Fodé Mansaré parle : ‘’Je dirais à mon fils de jouer pour la France si…’’

Fodé Mansaré,  ancien joueur du Sily National

CONAKRY-Fodé Mansaré, qui a raccroché les crampons en 2012 suite à une grave blessure vient de briser le silence ! Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, l’ancien international guinéen livre un regard critique sur la conduite actuelle du football guinéen par la Féguifoot. De son parcours professionnel en passant par ses projets, la nouvelle génération du Sily, Fodé Mansaré parle sans détour. Exclusif !!!


AFRICAGUINEE.COM : Mohamed Sylla « Ofé » qui est l’un de vos aînés vient de nous quitter. Quels souvenirs gardez-vous de lui ?

FODE MANSARE : Ofé était un grand frère avec qui j’avais des liens très forts. C’est quelqu’un qui m’a aimé, qui m’a côtoyé. Je suis désolé qu’il soit parti aujourd’hui, que son âme repose en paix. Je suis vraiment triste parce qu’il était malade pendant longtemps. C’est quelqu’un qui a servi la nation guinéenne. Mais je vais parler à la Fédération Guinéenne de Football. Nous tout ce qu’on a fait c’est pour la Guinée. La Fédération doit être là pour aider les anciens qui n’ont pas eu les moyens comme nous. Si les anciens qui ont défendu les couleurs nationales, qui n’ont pas de l’argent tombent malades il faut que la Fédération vienne en aide. Ça, c’est très important pour la Guinée, pour les joueurs guinéens, pour le peuple, pour les gens qui vivent à l’étranger. Parce que si les gens entendent que la Fédération a aidé tel joueur parce qu’il était malade, ces gens auront le courage de venir jouer pour la Guinée. Mais vous, vous êtes là, les autres se sont tués pour la Guinée, ils sont malades, qu’est-ce qui vous empêchent d’aider les footballeurs qui se sont tués pour la Guinée ? Moi si c’est comme ça, je dirais à mon fils de jouer pour la France ou pour d’autres nations.

Moi ils (les responsables de la fédération) ne peuvent pas m’aider parce que moi j’ai ma vie. Sincèrement là où ils peuvent m’aider c’est pour me soutenir pour encadrer ces jeunes qui sont dans mon académie. Mais qu’est-ce qu’ils vont me donner ? J’ai ma vie moi, je peux voyager, j’ai la nationalité (française ndlr) donc quand il y a un problème je pars en France. Mais ils n’ont qu’à aider les gens qui n’ont pas des moyens. Il faut qu’ils arrêtent un peu. Manger l’argent c’est bien, mais aider aussi ceux qui ont mouillé le maillot pour le peuple de Guinée. Fédération Guinéenne de Football réveillez-vous, vous dormez un peu. Sincèrement je ne sais pas à quoi sert la Fédération. Ils n’ont qu’à aider, ce n’est pas seulement de manger de l’argent. C’est bien beau de manger l’argent mais il faut aider aussi, les Dieng qui sont hospitalisés à Ignace Deen, Ofé est mort dans la misère. Franchement si vous n’aidez pas ce n’est pas bon du tout. La Fédération et le ministère des sports vous voulez aider la Guinée ou vous voulez manger l’argent ? Si on a envie d’évoluer comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali, les pays Magrébins, il faut se réveiller et mettre l’argent à la disposition des joueurs. C’est pareil pour le ministère des sports, il faut qu’ils aident. Les gens ne veulent même pas aller à l’école pour le football alors que l’éducation est très importante pour l’avenir de notre pays. La Fédération et ministère doivent savoir qu’on a besoin d’eux, on a des talents mais sans les aides on ne peut pas.

Parlez-nous de ce que vous faites après votre retraite internationale ?

Après ma retraite j’ai décidé de rentrer en Guinée. Tout ce que j’ai appris en Europe j’essaye d’envoyer vers chez moi. On a une académie qui s’appelle Foot-Elite, où je suis le Président du club et Fodé Camus Camara est l’entraineur principal en même temps Directeur Général. On s’est donné les mains pour bâtir cette équipe pour la faire grandir. Foot-Elite joue actuellement en deuxième division pour Flamme-Olympique et actuellement on est 1er dans le championnat. Nous nous battons pour les jeunes de Guinée, je pense que si on se donne les mains ça va être pour le bien du pays. C’est pourquoi j’ai décidé de revenir sur le terrain avec ces jeunes garçons et filles. A travers cette académie on veut aider ces jeunes qui n’ont pas de moyens dans les quartiers afin qu’ils deviennent quelque chose demain. C’est ça mon combat pour le moment. Pour l’instant, on a juste besoin de l’aide.

Etes-vous en partenariat avec des clubs européens où vous avez joué pendant une dizaine d’années ?

Oui ! Même tout dernièrement je suis parti en Europe pour essayer de trouver des partenariats. C’est vrai que ce n’est pas facile mais je sais que je vais en trouver parce qu’on a des accords avec des partenaires en Europe mais ils veulent savoir ce qu’on fait ici. C’est pour cela qu’on doit filmer et leur montrer tout ce qu’on fait et leur prouver qu’on travaille dans la sincérité. Et au fur  et à mesure on verra.

