc le code électoral. Le troisième pied était la liberté de la presse parce qu’il fallait aussi que nous soyons accompagnés par les medias dans cette transition. Au sein de cette même lettre de mission, on avait à assuré le suivi et l’évolution de l’action gouvernementale. Je vous rappelle que le CNT légifère selon les accords de Ouagadougou, mais les forces vives n’ont pas participé aux accords de Ouaga. Donc c’était un souci pour nous quand on est venu au CNT, de faire l’accord politique global pour engager toutes les parties qui vont en compétition pour nous permettre d’éviter tous les dérapages qu’on a connus là, les violences. Malheureusement cet accord qui a été très bien élaboré par les forces vives, n’a pas abouti. Ça été le premier dérapage de cette transition.
 
Dans la lettre de mission on a avait aussi à veiller à l’évolution du processus électoral en particulier les activités de la CENI. Là aussi cela a fait couler beaucoup d’encre et e la salive pour qu’on finisse par adopter une loi organique pour avoir une CENI politique et non une CENI technique selon la volonté du CNT.  On devait aussi jouer tout rôle législatif en rapport avec le processus de la transition et contribuer à la réconciliation nationale. Donc, quand on parle de bilan, pour aboutir à la conclusion que c’est un bilan positif ou négatif, notre premier souci a été d’abord d’assurer la formation de tous les conseillers pour qu’on puisse travailler en paix. Et pour cela, nous avons été accompagnés par le bureau international du travail. Pour aboutir à tout cela, nous avons mis des commissions en place. Nous avons neuf commissions de travail : la commission constitutionnelle qui revoyait la loi fondamentale, la commission code électoral, la commission communication, la commission action gouvernementale, la commission évaluation du processus électoral, on avait la commission réconciliation nationale, on avait la commission lois et accords, on avait la commission sécurité (…).
 
Le bilan au niveau du CNT quand même, il est très positif, nous avons même fait une récapitulation des lois qui ont été adoptées. Je voudrais le préciser, il y a les ratifications et les conventions qui posent moins de problèmes. Quand vous ratifiez une loi, vous ne changez même pas une virgule sinon sur le plan international, ça bloque le pays. Mais les lois organiques telles que par exemple, la cours des comptes ou la loi sur la CENI pour ne parler que de celles-ci, ça doit aller au secrétariat du gouvernement qui doit l’envoyer aussi à la cour suprême. Celle-ci statue pour l’application de la constitutionnalité avant que cette loi ne soit promulguée par le président de la république. Donc en tout nous avons adopté plus de soixante lois depuis qu’on est là.
 
 AFRICAGUINEE.COM : Vous dites que le bilan est positif, selon vous qu’est-ce qui n’a pas marché dans votre mission ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO :  Bon ! Tout ne peut pas être rose quand même. Il y  a des lois qui sont déjà adoptées mais qui ne sont pas promulguées. De toutes les façons à ce propos, la loi est très claire, si une loi est adoptée même si elle n’est pas promulguée par le président de la république, 15 jours après elle rentre en vigueur. C’est automatique. Donc tout ne pouvait pas être rose parce que comme vous le savez, nous sommes une institution de transition. On avait une subvention, il arrivait quelques fois que les moyens sont réduits. Donc ça ne peut pas nous permettre de bien fonctionner en étant présents à l’intérieur du pays, être présents sur le plan africain et sur le plan international. C’est pour cela que nous n’avons pas pu mettre en place une commission d’enquête parlementaire par exemple. On avait la volonté de le faire, mais ça nécessitait des moyens financiers.
 
Comme vous le savez, nous avons eu ici lors qu’il y a eu le problème des 13 milliards et des 25 millions de dollars, la commission suivie de l’action gouvernementale, nous avons interpelé, nous avons écris une lettre au premier ministre pour lui demander de mettre les ministres concernés à notre disposition parce que les conseillers voudraient les écouter. Nous les avons écoutés, nous avons fait des recommandations pour ne pas que de pareils cas ne se répètent plus. C’est comme toutes les violences qui ont eu lieu à l’intérieur du pays, on pouvait faire une enquête parlementaire, mais ça nécessitait des moyens que le CNT ne possédait pas. Ce qu’on pouvait faire, c’est de  lancer des  appels au calme pour amener les uns et les autres à comprendre qu’on a besoin de s’écouter, de se parler, de se tolérer pour aller de l’avant. Donc le peu qu’on pouvait faire, on l’a fait. Et je dis encore que ce qu’on a pu faire quand vous pesez ça dans une balance, vous comprendrez que ce que le CNT a pu faire était vraiment positif. Et il faut se féliciter de l’engagement de tous les conseillers.
 
