Gouvernance en Guinée: de vieux réflexes pour nier l’évidence…
C’est l’histoire d’un peuple qu’on tue à petit feu de manière sporadique et d’un chef dont l’orgueil et la surdité laissent craindre le pire. Après 100 morts en forêt, Kôrô Alpha a convié ses compatriotes à prier avec des « rabbanas » et des « Alléluias » pour les pauvres koniankés et guerzés tués en toute impunité !Hélas, cette tragédie a une nouvelle fois déclenché des réflexes pour nier l’évidence et avec une politique de l’autruche sans aucune intention de remédier durablement à ces menaces qui gangrènent le tissu social. Voyons de plus près, ces réflexes devenus un sport national en Guinée avec la bénédiction de Kôrô Alpha.
Eternels « donneurs de leçons »
Comme d’habitude après les massacres place aux discours bidon pour claironner les mérites d’une unité nationale aux populations. Que de discours fleuves sont tombés avec des expressions très à la mode en ce moment comme : « condamner avec la dernière énergie » « appeler à la retenue » , « la guinée est une famille » « demander que les auteurs soient punis ».D’ailleurs, pouvoir et opposition rivalisent d’ardeur dans ce réflexe très prisé dans notre pays : celui du médecin après la mort.
Primo, peu après son retour à Conakry, Kôrô Alpha a griffé un décret pour une « journée de deuil national » le 22 juillet dernier. Au Palais Sékhoutouréyah, Kôrô Alpha, a comme d’habitude, reçu les barbes blanches et cadres ressortissants de la forêt. Au menu de ses salamalecs, « tirer les leçons » de la tragédie de N’zérékoré et Beyla .De belles promesses ont été faites avant que Kôrô Alpha n’envoie une équipe « commando » de nos ministres pour claironner la bonne parole à N’zérékoré et Beyla.Alhassane Condé (administration du territoire), Togba Césaire Kpoghomou (communication) , Madifing Diané (sécurité) ont tous vanté les mérites d’une unité nationale aux populations locales, très crédules mais meurtries. Quand aux solutions, des pactes de non agression ont été signés entre guerzés et Koniankés et une enquête judiciaire a été ouverte sous l’œil de nos ministres. Comme toujours, on a opté pour les solutions à moindre efforts pour vite tourner la page et imposer à chacun la loi du silence. Quand au parti présidentiel, il n’a pas manqué de lancer une flèche empoisonnée à nos opposants-opposés suite aux tueries de N'zérékoré et Beyla: « Le RPG Arc-en-ciel déplore l’attitude de certains hommes politiques qui, au lieu de contribuer à apaiser les esprits, se livrent à un marchandage politique de ces graves événements »(SIC !), selon un communiqué de ce parti .Mais l’histoire n’ a pas encore dit son dernier mot!
Secundo, pendant que le sang coulait à flot dans le sud est du pays, peu de nos opposants-opposés ont brisé le silence. D’ailleurs, aucun d’entre eux n’a pris l’initiative de se rendre au chevet de ses populations pour apporter un soutien matériel, humain ou même moral. Rassurez-vous, ils iront en masse pour quémander le vote de leurs compatriotes quand le moment des élections viendra. En attendant, on se contentera des pleurnicheries de Kôtô Dalein de l’UFDG qui se dit « extrêmement meurtri par les évènements sanglants survenus dans la région de N'zérékoré” avant de demander à ses militants et sympathisants en forêt de soutenir les victimes. Sidya "courant" de l’UFR, a distillé son discours technocrate pour que la Guinée prenne « le chemin vertueux de la croissance économique ensuite celui la réconciliation nationale ; Lansana “kouma tigui” du PEDN a vite trouvé des coupables à travers groupes extérieurs « infiltrés » et des « milices locales » avant d’inviter l’Etat à « prendre ses responsabilités ». De très beaux discours donc, pour très peu d’actions concrètes alors que la situation humanitaire est loin d’être résolue à N’zérékoré ! Mais l’histoire n’ a pas encore dit son dernier mot!
La religion manipulée, les jeunes écartés
C’est bien connu et la machine est très bien huilée. Dès que le sang coule, la religion devient le seul refuge pour distiller le sentiment de fatalité à nos populations. Quand aux jeunes qui sont les principaux concernés, ils sont définitivement mis à l’écart au nom d’une gérontocratie obsolète.