On sait qu’il y a beaucoup de jeunes talentueux à Conakry mais il y en a encore à l’intérieur du pays.  Maintenant que vous dirigez l’académie de Foot-Elite est-ce que vous avez pensez à ceux-ci ?

On y pense mais pour le moment on n’a pas mis en place. Comme actuellement on est à Conakry, on essaye de faire avec les enfants de Conakry. C’est vrai qu’il y a des talents à l’intérieur mais pour le moment on vient de commencer, après on va élargir si tout se passe bien jusqu’à l’intérieur du pays. Parce que pour mon académie il faut des aides sinon moi seul je ne pourrais pas. Tout ce qu’on est en train de faire sur ces deux ans c’est la fondation SMB qui nous aide financièrement avec AIW. Si on ne nous aide pas c’est difficile de partir à l’intérieur de la Guinée.

Votre parcours professionnel. Parlez-nous-en !

Je pense que les guinéens connaissent un peu mon parcours. Je suis parti en 1997 en France et en 1998 l’équipe de France a pris la coupe du monde. Je suis parti à Ajaccio et j’avais fait quelques années là-bas. Après je suis venu au centre de formation de Montpelier. J’ai été formé là-bas et de Montpelier je suis venu en 2005 à Toulouse où j’avais signé un contrat allant de 2005 à 2012. Partout où je suis passé franchement, ça s’est très bien passé même s’il y avait des hauts et des bas. Globalement tout s’est bien passé. J’ai fait un parcours remarquable et j’aurais dû faire encore mieux mais je n’ai pas eu la chance parce que j’ai été blessé. Mais tout ce que Dieu fait est bon. Le plus important pour moi tous ces moments que j’ai passés sont des moments inoubliables pour moi dans vie. Je pense qu’avec tout ce que j’ai vécu ou appris ou encore tout ce que j’ai pu avoir, j’ai partagé du plaisir avec la population guinéenne. Je pense que les gens étaient fiers de moi.

C’est sûr que j’aurais dû faire mieux que ça mais Dieu a décidé autrement, c’est comme ça la vie on ne peut rien contre ça. Je ne regrette rien et encore aujourd’hui je suis dans le foot pour essayer de donner ce plaisir que j’avais donné aux supporteurs guinéens à ces jeunes garçons et filles. Aussi je suis dans la culture parce que j’aime la musique, j’ai un pied dans la culture et un pied dans le foot. An niveau du Syli National de Guinée aussi ça s’est très bien passé. Avec mes amis on a donné du plaisir aux guinéens, c’est vrai qu’on n’a pas ramené la coupe mais on aurait dû parce qu’on avait une équipe pour ramer la coupe en Guinée mais on n’a pas eu la chance, c’est comme ça, c’est la vie.

Aujourd’hui les moyens que le Président de la Fédération Guinéenne de Football Antonio Souaré met à la disposition de ces jeunes, nous on n’a pas eu cette chance quand on était là, mais le talent qu’on avait ces jeunes-là ne l’ont pas. C’est vrai parce que quand tu joues pour la Guinée c’est le maillot  rouge-jaune-vert que tu défends. Quand tu portes ce maillot il faut se donner des moyens pour faire plaisir aux supporteurs, il faut mettre l'égo par terre. On ne dit pas forcement qu’il faut gagner tous les matchs mais quand tu sors,  au moins que les supporteurs soient satisfaits par rapport à ce que vous avez fait.

Je demande aux jeunes qui sont là aujourd’hui, qui sont fiers d’être guinéen, qui ont porté ce maillot de ne pas s’amuser et de faire tout pour ramener la coupe en Guinée. Ils ont des talents, je pense que si on les encourage à ce qu’ils travaillent bien, à ce qu’ils oublient l’Europe et les faire savoir quand ils viennent en Guinée c’est pour trois (3) points alors ils n’ont qu’à faire plus que nous. Tout ce qu’on a besoin d’eux aujourd’hui c’est qu’ils nous ramènent la coupe en Guinée. On a besoin encore que les encadreurs et la FEGUIFOOT soient des sérieux pour mettre les joueurs à l’aise. Je pense que le message est passé et ils vont prendre conscience parce qu’il y a des guinéens qui ne mangent pas aujourd’hui, le peu qu’ils ont ils viennent acheter les billets juste pour regarder les matchs. Donc ils n’ont qu’à prendre conscience par rapport à ça. Aujourd’hui, le Football c’est l’une des clés que ça soit dans le championnat ou les éliminatoires pour que la Guinée aille bien. Il faut qu’on se donne les mains, qu’on se batte comme des lions pour qu’on puisse ramener la coupe en Guinée.

Quels sont vos meilleurs souvenirs dans votre carrière de footballeur ?