  AFRICAGUINEE.COM : Que répondez-vous à ceux accusent le CNT d’avoir été l’appendice voire une simple caisse de résonance de l’exécutif ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : oh, vous savez… qu’est ce j’ai à répondre ? Cela n’engage que ceux qui le disent. Mais quand on ne te dit pas aussi tes défauts ou quand on ne te critique pas, tu ne peux pas t’améliorer. Donc, nous au CNT on a toujours pris tout cela comme de très bonnes contributions qui peuvent nous réconforter dans ce qu’on est en train de faire. Si c’est avec l’opposition, elle nous taxe d’être avec l’exécutif, et si c’est l’opposé, l’exécutif nous taxe d’être avec l’opposition. Mais vous savez, les salives de crapaud n’atteignent pas les étoiles. Donc, nous nous prenions tout ça du bon côté. On sait que si on est critiqués des deux côtés, c’est que jusqu’à présent on fait du bon travail. Surtout que tous les leaders politiques que vous connaissez, qu’ils soient de l’opposition ou de la mouvance, nous étions ensemble dans les forces vives, nous avons travaillé ensemble. Chacun connait qui est l’autre ? On se connait très bien. Donc ils savent de quoi chacun de nous est capable de faire. Pour nous ces critiques, ceux qui le disent nous ne pouvons pas les répondre. C’est de leur droit aussi de penser comme ça, ça n’engagent qu’eux, nous n’étions pas une caisse de résonance. Ce qu’on voulait dire à l’exécutif ou même au chef de l’Etat, on était capable de le dire. On avait que des positions qui n’étaient que dans l’intérêt supérieur de la nation, pas autre. On n’est pas là pour un système, ni pour un homme. On est là pour la vérité parce que c’est elle qui gagne. C’est elle qui fait qu’il y a moins de frustrations. Et quand vous utilisez le mensonge, il arrive vite comme un ascenseur qui monte là haut, mais évidement quand la vérité arrive, il redescend comme il est monté (…) j’avoue que je me félicite du comportement de tous les conseillers qui ont tous joué leur rôle. Mais vous savez ici on aime critiquer sans amener des solutions de rechanges ou alors on diabolise le pays, et tout cela ne nous amène pas très loin. Donc chez nous ici, nous prenons toujours les choses du bon côté pour aller de l’avant. Le rail, la rail pourvu que le train passe dans l’intérêt supérieur de la nation et du peuple de Guinée.
 
  AFRICAGUINEE.COM : Est-ce que les conseillers souhaiteraient ou exigeraient avant leur départ du CNT, des émoluments pour des mesures d’accompagnement comme ce fut le cas avec le gouvernement de la transition ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : Nous n’exigeons rien. Mais si on le fait, c’est normal ! C’est très normal. Regardez partout où les transitons se sont passées, il y a toujours eu des mesures d’accompagnement selon ce que chaque pays souhaiterait faire ! Puisqu’il faut reconnaître le travail bien fait, il faut encourager ceux qui ont bien travaillé. Et cela  va encourager  d’autres qui vont venir après,  de bien travailler aussi. Mais si vous laissez tous les cadres pour compte, vous les jetez à la poubelle, ce n’est pas bon. Ceux qui sont morts par exemple pendant cette transition, ils n’ont pas souhaité mourir et ils ont leur famille, il y en a qui ont perdu leur emploi (…). Le président (Alpha Condé) a été très honnête avec nous dès le départ, il a dit que je vais y réfléchir parce que l’administration est une continuité, selon  les moyens, je pourrais  le faire. Donc si on le donne aujourd’hui tant mieux et si on ne nous le donne pas, chacun de nous est fier de ce qu’il a fait pour notre Guinée. C’est ça la première récompense.
 
Quand j’entends parfois des interprétations, je pense que c’est injuste. Je crois que pour amener les cadres à ne pas s’accrocher à des postes de responsabilité et laisser la place à la jeune génération, il faut les encourager à partir en leur donnant un bon chemin. Ne pas l’amener à voler ou à vivre dans la misère alors qu’il y a l’image de marque du pays. Je pense que chacun est libre de penser comme il veut, mais si on accorde cela aux conseillers, nous le méritons de tout point de vue.
 
  AFRICAGUINEE.COM : Parlant de votre personne madame la présidente, beaucoup de personnes disent que vous avez changé de langage depuis que vous êtes à la tête du CNT, la Rabi de 2007 ne serait  pas celle de 2013. Votre commentaire ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : ça aussi, c’est mal comprendre ! Ce sont deux institutions différentes. Certes l’objectif visé c’est d’atteindre le bonheur, mais ce n’est pas la même casquette. Quand j’étais secrétaire général du syndicat et aujourd’hui présidente du CNT, c’est différent ! Je ne peux pas me comporter comme la syndicaliste d’hier, prendre des pancartes aller dans la rue et protester. Je suis dans un cadre où je pose des actes pour de bons résultats. Mais je ne regrette pas d’être passée par le monde syndical, parce que c’est que j’ai eu la formation de gérer les hommes. Quand je suis venue ici, les gens ont dit ‘’elle n’est pas intellectuelle, elle ne connait rien, ceci et cela’’, mais s’il y a des anciens ministres, des magistrats et toutes les corporations, mais j’ai su travailler avec tout ceux-ci dans le calme. Ce n’est pas le même chemin, la façon de gérer une institution et le monde syndical !Le CNT c’est la deuxième institution du pays. Donc, il y a l’image de marque du pays. Mais je ne peux pas empêcher les gens de critiquer, mais qu’ils sachent que ma langue est restée la même, elle n’est pas sous mes aisselles. Je continue toujours à dire la vérité, à lutter même si on ne me le reconnait pas, je lutte avec  tous mes collaborateurs pour le bonheur de ce pays (…) c’est ça aussi la démocratie puisse qu’on parle de démocratie. Mais cela ne change en rien que nous sommes tous de la même nationalité, cela ne change en rien qu’on est guinéens tout cours.
 