Primo, dans la course à la démagogie, Kôrô Alpha a trouvé une arme sur mesure pour mobiliser nos imams et chefs religieux pour livrer leurs sermons démagogiques et presque…inutiles ! Et dans cet exercice, Kôrô Alpha sait compter sur le premier de nos ministres Mohamed « Vimto » ( Vimto, est une boisson énergisante très prisée dans les cérémonies en guinée) Fofana . Très actif pour les cérémonies et mamayas populaires, le PM Mohamed « Vimto » Fofana a mobilisé le 22 juillet toute une armée d’imans et chefs religieux pour qu’ils vendent l’espoir aux populations après la tragédie de N’zérékoré et Beyla. [IMG4][I]« Nous avons estimés qu’il fallait sensibiliser suffisamment les populations sur nos problèmes que nous avons sur les secteurs de l’électricité, nos programmes et perspectives. Nous exhortons nos populations à la patience. Nous allons évaluer les besoins immédiats de nos populations" [/I] a lancé le PM Mohamed « Vimto »Fofana qui a promis de s’y rendre (au nom de Kôrô Alpha), pour assister les populations et engager des procédures pour punir les coupables. Quand au Secrétaire général aux affaires religieuses, El-hadj Ibrahima Guirassy a enfoncé le clou : [I] « Je demande à tout le monde de se pardonner ; l’unité nationale pour que tous les guinéens arrivent à vivre sur cette terre. Personne n’est supérieur à l’autre, il faut qu’on arrive tous à vivre ensemble ici. Le pardon, l’amour, la tolérance, l’acceptation sont des situations sociales exigées entre nous et chacun doit se nourrir l’esprit avec ça »[/I]. Vous parlez d’une démagogie ? Porototo. Mais l’histoire n’a pas encore dit son dernier mot!
Secundo, nos jeunes, éternels sacrifiés, ont été une nouvelle fois oubliés par nos chefs. Dans cette course à la démagogie, aucun discours sur l’emploi des jeunes, aucune initiative pour impliquer la jeune génération dans le tissu économique. Livrés à eux-mêmes , les jeunes comme à N‘zérékoré, sont loin des centres de décisions et subissent la loi impitoyable des barbes blanches qui savent que leurs jours sont comptés .La relève ?On s’en fout! Véritables chairs à canons, les jeunes sont lobotomisés par des sermons soporifiques de « pardon », de « réconciliation nationale » loin de leurs soucis quotidiens. Mais l’histoire n’ a pas encore dit son dernier mot!
En définitive, comme maigres suggestions, votre râleur du vendredi espère que nos chefs vont pour une fois abandonner ces vieux réflexes qui ont toujours échoués. Rappelez-vous, dans la même région, il y a eu les massacres de Galakpaye en mai 2011 (plus de 25 morts), Zogota en août 2012 (près d’une dizaine de morts). A chacune de ces tueries, la même ordonnance a été griffée par Kôrô Alpha sans pour autant soigner le mal en profondeur. Les enquêtes promises à l’époque sont restées lettres mortes. Pour une fois, la tragédie de N’zérékoré et Beyla a montré une triste réalité : le manque de formation et d’équipement de nos forces de sécurité et surtout l’abandon de la justice qui demeure à ce jour, comme le point faible de la gouvernance de Kôrô Alpha. Il suffit d’interpeller nos hommes en robe noire, pour qu’ils vous disent comment beaucoup d’entre eux tirent le diable par la queue !La sécurité et la Justice qui sont deux fonctions régaliennes de l’Etat nécessitent une bonne dose de réforme et d’appui au niveau du gouvernement. Pour éviter une flambée de violences, les jeunes doivent être impliqués et surtout occupés par un emploi pour gagner dignement leur pain. Peut être qu’au lieu d’être nombrilistes, une approche plus régionale pour trouver une solution à la cohabitation inter-communautaire est nécessaire. La Guinée, la Côte d’Ivoire et le Libéria doivent d’urgence créer une cellule de crise régionale pour sécuriser leurs frontières et savoir qui fait quoi et dans quelle zone. Avant la grande Mamaya du 2 octobre 2013 prévue à N’zérékoré pour la fête de l’indépendance, Kôrô Alpha doit donc rassurer, impliquer et sécuriser les populations locales. Sinon, la colère gronde au risque de porter un coup fatal aux promesses d’une Guinée libérée de sa longue transition politique. Au fait, les législatives c’est pour le 24 septembre non ? Peut être que les alliances électorales entre leaders politiques vont briser les chaînes du communautarisme même si les habitudes ont la vie dure en Guinée. Mais ceci est une autre histoire.
A bientôt!
Amadou Diallo
Pour Africaguinee.com
damadou13[at]yahoo.com
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