François Bourouno du PEDN : « On ne peut pas faire confiance à Alpha Condé… »
CONAKRY- Face à la crise politique que travers la Guinée depuis quelques moments, le parti dirigé par l’ancien Premier Ministre Lansana Kouyaté a fait une proposition de solutions. De la crise à la commission électorale nationale indépendante à la question relative à la tenue des élections locales, Faya François Bourouno, le porte-parole du PEDN dit tout. Il s’est confié en exclusivité à notre rédaction…
AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Bourounou bonjour ! Comment analysez-vous l’arrêt de la Cour Constitutionnelle autour de la crise au sein de la CENI ?
FAYA FRANÇOIS BOUROUNO : Nous observons cette situation avec beaucoup de regret. Ce n’est que la conséquence de la mauvaise foi, du manque de volonté du Chef de l’Etat à ce que les élections se tiennent à date dans notre pays. Aujourd’hui nous constatons pratiquement un tricéphalisme au niveau de l’institution. Ce qui compromet dangereusement l’avenir politique de notre pays. Parce que cela compromet l’organisation des élections communales et locales, ainsi que les élections législatives. Et ça donne de mauvais signaux pour les élections présidentielles à venir parce que les calendriers sont liés.
Mais pour nous, la question n’est pas liée à un problème de personne. Que ce soit Aziz ou un autre, ce n’est pas ça le problème aujourd’hui, même si tout le monde sait que celui qui a été désigné est loyal et compétent. On a un problème entier aujourd’hui avec l’Institution elle-même. C’est de discuter sur quel type d’institution il faut pour permettre à la Guinée d’avoir un processus électoral qualifié. Après cela la question d’hommes ne sera qu’une formalité. Donc, pour nous ce n’est pas un problème d’Aziz, de Bakary ou Kébé, notre problème c’est la CENI. De quel type de CENI voulons-nous ? Je crois que le débat doit être recentré sur ça.
La désignation d’Aziz Camara comme président intérimaire ne résout pas le problème. Il ne peut pas engager un processus électoral. Il ne pourra que gérer les affaires courantes au niveau de l’institution. Cela veut dire que cet arrêt n’a aucun impact sur les avancées en ce qui concerne la tenue des élections communales et législatives de 2018.
Les accords politiques du 12 octobre prévoient pourtant le maintien de l’équipe actuelle de la CENI jusqu’à la tenue des élections locales. Qu’en dites-vous ?
L’accord politique du 12 octobre n’engage pas du tout le PEDN. Il faut cependant préciser que les points qui ont été débattus nous préoccupent. Parce que nous savons qu’il faut que le fichier électoral soit assaini, tenir les élections tel que prévu par nos textes de lois et que l’administration soit neutre dans le processus électoral. Ce sont des points qui nous ont toujours préoccupés. Et on s’est battu depuis 2012 pour mettre l’ordre autour de ces éléments. Malheureusement, jusqu’à présent on n’a pas encore gagné satisfaction. Nous continuons à lutter pour que ces points soient résolus autour de notre processus électoral.
Ceux qui ont signé cet accord ont pris une responsabilité historique qui risque de les rattraper parce qu’aujourd’hui nous constatons qu’avec cette CENI, à supposer que la Cour Constitutionnelle tranche en faveur de X ou Y, la division affectera la conduite du processus. Une Ceni est une institution qui travaille. Mais avec le niveau d’incompréhension que nous sommes en train d’enregistrer, je ne crois pas que le maintien de cette même CENI pourra nous permettre d’avoir un processus électoral de qualité.
Comment analyser-vous l’invite faite récemment par le Chef de l’Etat à l’endroit de la CENI en vue d’accélérer le processus de mise en œuvre du chronogramme des élections locales ?
Pour nous au PEDN on ne peut pas faire confiance à Alpha Condé sur parole. Il a plusieurs fois fait ce genre d’invite, mais ça n’a apporté rien. Parce que derrière ce qu’il dit en public et ce qu’il fait en dessous, c’est tout un océan d’écart. Pour nous, ce n’est pas un discours d’Alpha Condé qui va nous rassurer. Ce sont des actes qu’il doit poser. Est-ce qu’on a besoin d’accord politique ou d’un engagement du Président à travers un communiqué pour que les élections puissent se tenir, alors que c’est prévu par la Constitution, le Code Electoral ? C’est la volonté politique qui manque. Cette volonté politique nous ne pouvons l’apprécier que lorsque des actes concrets sont posés conformément aux dispositions légales. Le discours d’Alpha Condé invitant tel acteur ou tel acteur pour que ça marche, c’est du bluff qui n’a rien à voir avec ce qu’il pense. En réalité il ne veut pas de maire élu à la tête de nos différentes communes.
Pourtant le Ministre Tibou Kamara, le Conseiller personnel du Chef de l’Etat soutient que le Président Alpha Condé est soucieux du respect des engagements qu’il a pris. Est-cela ne vous rassure pas ?
C’est difficile parce que Tibou ne correspond à aucun paramètre des variables de l’équation du PEDN. Pour nous c’est un ministre Conseiller. D’ailleurs ses sorties prouvent à suffisance l’incohérence au niveau de l’Etat. Dans aucun pays au monde je n’ai vu un ministre Conseiller du Président de la République engager le Gouvernement. Mais aujourd’hui, il tient des propos qui engagent la personnalité du Chef de l’Etat, le Gouvernement. S’il est Conseiller, il doit indiquer ses positions au Chef de l’Etat ou à qui de droit. Maintenant le Gouvernement doit afficher les positions officielles qui doivent garantir la crédibilité et la confiance des acteurs qui sont en scène. Aujourd’hui, dire que les propos de Tibou peuvent rassurer l’opposition, peut-être que c’est l’autre partie de l’opposition, mais ce n’est pas le PEDN.
Selon vous qu’est-ce qu’il faut alors pour sortir de cette crise ?
C’est la volonté politique manifestée par des actes. Le Chef de l’Etat est le garant du fonctionnement des Institutions dans notre pays. Il y a des disfonctionnement au niveau de la CENI. Qu’est-ce qu’il attend pour les résoudre ? Il doit poser des actes pour résoudre les problèmes à la CENI. On ne demande pas à ce qu’il fasse de l’ingérence, nous demandons à ce qu’il joue son rôle, qu’il assume ses responsabilités pour que les institutions fonctionnent. La crise que nous vivons aujourd’hui à la CENI aurait pu être évitée si dès au début le Président ou son gouvernement s’était mis à sa place. Il faut qu’on évite que les accords prennent le dessus sur les dispositions légales. Nous devons nous conformer à ce que nos lois ont prévu. Le Président de la République doit poser des actes qui vont au-delà des simples effets d’annonce.
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
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Créé le 10 août 2017 16:16Nous vous proposons aussi
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