  AFRICAGUINEE.COM : Après cette étape, qu’est-ce que vous envisagez de faire ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : D’abord la première suite de ma carrière, tout à l’heure je vous disais que depuis le 28 septembre, je suis très à l’aise, on est en tain de travailler dur ici pour déblayer, accueillir la future assemblée. C’est une joie immense pour moi et pour tous les conseillers. Parce qu’accueillir une nouvelle assemblée, c’est une première. On est en train de lier l’utile à l’agréable conformément à la loi qui dit à l’article 157 de la constitution : ‘’nous sommes là jusqu’à la mise en place de la future assemblée’’ (…).
 
AFRICAGUINEE.COM : Après la rentrée de la future équipe parlementaire, quel va être la suite de votre carrière ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO :D’abord un repos primordial ! Parce que depuis 2000, je n’ai ni congé, ni repos. J’ai besoin aujourd’hui de me rapprocher de ma famille ; avec sept enfant, avec dix huit petits enfants qui ont besoin aussi de moi. Donc j’ai besoin d’un repos bien que cela ne signifierait pas que je baisserais les bras. Je serais prête à rendre service à ma nation, au contient africain et pourquoi pas le monde du travail d’où je suis venue. Je n’exige pas à avoir des postes de responsabilité, tant que je peux, tant que je me sens bien, je suis prête à rendre service à ce pays, à cette nation que j’aime tant.
 
 AFRICAGUINEE.COM : Peut-on vous attendre sur le terrain politique ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : Le terrain politique, c’est discutable, parce que je n’aime pas tellement faire la politique. Ça, bien que ça ressemble un tout petit peu au mouvement syndical, mais je pense que la politique, c’est autre chose, il faut avoir l’art de bien manager, de faire des promesses que tu ne réalises pas, de tromper (rire..). Je ne suis pas habituée à cela, j’ai passé tout mon temps dans le mouvement social, pour nous c’est cartes sur table, c’est la franchise, on se regarde en face, on discute ensemble, il y a rien de caché, je suis habituée à la transparence. Je ne pense pas que je sois tellement bonne à me lancer dans la vie politique. Mais l’homme est avec son destin, on ne sait jamais !
 
  AFRICAGUINEE.COM : Quelles appréciations faites-vous du déroulement de l’ensemble du processus électoral, du début jusqu’à maintenant ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : je vous ai dit au départ que j’apprécie l’engagement de tout le peuple de Guinée de sortir massivement malgré tout et aller voter. Ça doit attirer l’attention de tout un chacun et dire voilà ce dont le peuple a besoin. C’est une leçon que le peuple a donné à tous les dirigeants à quelque niveau que ce soit. Donc nous devons penser à ce peuple là.
 
  AFRICAGUINEE.COM : Avez-vous un appel à lancer ?
 
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO :L’appel que j’ai à lancer, que chacun sache, je l’ai dit tantôt, que nous sommes des guinéens tout court et qu’à près plus de cinquante ans d’indépendance, il y a des pays qu’on a assisté qui sont en avance sur nous. Il faut qu’on se ressaisisse et qu’on pense mieux faire pour le peuple de Guinée. Et on ne peut le faire qu’en temps de paix. La paix n’a pas de prix. Les femmes doivent se mobiliser parce que c’est elles qui donnent vie, la jeunesse doit se mobiliser parce que c’est eux l’avenir de demain, les medias doivent jouer leur rôle, être rassembleurs, il y a des vérités quand tu les dis ça amène des frustrations et des violences, il y des mensonges qui peuvent rassembler les hommes, les religieux doivent jouer leur rôle, prêcher la paix à tous les niveaux, les sages doivent faire autant au niveau des familles et du voisinage, la sécurité aussi. Parce que demain chacun rendra compte. J’en appelle à tout un chacun de se ressaisir et privilégier le dialogue à la place de la violence parce que nous avons besoin de construire notre pays.
 
  Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
   En collaboration avec SOUARE Mamadou Hassimiou
   Pour Africaguinee.com
   Tel : (00224) 664 93 51 32
 
Créé le 30 octobre 2013 09:58

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