Mon meilleur souvenir c’est à Toulouse parce qu’on avait fini 3ème on a joué les préliminaires de la Ligue des Champions. Dans le Foot c’est mon meilleur souvenir. Après il y a d’autres souvenirs encore, je me rappelle quand on a joué à Alger et on s’est qualifié pour la Coupe d’Afrique. En ce moment il y avait de grosses équipes en Afrique. Pour se qualifier c’est tout à fait un problème et en ce moment on avait une équipe qui était prête mentalement. Ça, ce sont des moments qu’on ne peut jamais oublier. Et puis moi sur ces CAN en Egypte j’ai été 3 fois meilleur joueur si j’ai la bonne mémoire. On n’a jamais joué pour l’argent, on avait joué pour  la patrie parce qu’on aimait la Guinée.

Quel est  votre meilleur match ?

C’est beaucoup. Je peux citer jusqu’à quatre (4). Quand on a joué au Ghana contre le Libéria, mais tous les libériens voulaient que je sois libérien. Je me rappelle ce jour-là on avait gagné mais le match que j’avais fait là-bas était particulier. Je cherche même à avoir les cassettes de ce match. Quand on a joué ici contre le Maroc, quand on a joué contre l’Egypte, contre le Sénégal en Coupe d’Afrique et quand on a joué en Algérie où j’ai marqué le 1er but et Pascal Feindouno a marqué le 2ème but, tout ça c’est sont des meilleurs matchs.

Quels sont vos pires moments dans le Football ?

Mon pire moment c’est quand j’étais blessé en fin 2011 à Toulouse. Je devrais signer à Newcastle un club anglais et ça restait deux matchs avant que le championnat se termine. J’avais négocié le contrat avec Newcastle parce que depuis 1997 j’étais en France. Donc je voulais changer un peu d’environnement. En plus j’étais en fin de contrat, c’est là que j’ai été blessé. Et quand tu es en fin de contrat c’est plus difficile que tout. C’est vrai que j’avais eu des moments difficiles dans mes clubs surtout à Toulouse, mais tout cela te remet en question parce que le Football il faut avoir des hauts et des bas. 

Dans une équipe, chaque joueur a des complices sur et en dehors du terrain. Qui était votre meilleur partenaire au sein du Syli ?

C’était Souleymane Youla parce qu’on est né ensemble à Coléyah et on a grandi ensemble. Les autres c’était des partenaires, des amis mais mon meilleur ami au sein de l’équipe du Syli c’était Youla.

Fodé Mansaré a raccroché les crampons avec le Syli Nation à quel âge ?

J’ai arrêté à 31 ans parce que j’étais blessé. Ensuite j’ai décidé de ne plus jouer. Après j’étais en Espagne à Caceres où j’ai fait 6 mois.  Ils voulaient que joue pour eux mais je n’avais plus envie donc j’ai décidé d’arrêter. Je sais que les guinéens ne voulaient pas que je raccroche mais j’étais désolé d’arrêter très tôt.

Et pourtant beaucoup de joueurs de votre génération comme Eto’o continuent à jouer jusqu’à présent et Drogba vient juste d’arrêter ?

Oui c’est des gens qui sont plus âgés que nous de 2 ou 3 ans je crois mais c’est leur destin parce qu’ils ne sont pas blessés comme moi. Et on n’a pas eu le même parcours parce qu’eux ils sont devenus des légendes dans le football africain. On aurait pu être à leur place, mais c’est la chance. Sinon personnellement le football moi je pouvais jouer où je voulais dans le monde entier mais le destin a fait que j’ai joué à Ajaccio, à Montpelier, à Toulouse et en Espagne (Caceres ndlr) et ça s’est arrêté sur une blessure que je n’ai pas souhaité. Mais c’est la vie qui fait ça, le destin est inévitable.

Quelles sont vos relations avec les autorités sportives guinéennes actuellement ?

En Guinée je m’entends bien avec Antonio Souaré avec tout le travail remarquable qu’il fait pour la Guinée. C’est mon tonton, mon papa et je sais qu’il m’aime bien mais pour le moment il n’y a que ça qui nous lie, père fils et fils père. Il n’y a personne qui m’a approché pour me dire quoi que ça soit. Pour le moment je suis avec mon académie et tout le monde voit le travail que j’essaye de mettre en place pour Foot-Elite. Ils savent que je suis là et quand quelqu’un a besoin de moi il sait où me trouver.

Que pensez-vous de cette nouvelle génération qui joue au sein du Syli ?

C’est des jeunes qui ont des talents mais ils ont beaucoup à apprendre. Techniquement ils sont bons mais physiquement c’est moins. On a besoin qu’ils travaillent physiquement pour finir souvent des matchs. Donc il ne faut pas que les gens qui sont nés en Europe viennent ici alors qu’ils n’ont pas envie de jouer avec l’équipe nationale. Les gens qui n’ont pas envie de jouer avec l’équipe nationale n’ont qu’à rester là où ils sont.

On a besoin de gens qui aiment la Guinée et qui veulent amener la Guinée devant. Ils ont le talent mais ils n’ont qu’à travailler davantage pour le plaisir qu’on attend d’eux, d’aller en finale, de nous ramener la coupe que nous on n’a pas fait. On sait qu’ils peuvent le faire mais c’est la tête. On n’a pas besoin de gens qui viennent jouer en Guinée et perdre et sortir pour aller en boîte de nuit le soir.

Interview réalisé par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224 666 134 023

Créé le 17 février 2019 15:56

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